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Quelle est la meilleure façon de faire un jeu de sabotage ?

À présent que j’ai traité mon bloc « sabotage », je me suis dit que je pouvais en faire une sorte de mini-bilan.
Ce que j’ai trouvé intéressant et qui m’a poussé à traiter ces jeux en bloc, c’est qu’ils ont quasiment tous une manière différente de gérer cet aspect-là ; et je me suis demandé : quelle était, à mon sens, la meilleure façon d’incorporer un (ou plusieurs) saboteur(s) à démasquer ?
Au passage, je précise que, même si aucun jeu que je vais évoquer n’emploie ce terme, j’emploierai le terme « saboteur » pour désigner, de façon générale, le(s) candidat(s) qui doivent être éliminés. Chaque jeu ayant un terme bien trop spécifique (Taupe, Traître, Loup-garou, etc.), je ne vais pas m’amuser à faire la liste à chaque fois.

Bon, dire quel est « le meilleur jeu », ce serait un peu présomptueux (même si, à chaud comme ça, Qui est la taupe me semble le choix le plus évident) ; surtout que, même si l’aspect « sabotage » est ce qui m’intéresse le plus ici, ce serait dommage de résumer les jeux de la sélection à ça.
D’autant plus que pas mal de critères externes à cet aspect-là ont pu jouer sur mon appréciation… et pas qu’en bien. Oui, je pense notamment au très mauvais principe de finale de Cash Island, ou à la narration chaotique de Loups-garous
Bon, après, il y a d’autres aspects qui jouent en bien, certes. J’ai notamment apprécié les partis pris des épreuves du Maître du jeu ou de Murder party au musée, le rythme des Traîtres, l’esthétique de Loups-garous… ou encore les castings des différents jeux, à part celui un peu trop typé de Cash Island.

Mais, dans tous les cas, j’y ai vu des idées assez créatives pour faire des jeux dont le but est de démasquer le(s) candidat(s) qui joue(nt) un double jeu.
Et au final, je me suis aperçu qu’il y avait un critère central dans la façon de gérer ce genre de jeu : c’est le démasquage du/des saboteur(s).
En effet, c’est ce qui est censé faire l’intérêt principal du jeu (ou presque, Cash Island et Le maître du jeu ayant d’autres objectifs en parallèle) ; et qui doit donc être géré par la mécanique pour que celle-ci reste intéressante, même une fois le démasquage potentiellement fait.

En outre, il y a également pas mal de questions sous-jacentes qui me sont venues, au fil de ma réflexion, concernant différents aspects : est-ce que le saboteur a des pouvoirs spécifiques pour mener sa mission à bien ? Est-ce que le reste de l’équipe dispose d’indices pour contre-attaquer ? Vaut-il mieux dévoiler l’identité du saboteur au spectateur dès le départ, ou laisser la surprise lors du démasquage ?

On va tenter de répondre à ces questions ; mais juste avant ça, je vais ajouter à ma sélection deux autres jeux de plateau :

  • Ali Baba, que j’avais traité juste avant d’aborder le bloc ;
  • Qui est le bluffeur ?, traité cette fois-ci il y a (beaucoup) plus longtemps.

Ce sont cette fois-ci des jeux de plateau ; qui sont certes moyennement comparables avec les jeux d’aventure évoqués, dans la mesure où leurs épisodes sont unitaires, et où l' »enquête » est donc plus expéditive ; mais si j’ai inclus Murder party au musée (qui est aussi un unitaire) dans cette réflexion, je peux en parler également. Et je trouve intéressant de les inclure dans la réflexion ; dans la mesure où eux aussi proposent un parcours « segmenté », où il y a besoin de gérer les aspects que je viens d’évoquer.

En revanche, même si j’y ai rapidement fait allusion en parlant de Murder party au musée, je ne compterai pas Cluedo dans cette analyse ; car, même s’il y a également un coupable à démasquer ici, celui-ci ne fait pas partie des candidats, s’agissant juste d’un personnage parmi les autres suspects, qui sont eux aussi des personnages. Les candidats n’ont qu’un rôle d’observateur ; et même si c’est le cas pour l’un des candidats dans Ali Baba, on a également d’autres candidats qui, eux, font partie des suspects.

Bref, à présent que la liste des jeux sur lesquels se baser est établie, voyons ce qui les lie et ce qui les différencie.

Combien de saboteurs ?

