Vous l’avez sans doute remarqué si vous avez lu certaines de mes critiques : je ne suis pas fan des systèmes de champion dans les jeux TV. Enfin, de certains systèmes en particulier.
Et si j’ai pu m’étendre sur certaines critiques sur ce qui pouvait me déplaire avec ce genre de système au cas par cas (certains systèmes de champion étant plus poussés que d’autres), je pense qu’il est temps pour moi de clarifier ce qui me déplaît foncièrement dans ce genre de système, dans ce que ça a pu impliquer pour le PAF, et au final, des inconvénients que ce système pourtant assez alléchant sur le papier peut impliquer.
Je ne serai pas non plus 100% négatif dans cet article, et je ferai un paragraphe spécial pour expliquer en quoi les champions ont tout de même leurs avantages (sinon, ce système ne serait tout simplement pas appliqué par les diffuseurs !).
Mais avant toute chose, mettons-nous d’accord sur le sens du terme « champion » que je vais employer dans cet article.
Personnellement, je définis un « champion » comme un candidat (ou un binôme selon le jeu) qui a gagné une émission, et qui a la possibilité de revenir dans la suivante. La plupart des jeux nomment ce genre de candidat « champion », même si certains leur donnent des noms plus spécifiques, comme Les 12 coups de midi où c’est un « Maître de midi », ou N’oubliez pas les paroles où c’est un « maestro ». Dans la suite de l’article, pour simplifier, j’utiliserai exclusivement le terme « champion » y compris pour ces jeux-là.
En revanche, il peut également arriver que certains jeux appellent un candidat « champion », mais que cette définition ne corresponde pas à celle que je compte employer. C’est notamment le cas de Still standing, où ce terme désigne juste le candidat placé au centre du plateau, pour le différencier de ses adversaires ; en revanche, la mécanique de ce jeu étant complètement épisodique, il ne réapparaît pas au-delà de « son » épisode.
Les systèmes de champion limité : ça passe
La tendance de faire revenir des candidats ayant gagné une émission dans l’émission du lendemain ou de la semaine prochaine n’a rien de nouveau. On peut trouver ça dans beaucoup de jeux des années 80 ou 90, par exemple, à commencer par le célèbre Questions pour un champion, dont c’est un élément assez iconique (à tel point qu’il est présent dans le titre…). Je pourrais également citer Motus et Des chiffres et des lettres ; ou encore Slam (la version quotidienne) et 8 chances de tout gagner pour prendre des exemples plus récents. Et la liste est encore loin d’être exhaustive…
Mais tous les exemples que je viens de citer ont un point commun : il est certes possible de revoir un candidat le lendemain (ou la semaine prochaine), sauf qu’il ne peut participer qu’un nombre limité de fois consécutives. Le plus souvent, c’est 5 participations maximum, mais chaque jeu est évidemment libre de faire comme il l’entend.

C’est un système très répandu dans les jeux TV, qui pouvait même être appliqué théoriquement à quasiment n’importe quel concept. Du moment que leur principe consiste à faire se confronter plusieurs candidats, il est tout à fait possible qu’après une victoire, le(s) candidat(s) victorieux remette(nt) son (leur) titre en jeu. Les seuls jeux pour lesquels ce n’est pas possible étant ceux qui se centrent sur le parcours d’un seul candidat (ou d’un binôme de candidats), comme Qui veut gagner des millions ?, Money Drop, A prendre ou à laisser, Carbone 14, etc. ainsi que les formats basés sur un panel de candidats comme 1 contre 100 ou Chacun son tour (même si ceux-ci font « revenir » des candidats plusieurs fois, avec un système plus spécifique).
Quel est l’avantage de ce système ?
D’une part : que les candidats puissent rentabiliser un peu leur participation, et tenter de faire fructifier leur cagnotte en remportant plusieurs numéros consécutifs. En particulier, quand on fait miroiter une cagnotte plus importante au bout de l’objectif, comme QPUC.
D’autre part : … fixer un objectif, justement. Oui, il fut un temps où c’était vraiment un événement de voir un candidat avoir 5 victoires consécutives dans QPUC ; ce qui était assez méritoire, car remporter 5 parties face à 3 autres candidats à chaque fois, ce n’était pas rien. Et ça permettait de fixer un objectif concret.
En revanche, en termes de mécanique de jeu pure, ça ne change rien.
En effet, tous ces jeux peuvent généralement se jouer sans aucun candidat qui ne provient de l’émission précédente (y compris QPUC d’ailleurs) ; et ça tombe bien, car quand le champion a atteint son nombre maximal de victoires, il faut le remplacer par un candidat ordinaire dans l’émission qui suit.
