Bon, je sais, répondre à ce genre de question, c’est comme demander à quelqu’un quelle est sa période de Fort Boyard préférée : la plupart des gens vont dire que c’est celle avec laquelle ils ont grandi, et dès que quelqu’un osera dire du mal d’une période qui ne correspond pas à leur zone de nostalgie, il se prendra une volée de bois vert de la part des fans plus contemporains, parce que c’est un vieux machin qui ne jure que par le « C’était mieux avant », gna gna gna. La réciproque est également possible : quelqu’un qui aura grandi avec une version plus récente, et qui découvrira des émissions plus anciennes, pourra se dire que ça a pris un sacré coup de vieux et que ça n’a plus aucun intérêt de les regarder ; mais que s’il fait la remarque à un fan de la première heure, il répondra « Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas ce qui est bon », gna gna gna.
Mais bon, par pitié, il faut vraiment arrêter de vouloir raisonner d’une façon aussi simpliste et de juger les avis des autres d’une façon aussi péremptoire, quand ceux-ci font l’effort notable de les argumenter. Parce qu’opposer à une argumentation construite une phrase bateau du type « La rengaine du c’était mieux avant », « Évidemment qu’il fallait que ça évolue ! » ou « C’est juste devenu débile point barre », c’est profondément manquer de respect à son interlocuteur.
Parce que, bon, pour répondre à la question : « Quelle est, selon moi, la meilleure décennie pour les jeux TV ? », je vais citer une période qui, comme par hasard, va correspondre avec celle avec laquelle j’ai grandi ; et pour être plus précis, celle de mon adolescence, à savoir : les années 2000.
Mais j’ai des raisons pour le penser, qui vont bien au-delà de la nostalgie de l’époque. D’ailleurs, je suis personnellement plus nostalgique des années 90 de mon enfance que des années 2000 de mon adolescence, donc l’argument de la forte nostalgie ne tient même pas complètement.
Je précise également que pour cet article, je ne parlerai que de ce qui a pu concerner le PAF. Je ne me suis bien évidemment pas amusé à comparer avec d’autres pays, qui ont des logiques de programmation et des habitudes différentes, auxquels je peux difficilement me rattacher ; sans compter que ça me prendrait un temps monstrueux d’étudier tout ça.
Les débuts du genre
Pour paraphraser un certain Sheldon Cooper : les jeux sont quelque chose qu’il a fallu inventer, car on ne les trouve pas tels quels dans la nature. La télévision non plus, d’ailleurs.
Donc lorsqu’elle a commencé à prendre son essor, il a fallu inventer des concepts afin de meubler le temps d’antenne. Parmi ceux-ci, les émissions d’actualité (avec bien évidemment le journal télévisé), les séries, les émissions culturelles, les retransmissions d’événements en direct… et, bien entendu, les jeux télévisés.
Cela étant, à l’époque, c’était évidemment difficile d’espérer avoir des concepts originaux, des mises en scène clinquantes et de la diversité parmi ce que le média pouvait proposer. Pour des raisons assez évidentes.
En effet, les diffuseurs n’étaient pas très nombreux ; et il n’y en avait d’ailleurs qu’un seul pendant un bon moment, à savoir l’ORTF, avec pas plus de trois chaînes, et un décideur unique (l’État français) qui ne pouvait pas décemment diffuser n’importe quoi dessus.
Donc, en sachant qu’il fallait laisser du temps d’antenne pour les autres types de programmes jugés plus importants, ça ne laissait forcément pas beaucoup de cases vacantes pour y placer des jeux ; d’autant plus que la télévision n’avait pas pour vocation à l’époque de proposer du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola. On était encore loin de la privatisation de TF1…
Ensuite : le média étant tout frais, il y avait encore pas mal de bases à définir. Comment est-ce qu’on met en scène un jeu ? Comment lui trouver un concept ?
Faisons un parallèle avec les jeux vidéo : avant d’en arriver à Super Mario Odyssey ou à The Legend of Zelda : Breath of the Wild, il avait bien fallu définir au préalable Super Mario Bros et The Legend of Zelda. Des jeux devenus certes des grands classiques avec le temps ; mais qui, aux yeux du joueur des années 2020, paraissent bien plus légers au niveau du contenu qu’ils ont à offrir que les titres sortis beaucoup plus récemment. Et même avant ces jeux-là, il avait d’abord fallu passer par des titres encore plus basiques, avec des graphismes plus pixellisés et des mécaniques de jeu encore plus simplistes, comme le Pong. D’une part, pour des considérations techniques (j’y reviendrai rapidement) qui empêchaient les jeux en question d’être des foudres de guerre ; mais d’autre part, parce qu’avant de passer directement à l’élaboré, il faut d’abord définir le classique.