Première question : est-ce que le jeu a été taillé pour qu’il n’y ait qu’un seul saboteur, ou peut-on avoir une « équipe » de saboteurs ?
Alors, j’emploie le terme « équipe » avec des guillemets, dans la mesure où, dans le cas d’un jeu avec plusieurs saboteurs, ceux-ci ne sont pas forcément amenés à travailler en équipe. Notamment, dans Ali Baba, on a bien deux saboteurs, mais ceux-ci travaillent chacun pour leur compte.

À ce niveau-là, on trouve donc deux tendances majoritaires : soit il n’y a qu’un seul saboteur (QELT, Cash Island, LMDJ, MPAM, QELB), soit on en a plusieurs qui travaillent en équipe (Les Traîtres, Loups-garous).
Le cas d’Ali Baba étant assez singulier, dans la mesure où on a deux saboteurs ne travaillant pas en équipe ; toutefois, il l’est d’autant plus que le concept serait compatible avec un seul saboteur, ou avec trois. Ce qui modulerait d’autant plus la difficulté du jeu : en effet, en parlant uniquement de probabilités, avec un seul saboteur, le candidat « observateur » aurait 3 chances sur 4 de gagner ; mais avec trois saboteurs, il n’aurait plus qu’1 chance sur 4.

Les Traîtres - réunion des Traîtres
Pour les Loups-garous likes, ça semble assez évident d’avoir plusieurs saboteurs.

Sur le papier, je dirais que l’option « plusieurs saboteurs » est plus facile à maîtriser, dans la mesure où elle simplifie un peu les questions relatives aux éliminations. On en reparlera plus en détail après ; mais, dans l’idée, on se dit que si un saboteur est éliminé, il en restera d’autres, donc ça maintient de l’intérêt.
Par ailleurs, tout comme pour Ali Baba, le fait d’avoir plusieurs saboteurs permet de potentiellement moduler la difficulté selon le nombre de saboteurs ; mais il faut alors faire attention à l’équilibrage. Dans le cas des Loups-garous, par exemple, il faut que les Villageois restent en supériorité numérique assez nette par rapport aux Loups-garous, étant donné qu’ils ont un pouvoir leur permettant d’éliminer spécifiquement des villageois (on y reviendra) ; autrement, la partie risque d’être très expéditive.
Toutefois, je dis probablement ça car j’ai davantage l’habitude des concepts façon Loups-garous, qui paraissent plus intuitifs. En outre, ça pose un autre problème (sur lequel on reviendra aussi), concernant le nombre d’épisodes.

L’option « un seul saboteur », quant à elle, est un peu à double tranchant. Car, sur un groupe composé de nombreux candidats, le saboteur est donc théoriquement plus difficile à débusquer que s’il y en avait plusieurs ; mais s’il venait à être éliminé, il faudrait alors penser à un système pour maintenir l’intérêt derrière. Ou alors, assumer de faire un épisode unitaire comme MPAM pour que le problème ne se pose pas.

Bref, il y a du pour et du contre dans les deux cas. L’option « plusieurs » nécessite de calibrer le nombre de saboteurs par rapport aux règles souhaitées ; tandis que l’option « solo » nécessite de penser les règles pour maintenir l’intérêt une fois le démasquage potentiellement fait.

Le saboteur a-t-il des pouvoirs spécifiques ?

Autrement dit : pour mener sa mission à bien, le saboteur dispose-t-il d’avantages que les autres candidats n’ont pas ?
Et la réponse est… presque totalement oui. En effet, avant que Murder party au musée ne débarque, c’était le cas pour tous les jeux de la sélection.

Donc autant commencer par le cas de MPAM… même si, techniquement, il y a tout de même un moment qui distingue le saboteur des autres candidats, à la toute fin. En effet, lors du questionnaire final, les réponses du saboteur ne sont pas prises en compte (à l’instar de QELT, dont on reparlera un peu plus loin) ; mais étant donné que ça ne débouche pas sur une élimination, ça n’a finalement pas une très grande importance.

Un autre cas où les « pouvoirs » du saboteur sont peu significatifs, c’est Le Maître du Jeu.
D’une part, on peut dire qu’il est effectivement avantagé, dans la mesure où le saboteur est le seul candidat à connaître l’identité de son hôte, que les autres cherchent à déterminer. Mais d’un autre côté, son but est que le reste de l’équipe ne parvienne pas à trouver cette identité ; donc ça fait partie du jeu, on va dire.
Au-delà de cet aspect, en revanche, il n’a pas particulièrement de pouvoirs spécifiques ; hormis l’occasion d’éliminer un autre candidat par la ruse, s’il le souhaite (au risque de se faire démasquer s’il échoue). Ce qui est très ponctuel, et n’est pas indispensable au déroulement du jeu.