Ce qui fait qu’en définitive, la seule chose qui différencie concrètement un champion d’un candidat lambda, c’est le fait que ce premier dispose déjà d’une cagnotte personnelle avant de commencer à jouer.
Bref, ce système de champion limité n’apporte certes pas beaucoup d’avantages ; mais il tient tout à fait la route, et peut ajouter un petit « plus » dans certains cas, pour donner un objectif supplémentaire aux candidats. En somme, je n’ai rien à redire dessus.
La popularisation des systèmes de champion illimité
Mais en 2006, un certain jeu s’est dit : « Et si on allait plus loin que ça, en faisant du système de champion quelque chose de plus abouti ? ». Et ce jeu, vous l’aurez deviné, c’est Tout le monde veut prendre sa place.
A mon sens, c’est le premier jeu à avoir voulu véritablement jouer sur le statut de champion, en accordant au candidat titre plusieurs privilèges : ne commencer à jouer que tardivement dans le jeu, départager les égalités potentielles entre candidats, interagir sur le reste de la partie plus indirectement, choisir le thème de son adversaire, pouvoir remporter la partie en cas d’égalité, etc. Et, surtout : pouvoir garder sa place de façon potentiellement illimitée, sans règle pour pousser le champion dehors au bout d’un nombre d’émissions spécifique.
Tout ça fait véritablement partie de son ADN, à tel point que si on retire le système de champion illimité, le jeu n’a plus vraiment de sens, et nécessiterait même qu’on revoie ses règles en profondeur (à part peut-être faire prendre la place du champion par le challenger, pour trouver une solution simple, mais bon…). Autant dans QPUC, retirer le système de champion ne change rien à la mécanique ; autant dans TLMVPSP, clairement, si.

Et d’une certaine façon… j’irais même jusqu’à dire que, malgré son côté pionnier, ça reste quand même le jeu qui exploite (et continue à exploiter) son système de champion de la façon la plus aboutie. Car tous les avantages conférés au champion que je viens de citer, il n’y a que ce jeu qui va jusque-là.
En effet, à partir de ce paragraphe, tous les jeux que je vais mentionner ont fait sauter la limite du nombre de participations du champion ; mais pour le reste, c’est plus variable. Des jeux qui font arriver leur champion comme une fleur au bout d’un certain nombre de manches (en lui faisant sauter le début), on en trouve quelques-uns (Seriez-vous un bon expert ? version 3, Harry version 2, Trouvez l’intrus, Questions pour un super champion, Le grand Slam) ; des jeux qui confèrent un avantage au champion avant qu’il ne commence à jouer, un peu moins mais ça arrive (NOPLP version 2 en particulier) ; des jeux qui départagent les égalités en se basant sur le statut de champion, idem (NOPLP v2 et Trouvez l’intrus, mais aussi plus ponctuellement Tout le monde a son mot à dire)… mais des jeux dans lesquels le champion a un impact y compris lorsqu’il ne joue pas activement, seul TLMVPSP l’a fait. Ce qui en fait donc le plus abouti du lot à ce niveau-là.
Néanmoins, « abouti » ne veut pas forcément dire « au point », et le prouver était bien le but de ma critique de ce jeu… car ça confère tout de même des problèmes.

Mais toujours est-il que, même sans aller jusqu’au bout de l’idée, le simple fait de ne plus limiter le nombre de participations consécutives du champion a fait beaucoup d’émules.
A commencer par le concurrent direct de TLMVPSP : la case du midi de TF1… jusque là occupée par Attention à la marche, qui fonctionnait bien avant de connaître cette nouvelle concurrence, puis qui a sérieusement décliné depuis, car le système de champion de la chaîne d’à côté fédérait davantage que la mièvrerie de Reichmann (ça, ou Nagui qui faisait son one-man-show tous les midis, mais pas sûr que ce soit franchement mieux…).
Donc qu’a fait TF1 ? Piquer l’idée à France 2, bien sûr ! Et c’est ainsi qu’est né Les 12 coups de midi, jeu qui n’a pas dû demander plus d’une journée de brainstorming pour sa conception, puisqu’il se contentait de reprendre la mécanique d’un jeu pré-existant (Crésus), pour y adjoindre ce fameux système de champion. D’une façon très nettement moins aboutie que TLMVPSP (là, pour le coup, le champion n’est vraiment qu’un candidat lambda qui a déjà sa cagnotte personnelle) ; mais peu importe, du moment que LDCDM a également l’occasion d’exhiber un candidat qui peut potentiellement rester plusieurs semaines d’affilée, c’est tout ce qui compte. Et là encore, le succès a été au rendez-vous (de la façon la moins méritée de toute l’histoire du PAF…), prouvant que le système de champion avait clairement un impact sur les audiences.