Pour les jeux TV, c’est la même chose. Il y a encore beaucoup de conventions visuelles à mettre en place et à découvrir, de mécanismes de jeux à définir et à peaufiner, etc. D’où le fait que pas mal de jeux de l’époque avaient des principes plutôt simples ; parce qu’à l’époque, on n’imaginait pas forcément que ça pouvait aller beaucoup plus loin que ça, et que ça suffisait amplement à certains de se contenter de Le mot le plus long ou du Schmilblick.
Et puis enfin, époque oblige, les moyens techniques à disposition étaient évidemment plus limités qu’aujourd’hui.
Par exemple, difficile d’imaginer un joker comme le Vote du public de QVGDM à une époque où on ne maîtrisait pas encore les boîtiers de commande à distance, ou encore de jouer sur l’interactivité avec les spectateurs via des applications spécifiques comme le faisait Qu’est-ce que je sais vraiment ?, voire même jouer à distance comme l’a fait Jouons à la maison (même si le contexte était un peu spécifique, certes). Les innovations techniques qui le permettaient n’existaient pas encore.
Mais bon, tout ce que l’on pourrait considérer comme des défauts actuellement, on le pardonne bien évidemment pour l’époque.
Après tout, avant que le câble, le satellite, la TNT, Internet et consorts n’arrivent, c’était le média lui-même qui fascinait, avec le concept de pouvoir suivre des images de chez soi ; et à l’époque, c’était lui qui dominait naturellement la concurrence, ou plutôt le peu de concurrence qu’il pouvait avoir. Pas besoin donc pour lui de proposer un contenu particulièrement innovant, puisque l’innovation résidait dans le média en soi.
D’ailleurs, je pourrais résumer une bonne partie de ce que je viens de dire, en comparant une émission de Des chiffres et des lettres des années 70 avec une émission des années 2010.
Sur le plan technique, pour commencer. Dans les années 70, on doit se contenter de tirer des cartes au sort pour établir un tirage de lettres, et lancer une sorte de roue pour obtenir un nombre à trois chiffres pour Le compte est bon, pendant que les candidats réfléchissent avec du papier et un crayon. Dans les années 2010, tout est informatisé, avec des tirages de chiffres et de lettres établis par ordinateur, des calculs qui sont réalisés automatiquement pour les candidats (leur évitant des erreurs d’inattention), et même le logiciel Renardeau qui permet de trouver automatiquement la façon de trouver le bon compte.
Au niveau de la gestion du rythme et de la mise en scène, également, les différences sont perceptibles ; là où on se contentait d’une multi-caméra à l’époque, on utilise désormais la post-production pour afficher les tirages, ce qui est plus lisible. Quant au rythme, celui-ci s’est considérablement accru dans les années 2010.
Et enfin, au niveau du concept lui-même : si ça pouvait rester acceptable de se cantonner à des tirages de chiffres et de lettres à l’époque (voire même, dans les années 60, de se contenter uniquement du Mot le plus long), aujourd’hui ça paraîtrait beaucoup trop léger pour capter l’attention du spectateur, d’où le besoin de diversifier la mécanique par la suite, et de rajouter des Duels, ainsi qu’une « vraie » finale plus dynamique.
On sent clairement tout le chemin qui a été parcouru en une cinquantaine d’années.
Bref, c’est évidemment important de recontextualiser les jeux par rapport à leur époque, et de se dire que si des jeux comme Le Schmilblick ou Les jeux de 20 heures paraissent désuets aujourd’hui, ils ne l’étaient pas lors de leur diffusion, et faisaient parfaitement le job qu’on leur demandait.
C’est d’ailleurs également pour cette raison-là que je ne me hasarde pas trop à critiquer ce genre de jeux : forcément, si je les jugeais selon la façon dont je le fais aujourd’hui pour n’importe quel jeu, je ne serais pas très généreux avec, car je trouverais leur mécanique trop simpliste, leur mise en scène et leur gestion du rythme assez pauvres, etc. Et pourtant, j’ai quand même du respect pour eux, car sans ceux-là, on n’aurait peut-être pas eu certaines pépites par la suite.
Cela étant, en dehors du côté « archéologique », ça peut tout de même valoir le coup de s’intéresser un peu à cette époque, pour y trouver certains concepts de jeux qui n’ont pas trop mal vieilli à mon goût.