Le Maître du jeu - élimination surprise
Voilà, c’était l’un des rares moments de « gloire » du saboteur dans Le maître du jeu, symbolisé par cette flûte à champagne noire.

Pour les Loups-garous likes, le pouvoir est de procéder à l’élimination d’un loyal/villageois en toute discrétion, sans que ceux-ci ne puissent réagir. Ce qui fait un peu dégueulasse sur les bords pour les loyaux/villageois, qui peuvent donc à tout moment se retrouver éliminés, même en ne l’ayant pas cherché… ah oui, s’il y a bien une chose que je reproche aux Loups-garous de Thiercelieux, c’est cet aspect-là. Non seulement on peut se faire éliminer à tout moment et sans raison particulière ; mais en plus, quand c’est le cas, on n’a plus qu’à attendre que la partie se termine… et c’est encore pire quand la première élimination se fait par les saboteurs, avec un candidat éliminé qui n’a même pas eu son mot à dire. Une pensée pour Pierre Frolla dans la saison 1 de Loups-garous
Cependant, au-delà de cette spécificité, Les Traîtres et Loups-garous ont quelques pouvoirs plus spécifiques, selon les circonstances :

  • Dans Les Traîtres, lorsque les saboteurs sont en infériorité nette à un stade trop avancé de la partie, ceux-ci peuvent proposer à un loyal de rejoindre leur camp ; ce qui permet donc de le renforcer. Mais en contrepartie, ils doivent renoncer à éliminer un loyal pendant la nuit où cette décision est prise.
  • Dans Loups-garous, plus occasionnellement, certaines épreuves nécessitent la participation des saboteurs en amont ; en particulier l’épreuve du saut à l’élastique, où ils devaient pronostiquer le résultat.

Pour Qui est le bluffeur ? et Ali Baba, le saboteur connaît les réponses des questions ; et peut donc s’en servir à loisir pour servir ses intérêts, le risque étant en revanche qu’il se fasse démasquer si sa performance paraît trop suspecte.
Notons toutefois que dans le cas d’Ali Baba, cet avantage semble relativement partiel, puisque certains mini-jeux ne semblent pas faire appel à une connaissance quelconque insufflée au préalable au saboteur.

Bref, les jeux qui se démarquent le plus à ce niveau sont Cash Island et Qui est la Taupe ?, pour des raisons très différentes.
Dans le cas de Cash Island, le Maître du Jeu porte particulièrement bien son nom ; dans la mesure où on lui offre carrément la possibilité de « modeler » l’épreuve en binômes à sa guise, en décidant quels candidats vont jouer ensemble pour l’épreuve. Ce qui lui permet, en se débrouillant bien, de se qualifier pour l’épreuve d’immunité, et empêcher le plus possible les autres candidats de disposer d’indices (on en reparle dans le paragraphe suivant) ; mais comme pour QELB et Ali Baba, il ne faut pas non plus que la répartition paraisse trop suspecte.

Cash Island - attribution des équipes


Et dans le cas de QELT, le saboteur… ne peut tout simplement jamais se faire éliminer, rien que ça ! Ce qui a nécessité de revisiter le système d’élimination, afin de le permettre.
C’est à peu près le « seul » avantage dont le saboteur dispose (mais bon, vu l’ampleur de l’avantage, c’est déjà bien !) ; mais à l’instar de Loups-garous, on peut citer quelques pouvoirs un peu plus occasionnels lors de certaines épreuves, où on a demandé au préalable au saboteur de réaliser quelques actions (comme un pronostic).

Bref, tout ça, c’est bien beau ; mais il ne faudrait pas non plus que les avantages des saboteurs ne viennent déséquilibrer profondément le déroulement de la partie.

L’équipe a-t-elle des indices pour enquêter ?

Aussi, ça peut être intéressant de donner aux autres candidats des outils pour qu’ils puissent rendre au(x) saboteur(s) la monnaie de sa (leur) pièce ; notamment en les démasquant.

Est-ce obligatoire ? La réponse est non. Dans à peu près la moitié des cas, l’équipe ne dispose pas d’informations additionnelles particulières pour démasquer le(s) saboteur(s) ; et leur seule option est donc d’analyser le comportement des autres, afin de trouver le plus suspect, et ce qui pourrait faire l’objet d’une tentative de sabotage délibérée.
Ce qui est le cas de QELB, Ali Baba, LMDJ (les indices ne servant pas à démasquer le saboteur) et Les Traîtres.