Et ce n’est pas le seul jeu à avoir suivi cette mode.
En effet, on peut également noter des nouveaux concepts (Trouvez l’intrus, TLMASMAD, Mot de passe version Boccolini) ; quelques jeux un peu en perte de vitesse, qui ont décidé de reformater leur concept en incluant un système de champion illimité (SVUBE, Harry, NOPLP…) ; les variantes du week-end des jeux de France 3 (QPUSC, LGS) ; et même le vénérable QPUC, qui a fini par céder en faisant sauter la limite de participations à partir de 2021…
Bref, ça donnait presque l’impression qu’il fallait impérativement inclure « système de champion » dans le cahier des charges des jeux TV. Certes, les jeux faits depuis les années 2010 n’ont pas tous succombé à cette mode (8CDTG a bien inclus un système de champion dans son concept, mais restant limité à 5 victoires), mais une grande partie des plus notables l’ont fait…
Et, évidemment, il y a bien quelques raisons à cela.
Quels sont les avantages ?
Premièrement : fidéliser le public.
Les périodes les plus fastes pour les jeux TV à champion sont celles où un champion se construit sa longévité ; et plus il reste, plus il va susciter l’attention, parce que le public veut voir jusqu’où il peut aller, et comment il va être détrôné un jour.
Ne cherchez pas, les plateaux d’audience les plus élevés de LDCDM, de TLMVPSP et de NOPLP correspondent quasi-systématiquement aux périodes de présence d’un grand champion, et ont tendance à retomber un peu suite à leur défaite, voire à stagner lorsqu’aucun champion notable ne se dégage.
D’ailleurs, ça fait souvent parler dans les magazines TV et les sites médias, à tel point qu’ils adorent écrire des articles de « rumeurs » comme quoi un grand champion serait détrôné prochainement (merci pour le spoiler au passage…). Du clic, du clic, du clic.
Deuxièmement : financièrement, c’est plutôt un bon plan pour les boîtes de production pour faire gagner de gros grains, surtout depuis plusieurs années où les diffuseurs se serrent la ceinture.
Dans un jeu sans champion, si on veut faire miroiter des gains mirobolants, il faut mettre des gains mirobolants qu’un candidat peut gagner en une seule participation. Remporter ces gains en pratique est une autre histoire, et heureusement pour les chaînes (imaginez si tous les candidats gagnaient un million d’euros à QVGDM…), même si certaines ont des subterfuges pour promettre monts et merveilles alors qu’en pratique elles s’arrangent pour que ça n’arrive jamais (comme A prendre ou à laisser version Hanouna, en ne proposant pas d’échange avant que la boîte à 250 000+ ne tombe par exemple… ou encore dans Super Million Question, où à moins de tenter une réponse avant même que la question ne soit posée, le million n’est pas possible).
Mais dans un jeu avec champion, un candidat peut « facilement » remporter une grosse somme en cumulant ses victoires, surtout quand il n’y a pas de limite de participation ! Et d’un point de vue production, c’est quand même plus rentable de faire gagner (par exemple) 50 000 euros à un candidat en deux semaines d’émissions qu’en un seul numéro !
Prenez par exemple TLMVPSP : beaucoup de champions ont dépassé facilement la barre des 10000 euros, alors que pourtant, le grand maximum qu’un champion peut gagner en une seule émission, c’est seulement 3000 euros (et encore, c’est vraiment le grand maximum, en général on tourne plutôt autour des 1000 euros, voire moins si le champion se complaît à donner systématiquement le thème pourri au challenger pour garder plus facilement sa place). C’est plutôt une bonne opération financière pour France 2, non ?
D’ailleurs, quand on observe TF1 dans le courant des années 2010, on a pu constater qu’elle proposait de moins en moins de jeux de plateau avec des anonymes (jeux qui étaient très généreux dans les gains potentiels, au passage), à tel point qu’elle a fini par ne quasiment plus en proposer… à une exception notable qui perdure encore et toujours : LDCDM, qui était d’ailleurs l’un des rares jeux à champion que la chaîne proposait.

Troisièmement : tirer sur la corde des concepts qui marchent.