Ainsi, Des chiffres et les lettres est certes resté un peu poussiéreux pendant un moment, mais a fini par se moderniser et connaître une formule gagnant en rythme et en diversité ; ou encore Jeopardy, qui n’est certes arrivé en France qu’en 1989, mais qui avait été imaginé outre-Atlantique dans les années 60, et dont le concept tient toujours aussi bien la route pour moi aujourd’hui. Je pourrais également citer La tête et les jambes, qui n’a certes pas connu de diffusion « officielle » par la suite, mais qui a connu des héritiers spirituels comme Un pour tous ou Drôles de couples, dont le principe marchait encore plutôt bien pour leur époque.
Et même si certains jeux ont un peu vieilli, le fait qu’ils conservent un charme désuet comme Les jeux de 20 heures peuvent valoir le coup de les visionner de temps à autre.
Des années 80 aux années 90 : du divertissement et une maturation progressive
Et quand je parlais du fait de devoir définir les bases du genre, les producteurs étaient d’ailleurs conscients de cet état de fait. Ainsi, on retrouvera certaines figures notables des années 60 ou 70 derrière des jeux produits par la suite, qui seront davantage élaborés et contemporains.
Par exemple, Jacques Antoine, qui a beaucoup contribué à l’élaboration ou à l’adaptation de formats pour la TV française, avait travaillé sur La tête et les jambes ou Le Schmilblick dans les années 60, puis Les jeux de 20 heures dans les années 70 ; pour finalement proposer L’académie des 9 dans les années 80, puis Une famille en or, et surtout Fort Boyard durant les années 90, montrant ainsi que le genre du jeu télévisé ne demandait qu’à se développer et à mûrir.
En outre, l’ORTF a fini par éclater en 1975, les canaux de diffusion ont fini par accroître leur nombre (même si ça restait encore assez moindre avant que la TNT n’arrive dans les années 2000), et la concurrence a fini par apparaître, avec notamment Canal+ en 1984 (même si celle-ci n’a pas eu beaucoup d’impact à cette époque-là sur le domaine qui nous intéresse pour le moment), La Cinq en 1986, puis TF1 qui fût fraîchement privatisée en 1987.
Bref, c’était l’époque où il fallait que les diffuseurs commencent à se démarquer, pour attirer du public et se rentabiliser. Ce qui a donc pu les stimuler pour concevoir leurs grilles de programmes, en innovant afin de se démarquer de la concurrence.
Non pas que ça se fasse forcément dans le bon sens, cela dit : en effet, on se souvient de l’époque où on raillait TF1 pour sa mauvaise image (pourquoi je parle à l’imparfait, au juste ? On raille toujours TF1 pour sa mauvaise image ! Ok, je sors.) avant qu’Étienne Mougeotte ne vienne impulser une « Quête de sens » en 1996. Cela dit, TF1 n’était pas non plus la seule concernée, les autres chaînes ayant eu leurs casseroles de temps à autre.
Ainsi, on a vu apparaître des émissions avec un caractère volontairement moins culturel et davantage divertissant ; et ce, tout simplement au nom de l’audience. Eh oui, les dérives de la course à l’audience, ça ne date pas d’hier…
Oui, parce que je parle de TF1, mais ces deux immondes daubes que sont Que le meilleur gagne ! et N’oubliez pas votre brosse à dents, c’était respectivement La Cinq (repris par France 2 ensuite) et France 2, hein.
Et punaise, même si je ne regardais pas ça à l’époque, Dieu que j’aurais détesté Nagui dans les années 90 pour avoir présenté ce genre de trucs…
Car autant parler de ça tout de suite : certains jeux de cette période ne cherchaient plus simplement à montrer un concept, mais commençaient à se caractériser par la volonté d’accentuer le divertissement. Parfois même au détriment du matériau de base… ou alors, parce que le matériau de base n’aurait pas été aussi intéressant sans ça.
Parlons de l’exemple que je trouve le plus parlant à ce sujet : L’académie des 9, créée en 1982, un jeu considéré comme culte par pas mal de monde.
Pourtant, si on se penche sur le concept… ça reste assez basique. On voit surtout deux candidats jouer à un morpion grandeur nature, dont les cases sont occupées par des célébrités, qui vont poser des questions aux candidats qui les sélectionnent, afin de déterminer si la case va être cochée ou non. Bon, je simplifie un peu, de ce que j’ai vu, on avait parfois quelques manches un peu différentes… mais pas révolutionnaires non plus.