Dans le cas de Loups-garous, en revanche, certains indices peuvent être mis à disposition des candidats, sous plusieurs formes.
D’une part : via les rôles. Dès le départ, l’un des villageois dispose du rôle de la Petite fille, qui permet d’espionner les séances où les Loups-garous se concertent. Cet avantage est cependant risqué, car s’il se fait remarquer, les Loups-garous peuvent donc l’éliminer sur-le-champ.
En outre, dans le jeu de société, on a le rôle de la Voyante, qui permet de voir le rôle d’un autre candidat de son choix pendant la nuit ; mais qui, ici, fait l’objet d’une récompense (à usage unique) de quête, et qui doit être attribué à quelqu’un au vote. Ce qui veut dire qu’il faut non seulement réussir la quête pour disposer de cet avantage ; mais qu’en plus, on n’a pas de garantie qu’il revienne à un honnête villageois !
Et enfin, c’est plus occasionnel, mais certains events peuvent donner des indices supplémentaires ; moyennant une contrepartie assez importante, qui implique l’élimination immédiate de celui/celle qui accepte de se sacrifier.
Bref, dans l’ensemble, ces indices sont assez… malléables. Ils ne dépendent pas vraiment de la nature même du jeu ; et peuvent donc sortir un peu n’importe quand, surtout quand ça arrange le scénario (on en reparlera).

Loups-garous - Rôle du renard
Le rôle du Renard dans Loups-garous, par exemple, sert d’indice pour les candidats, s’ils l’acceptent. Mais moyennant l’élimination d’un joueur en contrepartie…

Pour Qui est la Taupe ?, les indices sont présents à peu près tout le temps ; toutefois, on ne met pas systématiquement l’emphase dessus, et c’est aux candidats d’en déduire ce qu’ils veulent. Déjà, si ce sont des indices ou non ; et ensuite, ce qu’ils sont censés en déduire.
Néanmoins, dans l’épisode final, juste avant l’ultime enquête, ces indices sont remis en avant, afin de donner une dernière chance aux candidats pour déterminer l’identité de la Taupe.

Dans Murder party au musée, en revanche, c’est plutôt l’inverse : même si les candidats peuvent passer à côté de certains indices plus « cachés » ; la plupart du temps, ils leur sont mis sous le nez. D’autres indices font par ailleurs l’objet d’enjeux des épreuves, ce qui me permet de faire une transition avec le jeu suivant.

Murder party au musée - salle du dîner
Le fait que le jeu regorge d’indices un peu partout est d’ailleurs l’une de ses marques de fabrique.

Dans le cas de Cash Island, les indices se gagnent grâce à l’épreuve en binômes.
Cependant, dans tous les cas, même si le saboteur se débrouille pour manipuler le cours de la partie à sa guise, les règles sont conçues de sorte qu’au moins un autre candidat (ne serait-ce que celui avec lequel il est en binôme) puisse y avoir accès.
Et là, je dois dire que, dans l’exécution, c’est assez mal fait. Non seulement parce qu’en dépit des règles, les indices peuvent très facilement devenir « open bar », avec tout le reste de l’équipe qui est mis au courant de leur nature et qui peut parfois y accéder directement ; mais également car certains indices sont un peu trop évidents à mon goût !

D’ailleurs, ce dernier point concerne également QELT, et montre que la nature des indices peut être assez délicate à gérer, tant l’équilibre parfait entre « trop évident » et « trop évasif » est difficile à atteindre. Aussi, c’est assez facile de tomber dans un excès ou dans l’autre.

Qui est la Taupe - Indice sur l'avion
Oui, à nouveau, un indice est présent sur cette capture d’écran… mais pour en déduire quelque chose, bon courage.

Et, finalement, quitte à mettre des indices en jeu… la solution de Loups-garous est peut-être la plus « neutre » possible, dans la mesure où elle ne permet pas d’identifier les candidats par autre chose que leur rôle dans le jeu (i.e. leur voix, leur parfum, leurs hobbies, leur biographie, etc.).

Le spectateur connaît-il l’identité du saboteur au préalable ?

Une autre question intéressante à se poser : y a-t-il besoin de mettre le spectateur dans la confidence ; ou, au contraire, lui laisser la surprise jusqu’au démasquage ?

Sachant que, parmi ceux qui laissent la surprise, on a bien évidemment Qui est la Taupe ; mais aussi les deux jeux de plateau, Qui est le bluffeur et Ali Baba ; ainsi que l’unitaire Murder party au musée. Et parmi ceux qui dévoilent l’information dès le départ : Cash Island, Le Maître du jeu, et Les Traîtres. Le cas de Loups-garous étant particulier, on s’y attardera un peu plus.