Parce que comme les diffuseurs et la parcimonie, ça fait deux, c’est fréquent que dès qu’une émission cartonne, on va en bouffer de plus en plus. Ce n’est certes pas une exclusivité relative aux jeux à champion (après tout, Affaire conclue qui n’est pas un jeu TV a bien bénéficié d’une double diffusion quotidienne, de spin-offs et de primes occasionnels alors qu’au départ cette émission ne servait qu’à meubler une heure d’antenne), mais ça offre un bon prétexte aux chaînes et aux boîtes de production pour proposer des variations ou des spéciales du concept de base…
Ca permet aussi de démarquer un peu certaines émissions par rapport à leur diffusion habituelle. Pour les jeux de fin d’après-midi de France 3, ça permet de proposer des éditions un peu différentes de Questions pour un champion et de Slam le week-end, par rapport à la semaine, en proposant des variantes spéciales super champions (même si personnellement, je ne trouve pas grand-intérêt à ces versions-là, qui se contentent juste de dupliquer une manche pré-existante quasiment à l’identique pour ne pas faire intervenir le super champion dès le départ, rallongeant artificiellement le jeu au passage…).
Après, je ne suis pas contre des spéciales anciens champions dans les jeux TV non plus, au même titre que des spéciales enfants (c’est devenu beaucoup moins fréquent d’ailleurs, alors qu’à une époque il y en avait davantage), des spéciales régions, des spéciales grandes écoles, etc. car compte tenu de la popularité de certains champions, ça peut faire plaisir de les revoir. Mais parfois, on se dit qu’il y a un peu de l’abus.
Prenons NOPLP, qui a, en plus des masters et des tournois, inauguré début 2022 un nouveau format mettant en avant ses plus grands maestros (la Ligue), sans parler d’une tournée de concerts. Au bout d’un moment, on n’en ferait pas un peu trop, non ?

Et quatrièmement : pour le public, ça fait de nouvelles figures populaires auxquelles s’attacher.
En effet, plus un candidat reste, plus il va donner l’impression qu’on le connaît, et plus on va s’attacher à lui (enfin… sauf si le public ne l’aime pas particulièrement, certes). Je reconnais d’ailleurs que moi-même, j’apprécie de retrouver certains grands maestros de NOPLP dans les émissions spéciales qui les mettent à l’honneur.
A tel point d’ailleurs que Gilles Vautier (qui incarnait Bill dans Le Bigdil) a affirmé qu’à présent, c’étaient justement les candidats (et les champions en particulier) qui devenaient les vraies « stars » des jeux TV, et non plus les animateurs comme ça pouvait être le cas auparavant (source à 27’37). Dans certains cas, ce n’est d’ailleurs pas plus mal, car ça empêcherait certains jeux comme Que le meilleur gagne ! (qui fonctionnait surtout avec la personnalité de Nagui…) de fonctionner à nouveau.
D’ailleurs, alors qu’on faisait souvent des spéciales people de certains jeux TV pour les événementialiser, certaines émissions ont depuis préféré proposer des spéciales grands champions. En particulier NOPLP, qui faisait souvent des primes spéciaux avec des people dans sa première version ; mais qui a fini par les abandonner progressivement avec l’arrivée de la version maestro, au profit de formats de primes les mettant en scène : les Tournois, la Ligue (en partie), et la finale des Masters. Ces formats profitent d’ailleurs de la présence de grands maestros pour jouer un peu sur leurs règles, afin de corser le challenge, ce qui n’est pas déplaisant. Notons toutefois que le PAF n’avait pas attendu d’avoir des champions illimités pour le faire, QPUC ayant organisé des Masters en prime depuis belle lurette, simplement avec des candidats qui avaient eu cinq victoires consécutives à l’époque (mais désormais, c’est QPUSC, la variante du samedi, qui les remplace… ce qui est plutôt une régression pour moi).
Bref, tout cela fait beaucoup d’avantages, à la fois pour les producteurs et les diffuseurs, mais aussi le public.
Mais finalement… qu’est-ce qui ne va pas avec ça ? En fait, un certain nombre de raisons ; mais je concède que ces raisons sont parfois assez subtiles, ou bien surtout une question de préférence personnelle.
Comment s’assurer que le champion va rester pendant un bon bout de temps ?
Premièrement : un système de champion illimité, c’est bien beau ; mais si aucun candidat ne se démarque particulièrement, les bénéfices escomptés par les producteurs/diffuseurs ne vont pas se faire ressentir, car on ne verra pas trop la différence avec un jeu qui limite le nombre de participations.
Donc il faut s’assurer qu’on ait des candidats aptes à rester suffisamment longtemps (pas forcément tout le temps, mais assez régulièrement pour susciter de la hype).