Mais ce n’est pas spécialement le concept en lui-même qui a marqué le public. C’était surtout l’ambiance qu’on cherchait à lui donner. En se basant sur les célébrités. Les producteurs l’avaient d’ailleurs bien compris, en les laissant faire leur petit numéro à l’occasion, puis en les faisant participer à des mini-jeux complètement anecdotiques (raconter une blague, deviner un dessin…). Le public regardait surtout le jeu pour ça, à l’époque.
Et, surtout, c’était quelque chose de plutôt inédit. Bon, aujourd’hui, les divertissements à base de people, c’est un marché saturé depuis un moment, et d’ailleurs toutes les tentatives de remake/revival de ce format par la suite n’auront pas fait long feu, parce que ce format-là ne se démarque plus particulièrement de ce qui se fait d’autre. Mais dans les années 80, c’était presque révolutionnaire, d’où le succès.
Cependant, même si je n’apprécie pas plus que ça L’académie des 9, je reconnais que par rapport à d’autres formats, le côté divertissant restait encore assez soft. Car les années 80-90 (surtout 90) commencent également (malheureusement) à pencher vers des dérives, où on commençait (déjà…) à dériver vers la lourdeur. Pas qu’au niveau des jeux TV cela dit, mais ce genre-là ne sera pas complètement épargné non plus.
Oui, autant reparler des deux jeux que j’ai montrés plus haut… ainsi, Que le meilleur gagne devra également une grande partie de son succès non pas à son concept (là encore plutôt basique, même si pour l’époque ça devait être un peu révolutionnaire de voir 100 personnes jouer d’un seul coup), mais à son divertissement. Divertissement qui, comme vous le savez si vous avez lu ma critique du jeu, était particulièrement lourdingue, indigeste et affreux à supporter.
Mais on peut faire encore pire que ça, en pondant un jeu dont le concept est… le divertissement lui-même, en fait. Sincèrement, ce qui définit N’oubliez pas votre brosse à dents, c’est purement et simplement l’idée de faire du spectacle « divertissant » au détriment des candidats, en se montrant le plus imaginatif possible pour trouver des moyens de rire à leurs dépens. Je crois bien qu’on tient là l’apogée de la vulgarité pour un jeu télévisé. Et on n’a même pas attendu l’avènement de la télé-réalité pour le faire ! Comme quoi, le « C’était mieux avant », c’est vraiment à relativiser, hein…
Ah, et sinon, ce n’est pas parce qu’on pond Votre vie en jeux une trentaine d’années plus tard, en inversant les rôles et en bizutant les animateurs à la place des candidats, que ça devient soudainement plus intelligent. C’est juste légèrement moins navrant, mais ça reste toujours aussi peu fin.
Sérieusement, il faudrait vraiment enterrer pour de bon les vestiges de N’oubliez pas votre brosse à dents et oublier définitivement ce concept…
Et pour terminer sur le côté culturel qui s’efface progressivement, autant parler d’un nouveau genre de jeu qui ne va clairement pas faire appel à la réflexion ou à la culture : les jeux basés sur l’amour. Car c’est bien durant les années 80 qu’on va voir l’introduction de jeux tels que Tournez manège ou Les mariés de l’A2, ancêtre de Les z’amours qui prendra place la décennie suivante.
Là encore, on voit que ce genre de jeu a davantage pour objectif de divertir le spectateur sans prise de tête, plutôt que de proposer un concept avec une vraie plus-value. L’appréciation dépendra de chacun, mais personnellement, je ne trouve quasiment aucun intérêt à ce genre d’émission, que je trouve même un peu racoleur sur les bords. Après tout, je considère que la vie sentimentale n’est pas spécialement quelque chose qui mérite d’être étalé à la télévision devant des millions de spectateurs… un peu d’intimité, que diable !
Bon… cela dit, même si ces décennies-là vont introduire du divertissement dans un certain nombre de jeux, celui-ci ne va heureusement pas se définir d’une façon aussi extrême que ce que j’ai décrit. Ainsi, pas mal de jeux de la période chercheront à le faire de façon plus mesurée, et suffisante par rapport à ce que le jeu ambitionne d’être. Qui est qui ?, par exemple, est un jeu très divertissant, mais ne va pas chercher à en faire des caisses avec son ambiance (même si à un ou deux moments, c’est légèrement borderline je le reconnais).
Et, heureusement, beaucoup de classiques vont parvenir à se démarquer, sans pour autant proposer un divertissement ultra poussé.