Ali Baba - suspense de fin
Le détail de la main gantée dans Ali Baba sert à maintenir le suspense jusqu’au bout ; y compris pour le spectateur.

Dans l’absolu, en cas de doute, l’approche de laisser la surprise peut marcher dans à peu près tous les cas. Même si le ressenti que j’aurais eu en visionnant Cash Island, LMDJ ou Les Traîtres aurait peut-être été un peu différent, je pense que ça n’aurait pas non plus révolutionné mon expérience de visionnage outre-mesure ; voire, ça aurait pu ajouter une petite dimension de mystère supplémentaire.

Toutefois, la différence entre les deux cas de figure, c’est la question qu’on cherche à faire poser au spectateur : est-ce qu’on veut lui faire se demander « Qui est le saboteur ? » ou « Comment le saboteur va-t-il s’y prendre pour atteindre ses objectifs ? ».
En effet, le fait de connaître le saboteur à l’avance n’est pas forcément un spoiler, à condition de mettre l’emphase sur la façon dont il s’y prend pour mystifier les autres.

Pour les jeux de plateau et MPAM, on n’a pas trop le choix : on part plutôt sur le « Qui ? », car leur structure épisodique unitaire ne permet pas vraiment de faire des « manipulations » de façon très conséquente, ni au spectateur de s’ébaubir devant une stratégie à long terme. En outre, avec une plus courte durée, ça permet de faire un suspense de fin qui tombe à pic.
Quant à QELT, même en n’ayant pas ces contraintes, l’idée est de maintenir le mystère sur six épisodes, pour fidéliser le public ; ce qui est une très bonne stratégie.

Et puis, honnêtement, ça aurait moins d’intérêt dans le cadre de Qui est le bluffeur de savoir à l’avance quel candidat est le bluffeur, parce qu’on saurait tout de suite qu’il avait la réponse sous les yeux, donc pas grand mérite.

Pour un jeu comme Cash Island, en revanche, c’est tout à fait pertinent de savoir à l’avance qui est le Maître du Jeu. D’une part, car ça permet de montrer concrètement l’épreuve qui lui a permis d’acquérir ce titre (ce qui aurait plutôt fait « perte de temps » si on n’avait pas eu cette information dans la foulée) ; et d’autre part, car l’intérêt est clairement de voir comment il compte profiter de son statut pour manipuler le déroulement.

Pour LMDJ, ça reste assez secondaire, dans la mesure où le démasquage du saboteur n’est pas l’intérêt principal du jeu ; qui, lui, est de trouver l’identité de l’hôte, et pour lequel il y a donc beaucoup plus d’intérêt à maintenir la surprise jusqu’au bout. Aussi, on peut se permettre de dévoiler l’identité du complice.

Et on a le cas plus hybride de Loups-garous, où l’information est donnée… au gré de l’humeur de la prod.
Oui, on a l’identité de l’un des Loups-garous à l’issue du premier épisode (alors qu’il ne s’est rien passé d’intéressant juste avant…) ; en revanche, pour le troisième, il faudra attendre l’épisode 7.
Et désolé de critiquer à nouveau le montage, alors que je l’ai déjà copieusement fait dans ma critique ; mais je n’ai pas trouvé cette approche très pertinente. Même si, pour la défense du jeu, je comprends l’idée : la production a voulu délivrer la quantité d’informations de son choix pour modeler l’intérêt du spectateur en cours de route. Un peu comme l’auteur d’un roman peut adapter un point de vue omniscient sur ce qu’il cherche à raconter ; mais en ne dévoilant les informations qu’au fur et à mesure, pour maintenir le suspense pour le lecteur.
Et ce n’est pas forcément une mauvaise approche, surtout dans le cas de Loups-garous qui cherchait à faire preuve d’originalité dans sa narration… mais bon, personnellement, chez moi, la mayonnaise n’a pas pris.

Mouais, personnellement, je n’ai pas du tout été pris par ce genre de délire… et honnêtement, je trouve ça un peu prétentieux de la part de ce jeu de se comparer à Usual Suspects.