Et pour ça, il y a deux façons de faire.
Première façon de faire : conférer des avantages au champion via les règles du jeu. C’est la méthode TLMVPSP.
On inclut dans cette catégorie tous les jeux pour lesquels au moins une règle va en la faveur du champion. A ce niveau-là, il y a deux catégories de règles que je peux distinguer :
- Les règles « on fait sauter une partie du jeu au champion, qui n’intervient que plus tardivement » ;
- Les règles conférant un avantage qui déséquilibre la partie et favorise le champion par défaut.
Pour la première catégorie, j’ai déjà donné plus haut un échantillon des jeux qui faisaient ça. Généralement, c’est fait de sorte que le champion ne commence à jouer activement que lorsqu’il n’a plus qu’un seul challenger à affronter (à l’exception du Grand Slam où il en a deux, mais ça ne change pas grand-chose).
Rien qu’avec ça, on maximise les chances du champion de pouvoir rester ; puisque, d’une compétition qui pouvait faire s’affronter de 3 à 6 candidats dans laquelle il ne se mouille pas, on passe finalement à un duel où il n’a qu’un seul adversaire à éliminer. Donc à ce stade, c’est du « une chance sur deux » pour qu’il reste, ce qui est beaucoup plus facile pour lui que s’il devait reprendre le jeu depuis le début, comme les autres candidats…
C’est quelque chose qui m’agace clairement un peu, car ça favorise justement le champion. Certes, on peut se dire que ça rend le challenger davantage méritant, puisqu’il a dû triompher à la fois de ses adversaires, mais aussi du champion… mais sincèrement, les jeux qui mettent ça en place auraient tout aussi bien pu fonctionner sans ce système de champion, soit en faisant s’affronter les deux meilleurs candidats à l’issue de la partie, soit en faisant passer le challenger directement à la finale. Dans SVUBE version 3 par exemple, on aurait très bien pu passer directement des manches « Expert » à la finale ; dans Harry version 2 ou Trouvez l’intrus, la manche 3 aurait très bien pu se dérouler avec les deux meilleurs candidats de la manche 2, plutôt que de n’en sélectionner qu’un seul pour lui faire affronter le champion en titre…
Et puis, bon, le champion originel, il n’a pas pu être sélectionné de la même manière, lui (puisqu’il n’a pas pu affronter de champion, étant donné qu’il n’y en avait pas), donc il a moins de mérite par rapport aux suivants…
Pour la seconde catégorie, on parle de règles généralement plus spécifiques.
Je ne m’étendrai pas trop là-dessus, puisque les critiques des jeux en question en parlent plus en détail, mais sachez que trois jeux en particulier se situent dans cette catégorie pour moi : TLMVPSP, Trouvez l’intrus et NOPLP v2. Notez d’ailleurs que les deux premiers cumulent avec la première catégorie décrite ci-dessus, simplifiant encore davantage le fait de rester pour le champion…
Mais sachez que ces jeux ont été conçus avec un vice qui fait que le challenger peut être strictement décoratif, en cas de sans-faute du champion ; autrement dit, qu’il n’y a même pas besoin de challenger pour que le champion reste, du moment qu’il fait un sans faute. Rendant donc d’autant plus simple pour le champion le fait de rester, puisque ce vice de conception fait qu’un cas de figure spécifique va leur octroyer la victoire quoi qu’il arrive… et, certes, vous allez me rétorquer qu’il faudrait déjà faire un sans-faute pour le champion ; mais pour NOPLP, ce n’est pas insurmontable pour un grand maestro (à cause de la « professionnalisation » des candidats, j’y reviendrai), quant à Trouvez l’intrus, c’est juste ridiculement facile… c’est peut-être légèrement plus coton pour TLMVPSP, mais les autres avantages conférés au champion (comme choisir le thème du challenger – et lui donner souvent le plus pourri… – ou remporter la partie par défaut en cas d’égalité) lui facilitent pas mal la victoire. Sans compter la possibilité de racheter sa place au cas où, malgré tout ça, une défaite serait à envisager…
Et, surtout, le gros problème dans tout ça, c’est que le challenger peut carrément être venu pour rien ! C’est bien beau de triompher d’un champion avantagé ; mais si les règles ne prévoient pas un cas de figure garantissant qu’il peut être battu quoi qu’il arrive, ça ne sert à rien ! Finalement, pour que le challenger gagne, ce sera surtout une question de chance ; de tomber soit sur un champion peu performant, soit sur un champion performant mais qui a exceptionnellement fait un mauvais pas et (pour une fois) laissé une fenêtre au challenger. Un duel au sommet entre deux élites devient tout de suite beaucoup moins intéressant si l’un des concurrents est avantagé par rapport aux règles du duel en question…
Pour moi, c’est vraiment la pire catégorie dans laquelle un jeu puisse tomber, témoignant du fait que les règles n’ont pas été réfléchies sérieusement en amont. Et c’est pour cette raison-là que TLMVPSP et Trouvez l’intrus font très facilement partie du top 10 des pires jeux que j’ai vus, et que NOPLP v2 ne figure pas dans le top 10 des meilleurs jeux que j’ai vus en dépit de ce qu’il réussit très bien par ailleurs.