Néanmoins, se pose aussi la question du potentiel de revisionnage (de façon très accessoire je le reconnais, car je ne pense pas que beaucoup de gens cherchent à revisionner des jeux dont ils se rappellent déjà très bien… ou alors bien des années plus tard, par nostalgie).
J’ai effectivement dit, dans ma critique de QELT, que j’avais été spoilé du résultat final avant de pouvoir rattraper le programme ; donc j’ai été privé de ce côté « enquête ».
Mais est-ce que ça a rendu le programme inintéressant pour autant ? Non, loin s’en faut. En fait, ça permet même de se dire a posteriori : « Ah donc c’est pour ça qu’il s’est passé ça ! » ou « En fait, c’était pas la Taupe qui était derrière ça, le candidat l’avait juste fait exprès ! », ou encore d’être plus attentif sur les indices montrés subtilement, qu’on avait loupé la première fois. Et puis bon, ça reste un très bon jeu d’aventure, qui se suit comme tel.

Le saboteur peut-il être éliminé en cours de route ?

On en arrive enfin à la question qui est la plus importante : le saboteur va-t-il survivre à l’intégralité de la saison ? Et, surtout : comment est maintenu l’intérêt du spectateur si ce n’est pas le cas ?

À deux exceptions près, la réponse est oui ; mais, quelque part, ça n’a rien de très surprenant.
En effet, dans tous ces jeux, les candidats se font éliminer par un système de vote ; aussi, il est normal que ça puisse tomber sur le(s) saboteur(s) de temps à autre. Autrement, on pourrait croire que la production s’arrange pour que ça n’arrive jamais… ce qui pourrait rester crédible pour une saison ou deux (ou pour certains épisodes, dans le cas des jeux unitaires) ; mais si ça se répétait… bon, cela dit, je pense qu’aucune société de production n’est assez stupide pour faire de tels arrangements qui se verraient comme le nez au milieu de la figure (sauf si celle de Still Standing se lançait dans le genre un jour…).

Bref. On peut cependant nuancer ces systèmes de vote, selon les cas.
Dans les Loups-garous likes, il y a deux sessions de vote distinctes : une ouverte à tous les candidats, et une ouverte uniquement aux saboteurs ; c’est donc uniquement pendant la première que les candidats honnêtes peuvent tenter d’éliminer les saboteurs.
Et dans Ali Baba et la seconde moitié de Qui est le bluffeur ?, ce ne sont pas les candidats qui s’éliminent mutuellement ; mais un observateur extérieur (qui prend la forme d’un autre candidat pour Ali Baba, et du public pour QELB).

Qui est le bluffeur - vote des candidats
Que ce soit entre candidats pendant la première moitié du jeu…
Qui est le bluffeur - vote du public
… ou par le public pendant la seconde, il y aura toujours un candidat éliminé à l’issue de chaque manche ; et ça peut tout à fait tomber sur le bluffeur.

Mais dans le cas où le saboteur est éliminé, comment s’arrange-t-on pour maintenir l’intérêt ? Ça dépend des cas.

Dans Cash Island ou Qui est le bluffeur, on nomme un nouveau saboteur pour prendre le relais. Ce qui est sans doute le plus intuitif ; mais peut-être pas totalement le plus efficace.
En fait, dans un sens, un saboteur qui aura su rester discret jusqu’au bout rendra le jeu d’autant plus intéressant que son mystère aura été préservé le plus longtemps possible, et qu’il aura été vraiment méritant. Alors que s’il se fait éliminer en cours de route, on réinitialise le suspense, pour une durée restante d’émission moindre ; ce qui rend le nouveau saboteur un petit peu moins méritant dans un sens (surtout pour Cash Island dès qu’on aborde la finale…). Bon, après, pas totalement non plus, car ça veut aussi dire qu’avant de devenir saboteur, le candidat a su ne pas se faire éliminer avant ça.

Dans les Loups-garous likes, le fait d’avoir plusieurs saboteurs permet de maintenir l’intérêt tant qu’il en reste au moins un. Ce qui est assez intuitif là encore.
Le seul problème avec ça, c’est qu’autant ça marche bien pour le jeu de société ; mais en tant qu’adaptation télévisuelle, on se retrouve avec la contrainte supplémentaire qu’est le nombre d’épisodes, vu que le diffuseur aura commandé un certain nombre de numéros. Donc si tous les saboteurs se font éliminer alors qu’il reste encore quelques épisodes à meubler ; ou si, au contraire, ils sont trop performants, et que la messe est dite alors qu’il reste encore la moitié de la saison derrière… ça ne le fait pas trop.
D’où le fait qu’on a parfois besoin de recourir à des règles additionnelles pour rééquilibrer un peu la partie en cours (nommer un saboteur supplémentaire, provoquer un event permettant potentiellement d’en éliminer un…) ; avec un côté qui sort parfois un peu de nulle part. Aussi, si les programmes souhaitent recourir à ce genre de procédé, ils ont donc plutôt intérêt à l' »officialiser » ; ce qu’a fait Les Traîtres pour la règle permettant d’enrôler un loyal selon certaines circonstances spécifiques.

Le Maître du Jeu est d’ailleurs un programme où le saboteur peut se faire éliminer en cours de route, sans qu’il ne soit remplacé, et a priori sans qu’on ne force sa présence jusqu’au bout.
Mais à nouveau, le démasquage du saboteur est un élément relativement secondaire, le plus important pour les candidats étant l’enquête sur leur hôte ; donc si le saboteur se fait démasquer, il restera toujours le mystère concernant le Maître du Jeu.
Bon, le seul petit problème avec ça, c’est que ça reste quand même plus intéressant lorsque le saboteur reste plus longtemps ; car s’il se fait éliminer dès le premier épisode, ça fait des cérémonies d’élimination en moins par la suite, et il faut alors meubler avec le côté « enquête sur l’hôte » seul… et même s’il a de l’intérêt, se focaliser uniquement là-dessus sur plus de 3 épisodes, c’est un peu léger. (Surtout si, dans le pire des cas, les candidats l’ont déjà trouvé bien avant la fin…)

Le maître du jeu - épreuve éliminatoire de culture générale
Et j’ai toujours un doute quant au fait que les cérémonies du soupçon soient remplacées par des épreuves éliminatoires une fois le saboteur démasqué…

Quant à Ali Baba… eh bien, comme la révélation des saboteurs ne se fait qu’à la toute fin de l’émission, et que ni le spectateur ni le candidat ne sont au courant de la véritable identité des candidats lors de leur élimination, le mystère est donc préservé jusqu’au bout. En fait, ce qui est astucieux ici, c’est qu’on ne sait finalement pas si les saboteurs ont déjà eu l’occasion de saboter ou non ; et par conséquent, ça laisse le candidat dans le doute jusqu’à la fin…
En outre, ça aurait eu beaucoup moins d’intérêt de révéler les rôles des complices dès leur élimination. Si on l’avait fait, on aurait pris le risque d’avoir la moitié des finales où on aurait su que soit deux candidats honnêtes allaient s’affronter, soit (pire !) deux saboteurs. Donc on aurait su en avance que le candidat avait gagné ou perdu…


Bref, il est maintenant temps de parler de nos exceptions.
La première étant Murder party au musée ; où il n’y a en réalité pas d’éliminations, et où le coupable doit être désigné parmi les 6 candidats présents depuis le départ à la fin de l’épisode.
A nouveau, le format unitaire aide pas mal ; car en moins de 2 heures de jeu, à moins que le saboteur ne soit vraiment très mauvais au point d’avoir beaucoup trop de soupçons sur lui au bout de 45 minutes, le suspense peut être préservé pas trop difficilement sur une durée aussi courte.
En fait, d’une certaine manière, ça fait un peu penser à ce que fait Qui est la Taupe ; mais si on n’avait gardé que la finale.

Murder party au musée - Révélation par empreinte digitale
Forcément, comme il n’y a qu’un seul coupable, ça n’aurait eu aucun sens de poursuivre le jeu après le dénouement.

Et puisqu’on en parle, bien évidemment, l’exception la plus notable est Qui est la Taupe. Alias le seul jeu feuilletonnant qui garantit une « immunité » totale à son saboteur jusqu’au dernier épisode ; et également le seul jeu qui n’a pas opté pour un système de vote pour l’élimination progressive de ses candidats, en jouant sur des critères plus « objectifs ». Ce qui va de pair, puisqu’on ne pouvait pas prendre le risque d’éliminer le saboteur en cours de route.

Et c’est ce qui fait tout l’intérêt du programme. En effet, il n’aurait clairement pas été aussi porteur si on avait appliqué l’une des astuces précédemment citées pour pallier une élimination éventuelle.
En particulier, contrairement aux autres jeux où le(s) saboteur(s) est (sont) décidé(s) en début de partie, et doivent donc embrasser leur rôle de façon immédiate ; dans QELT, le saboteur a été choisi en amont par la production, qui a fait part au candidat de son souhait de l’avoir choisi, et qui peut accepter de jouer le jeu. Ce qui permet non seulement au candidat de se préparer en amont et de peaufiner son rôle, pour rester le plus convaincant possible jusqu’au bout ; mais aussi à la production de faire des indices « sur mesure » et de les disséminer tout au long de la saison.
Et je pense que ça aurait été beaucoup moins convaincant si on avait dû changer de saboteur en cours de route, ou si on en avait mis plusieurs. Un saboteur nommé au pied levé ne serait probablement pas paru aussi convaincant sur une longue durée (là où ça passe mieux pour un épisode de Qui est le bluffeur… et qui est déjà un peu borderline dans Cash Island) ; quant à en mettre plusieurs, ça n’aurait eu d’intérêt qu’avec des éliminations possibles des saboteurs en cours de route, donc ça aurait posé le même problème.