Bref, dans ces conditions-là, on comprend aisément pourquoi Marie-Christine, championne de TLMVPSP, détient le record mondial du nombre de participations à un jeu TV : je ne connais certes pas l’intégralité des jeux TV diffusés dans le monde, mais je ne serais absolument pas étonné que TLMVPSP soit l’un des plus faciles au monde (si ce n’est LE plus facile) pour qu’un candidat revienne le lendemain…

Deuxième façon de faire : truquer le jeu pour s’assurer que le champion reste aussi longtemps que la production ne le souhaite. C’est la méthode LDCDM. Et d’ailleurs l’un des seuls jeux à l’employer à ma connaissance…
Oui, rappelez-vous : je disais plus haut que LDCDM était conçu à partir du jeu Crésus ; sauf que même si ce jeu avait un système de champion, celui-ci était limité, donc le jeu n’était pas particulièrement apte à favoriser le champion par rapport à ses règles. Par conséquent, ça ne laisse pas de marge de manœuvre à LDCDM pour arriver à ses fins à ce niveau-là…
Donc le jeu va trouver un moyen plus grossier : moduler volontairement le niveau de difficulté de ses questions… et ça, c’est quelque chose qu’il peut faire plus facilement, car ce format a un avantage : celui de disposer de pas mal de questions individuelles. Pas systématiquement certes, mais en première manche, et surtout pour les Duels, c’est déjà suffisant. Un candidat sur la sellette décide de s’attaquer à un Maître de Midi que la production ne souhaite pas voir partir tout de suite ? Mettons-lui une question volontairement simple, pour qu’il puisse rester sans problème ! A l’inverse, c’est le Maître de Midi qui est en danger ? Mettons une question tarabiscotée au candidat qu’il va choisir ! Après, ça reste plus simple de lui donner des questions volontairement plus faciles en manche 1 par rapport à ses adversaires, pour être à peu près sûr qu’il ne se mette pas sur la sellette… genre des questions de culture générale, alors qu’on donne des questions de sondage (moins précises) à ses adversaires… et j’en passe…
Alors oui, je sais ce qu’on pourrait dire : que je vois le mal partout, que la production s’en défend (en même temps, quel serait l’intérêt pour elle d’affirmer que son jeu est truqué ?), etc.
Mais déjà, pour un jeu dont les règles ne peuvent nullement favoriser le champion, on a quand même eu des prouesses un peu trop spectaculaires pour être honnêtes. Et puis il suffit de regarder sur Twitter, ceux qui relèvent des questions avec un niveau de difficulté anormalement simple ou élevé, en fonction des candidats… sincèrement, c’est du même niveau que les trucages de Still Standing par moments.

(Au passage, désolé d’illustrer ça avec une image provenant de Touche pas à mon poste, mais c’est la première que j’ai trouvée…)
Bref, avec tout ce que je viens de dire, et assez ironiquement, le jeu à système de champion illimité qui s’en sort finalement le mieux à mon sens… ça reste QPUC.
Oui, j’ai beau avoir déploré le fait que lui aussi rentre dans le rang des systèmes illimités, minimisant au passage l' »objectif » des 5 victoires… mais au moins, il n’a rien changé d’autre ; et sa mécanique reste de toute façon largement plus équitable, de sorte qu’il ne soit pas spécialement possible de truquer le déroulement pour favoriser un candidat en particulier, puisqu’ils jouent en même temps la plupart du temps.
C’est surtout sa variante du samedi que je fustige, pour son appartenance à la première façon de faire…
La professionnalisation des candidats : une bonne chose ?
Je disais plus haut que l’un des avantages du système, c’était qu’il permettait de faire des « stars » à partir de candidats de jeux TV. Ce qui est quelque part un léger avantage par rapport à des people lambda, je le reconnais, puisque ces champions ont un peu plus de mérite pour participer à des émissions spéciales que des gens qui sont juste connus pour tout autre chose.