Quant à une solution façon Ali Baba, où le saboteur aurait pu être éliminé sans que le reste de l’équipe ne le sache… vu comme ça, ça pourrait être une idée intéressante ; mais en pratique, elle aurait trop de mal à tenir la route.
Déjà, on pourrait s’étonner que la cagnotte de la Taupe finisse par progresser beaucoup moins vite, voire pas du tout ; ce qui donnerait donc un indice pas très subtil sur la nature du candidat qui vient d’être fraîchement éliminé…
Après, vous me direz que les candidats peuvent toujours se planter « naturellement » ; certes, mais l’intérêt est surtout de démêler les plantages authentiques des plantages accidentels. Donc s’il n’y a plus que des accidentels, ça en fait déjà beaucoup moins ; et à la longue, les candidats vont juste finir par éliminer les moins performants, comme dans un vulgaire Koh-Lanta like.
En outre, on perdrait également l’intérêt stratégique ; en effet, pourquoi vouloir se faire passer pour la Taupe pour brouiller les pistes… si c’est pour qu’au final, on se fasse éliminer parce qu’on a trop bien joué ce rôle ? L’intérêt de se faire passer pour elle, c’est de pouvoir induire les autres candidats en erreur lors du questionnaire de fin d’épisode ; donc ça ne marche pas avec un système de vote, où on aurait au contraire surtout besoin de rester discret.
Mais dans ce cas, pourquoi ne pas conserver le questionnaire ? Ben… comment la Taupe pourrait-elle être éliminée, dans ce cas, puisqu’elle aurait forcément toutes les bonnes réponses ? C’est bien pour ça que le passage à un système de vote me paraissait être la seule autre option possible…

Bref, on sent que la solution de QELT reste vraiment une solution « sur mesure », étudiée pour le programme, qui ne pouvait fonctionner que comme ça.

Qui est la taupe - Questionnaire de fin d'épisode 2

En résumé…

Désignation du saboteurNombre de saboteursLe saboteur a-t-il des pouvoirs spécifiques ?L’équipe a-t-elle des indices pour enquêter ?Le spectateur sait-il dès le départ qui est le saboteur ?Le saboteur peut-il être éliminé en cours de route ?Le saboteur peut-il être remplacé ?Quand est révélée l’identité du saboteur ?
Qui est la Taupe ?Taupe1OuiOuiNonNonNonFin de saison
Cash IslandMaître du Jeu1OuiOuiOuiOuiOuiÀ son élimination
Les TraîtresTraîtrePlusieursOuiNonOuiOui (un par un)OuiÀ son élimination
Loups-garousLoup-garouPlusieursOuiOui (dilemme)Selon la convenance de la prodOui (un par un)NonÀ son élimination
Le Maître du JeuComplice1Oui (ponct.)NonOuiOuiNonÀ son élimination
Murder party au muséeMeurtrier1NonOuiNonNonNonFin d’épisode
Ali BabaVoleur2OuiNonNonOuiNonFin d’épisode
Qui est le bluffeur ?Bluffeur1OuiNonNonOuiOuiÀ son élimination

Bref, finalement, parmi tout ce qu’on vient de voir, il n’y a pas vraiment de « bonne » ou de « mauvaise » approche. En fait, la question de la dimension « sabotage » dépendra essentiellement de l’approche artistique visée.
Ainsi, pour des jeu comme QELT ou MPAM où c’est le cœur même du jeu, garder la surprise jusqu’au bout et construire sa mécanique dessus est essentiel ; là où pour un Cash Island, qui assume davantage l’individualité de ses candidats et son inspiration de Koh-Lanta, ou encore un Maître du jeu où le démasquage du complice n’est que secondaire par rapport à celui de l’hôte, on peut se permettre d’être un peu plus souple. Même pour Loups-garous (que j’ai pourtant décrié), l’intention artistique reste perceptible et arrive à faire sens dans ce contexte spécifique.

En tout cas, cette diversité conceptuelle reste plaisante ; et tant qu’elle restera, et permettra de faire des concepts maîtrisés, on aura sans doute encore des surprises à ce niveau-là.

garsiminium

Enchanté, moi c'est garsim. Bienvenue sur mon blog, où je parle de différents sujets, légers comme moins légers.

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