Et d’ailleurs, on en a revu certains ailleurs que dans leurs jeux d’origine, par exemple Paul El Kharrat qui a participé à Fort Boyard ou à Les traîtres : seront-ils démasqués ?.
Bon, ce que je vais dire est très personnel, et n’est pas spécialement un défaut, mais surtout un ressenti.
Je trouve dommage que les candidats de jeux TV tendent à basculer dans un système de « starification », car ça enlève un peu le côté « proche » des jeux avec anonymes, et l’impression que tout le monde peut avoir son quart d’heure de gloire. A force de se focaliser sur les champions, on donne presque l’impression que ça pourrait devenir une porte vers le show business ; et que là où il y avait un côté plus « naturel » à participer à un jeu TV et éventuellement gagner quelque chose, ça devient désormais presque réservé à une certaine « élite ». Surtout dans des jeux où on favorise le champion outre-mesure.
Et désolé si la comparaison paraît insultante, mais je pourrais presque comparer ça aux candidats de télé-réalité ; qui n’étaient qu’au départ des participants à de nouveaux concepts d’émissions TV, mais qui ont fini par devenir des célébrités à leur échelle, et à faire de candidat de télé-réalité un métier à part entière, enlevant le côté naturel que l’on pouvait avoir aux débuts de ce genre d’émissions.
Bon, certes, pour les jeux TV, c’est beaucoup moins malsain, vu que la plupart d’entre eux valorisent les compétences des candidats (là où la télé-réalité met plutôt en avant leur bagout, leurs caractères et leur aptitude à faire des clashes et des buzz futiles).
Néanmoins, c’est devenu un peu gênant pour TF1 et LDCDM de devoir assumer l’image de leur ex-maître de midi le plus performant, suite à ses déboires judiciaires… il leur aura fallu en trouver d’autres encore plus performants pour tenter de le faire oublier.
Après, se professionnaliser dans un jeu TV, pourquoi pas… mais là encore, le jeu en vaut-il forcément la chandelle ?
NOPLP, par exemple : pour le coup, c’est peut-être le seul jeu à champion à ma connaissance, où il est possible de véritablement réviser avant de venir (pour les jeux de culture générale, c’est plus difficile car plus diffus). Et c’est ce que beaucoup de grands maestros ont fait : avec des groupes de révision, des listes de révision, des fansites qui répertorient les différentes chansons qui passent dans l’émission (en particulier les plus susceptibles de tomber en Même Chanson, à apprendre par cœur en priorité). Bref, on sent que certains ne cherchent pas à venir en touristes, prennent le jeu au sérieux, et ont très clairement l’intention de rester le plus longtemps possible, pour rentabiliser leurs révisions.
Mais de mon point de vue… ça reste une stratégie beaucoup trop risquée. D’une part, car un candidat a toujours le risque de se faire éliminer sans avoir gagné beaucoup d’argent, et avec l’impossibilité de revenir s’il a déjà gagné plus de 10 000 €… et, surtout, d’autre part, car, pour rappel, les règles de ce jeu constituent l’un des pires cas de mauvaise gestion de mécanique. Imaginez donc que vous appreniez 500 chansons (minimum) par cœur, pour que le jour de votre participation, vous tombiez sur un grand maestro qui ne va même pas vous laisser chanter la Même Chanson. Oui, vous pourrez peut-être participer à nouveau quelques mois plus tard, mais qu’est-ce qui va vous garantir que vous ne retomberez pas sur un autre grand maestro qui va vous faire le même coup ? C’est bien beau de dire de persévérer ; mais là, la faute incombe entièrement aux règles mal foutues, pas à un défaut de performance. Ce jeu ne devrait pas être une loterie à ce niveau-là.
D’autant plus qu’apprendre par cœur les paroles d’autant de chansons ne vous servira probablement pas ailleurs que dans ce jeu-là ; donc je ne vois pas comment un challenger malheureux pourra les rentabiliser autrement…
La lassitude des systèmes de champion…
Et enfin… c’est assez paradoxal, car ce système de champion illimité est censé être une « nouvelle » façon de susciter du suspense pour le spectateur.
En effet, auparavant, on avait la formule QVGDM, où le suspense était de se dire « Est-ce que le candidat va aller jusqu’au bout de la pyramide, trébucher avant, ou s’arrêter quand il le faut ? », par exemple. C’était la grande mode des années 2000.
Tombée en désuétude pour laisser place à la formule TLMVPSP, où le suspense venait cette fois-ci d’autre chose : « Jusqu’où le champion ira-t-il ? Battra-t-il un nouveau record ? A quel moment va-t-il enfin chuter ? ».
Et en soi, je comprends que c’est plutôt un avantage aux yeux des producteurs et du public. Mais personnellement… je ne le vois pas comme ça.
Alors, c’est un ressenti qui est très variable selon le jeu ; et je ne cache pas que plus les règles sont problématiques, plus c’est impactant. TLMVPSP, en particulier, je le ressens de plein fouet, et c’est d’ailleurs ce jeu-là que je vais citer.
Parce que oui, je concède que les finales où le champion se fait détrôner ont quelque chose de spécial (sauf si on est dans une période de valse des champions, avec des candidats pas spécialement talentueux) ; et je pourrais aussi citer les finales où le champion a eu chaud aux fesses, pour être gentil.
Mais le reste du temps… le scénario est tellement prévisible que ça me donne juste l’impression d’avoir regardé l’épisode pour rien. Grosso modo, ça pourrait faire 10% d’épisodes qui peuvent valoir le coup, contre 90% d’épisodes qui vont me faire perdre mon temps, parce que la finale se déroulera en mode « Champion donne thème pourri au challenger – stop – Challenger fait beaucoup de carrés – stop – Champion se débrouille pas trop mal sur son thème – stop – Challenger ne dépasse pas champion – stop – Champion s’enrichit d’un petit millier d’euros et reste – Fin ». Et, oui, une émission ne se résume pas qu’à sa finale, mais vu que dans ce cas précis, le but c’est de trouver quelqu’un pour affronter le champion…
Je pourrais aussi citer NOPLP : ok, c’est censé être impressionnant de voir un grand maestro chanter une Même Chanson sans se tromper. Mais quand ça arrive dans plusieurs émissions d’affilée, ça devient surtout lassant pour moi… surtout s’il tombe sur une finale où il ne connaît aucun des titres proposés et repart avec maximum 1000 € ou rien du tout.

Bref, en tant que spectateur, c’est principalement de la lassitude que je ressens. Pas de façon systématique, certes ; mais ça reste fréquent, en particulier avec des grands champions. Sans compter le fait qu’au bout d’un moment, voir toujours le même candidat, c’est lassant…
Mais même du côté des champions, je pense que tenir ce rôle doit finir par en lasser certains.
Pour certains, on a senti l’usure au bout d’un moment, avec des performances qui semblaient volontairement ou involontairement moins bonnes qu’à leur meilleur niveau, pouvant aboutir à des scenarii d’élimination qui manquent parfois un peu de panache, et ne rendant pas leur dernière participation aussi flamboyante qu’elle ne pourrait l’être.
Cela dit, ça reste tout à fait normal. Ce sont des êtres humains, et même si tenir ce rôle a dû les galvaniser, ça n’a rien d’étonnant à ce qu’ils finissent par s’en lasser eux aussi.
Et au-delà de ces considérations… c’est également le fait de voir des systèmes de champion de toutes parts qui fait que ça en devient indigeste et lassant en soi.
Surtout quand les diffuseurs finissent par mettre au placard d’autres concepts qui ne peuvent pas y faire appel. En particulier les jeux d’access de TF1, dont je n’étais pas forcément un grand fan, mais qui avaient le mérite d’étoffer un petit peu la diversité des jeux qu’on pouvait avoir. Diversité qui s’est de plus en plus amoindrie, à force d’avoir voulu privilégier un certain type de jeux en particulier.
Regardez fin 2022 : au niveau des jeux quotidiens proposés par TF1, France 2 et France 3, sur 8 jeux différents, on en a 6 avec un système de champion, dont 5 où il est illimité (LDCDM, TLMVPSP, TLMASMAD, NOPLP et QPUC, le seul ayant une limite étant Slam) ; et le week-end, ce n’est guère mieux, avec les variantes à super champion des jeux de France 3. C’est vraiment triste pour le genre, de survivre majoritairement via ce système-là. Et ça ne me rassure guère pour son avenir… même si les jeux les plus récents tendent à se passer de ce système, comme Chacun son tour et Duels en famille, qui ont de toute façon remplacé des jeux qui n’appliquaient pas ce système, ce ne sont clairement pas ces jeux là à eux seuls qui vont refaire briller le genre à mes yeux… loin de là.
Bref, les systèmes de champion ont beau avoir la cote, ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont que des avantages.
C’est certes variable selon le jeu qui met ça en application, certains s’y prenant mieux que d’autres… mais dans l’ensemble, il vaut mieux ne pas en abuser, ni lui conférer trop d’importance.