D’ailleurs, c’est vraiment à partir des années 80 qu’on commence à véritablement voir apparaître ces classiques.
Certes, auparavant, on avait déjà DCDL, et des émissions qui avaient acquis un certain côté culte comme La tête et les jambes, Le Schmilblick voire Les jeux de 20 heures… mais ils restaient encore assez peu nombreux.
Alors qu’à partir des années 80, en plus des jeux déjà cités, on commence à voir apparaître La roue de la fortune, Questions pour un champion, Une famille en or ou Le juste prix ; puis, dans les années 90, ce sont Motus, Pyramide, Qui est qui ?, Le Bigdil, L’or à l’appel, Fa si la chanter, 100% Question… c’est déjà pas mal, en l’espace de deux décennies !
Non pas que mon appréciation de ces classiques soit parfaitement constante, cela dit ; mais toujours est-il que je leur reconnais, pour la plupart, un côté assez marquant, qui les rend clairement identifiables (que j’aime ou non les jeux en question).
Et je pense que ces classiques doivent leur statut non seulement à la volonté de rendre ces jeux plus divertissants (que ce soit un tout petit peu, ou à l’excès…) ; mais aussi au fait qu’on cherche à présent à développer davantage les concepts, et à ne plus spécialement se contenter d’idées basiques (enfin… ça dépend desquels).
Alors, certes, des idées basiques, on en retrouve encore durant cette période. Ainsi, on pouvait trouver par exemple Dessinez, c’est gagné !, en 1989, qui n’a pas d’autre ambition que d’adapter le Pictionary à l’écran, et qui ne suffirait clairement plus à meubler un concept à part entière aujourd’hui (on préférera en faire une manche dans Tout le monde a son mot à dire par exemple) ; ou encore l’adaptation du Trivial Pursuit, certes spécialement adaptée avec des règles plus spécifiques pour le passage au petit écran, mais qui ne va pas spécialement plus loin que ça non plus.
Mais à côté de ça… on commence à se permettre davantage de choses. Un peu plus d’interactivité par-ci par-là (avec d’ailleurs ce qui finira par devenir la télé-tirelire…), des technologies qui commencent à se mettre timidement en place, de nouvelles idées ça et là (Ces années-là qui va proposer de jouer avec des années à deviner, Dingbats avec des énigmes visuelles, Ca déméninge avec des questions de mémoire, Super Défi où les candidats s’affrontent carrément sur des jeux vidéo…), etc. Bref, on profite de possibilités croissantes pour se démarquer davantage, et redéfinir les bases du genre.
Notons toutefois que, nonobstant leur côté classique, certains jeux ont dû un peu se rôder. C’était le cas de Motus , avec un format initial de Super Partie pas très au point, qui sera rapidement revu pour celui qu’on connaît bien.
Enfin… là, j’ai surtout parlé de jeux de plateau ou en studio, mais les jeux TV vont également se décliner d’une autre manière, pour partir au grand air.
Et ça, on le doit majoritairement à un héritage des années 60 : La tête et les jambes, qui n’était d’ailleurs pas totalement un jeu de plateau, et qui pouvait en partie se dérouler en extérieur. Eh oui, pour la pratique sportive (destinée à rattraper les erreurs de la « Tête »), il fallait bien des lieux plus adaptés. Ainsi, on pouvait également y voir par exemple une piscine, ou encore de quoi pratiquer de l’équitation.
Et quand on voit qui est à l’origine de ce format (à savoir Jacques Antoine), on se dit que ça a dû quelque peu l’inspirer pour définir un nouveau genre : le jeu d’aventure.
Avec, pour commencer, un certain La chasse au trésor (devenu par la suite La chasse aux trésors), inauguré en 1981, qui réinvente d’une certaine manière le concept de LTELJ, avec des « candidats » fonctionnant en binôme et ayant chacun sa spécialité : ainsi, les candidats restent en studio, en région parisienne ; pendant que Philippe de Dieuleveult est en extérieur. On a les candidats qui réfléchissent de leur côté, et aiguillent celui qui va faire tout le travail physique à leur place.
Et ça a été un joli succès, certains considérant même ce programme-là comme l’émission culte, malgré ses seulement quatre saisons d’existence, plutôt que son héritière, La carte aux trésors qui lui a succédé une décennie plus tard et duré plus longtemps.
D’ailleurs, pour parler rapidement de La carte aux trésors : c’est effectivement dans la même veine, mais cette fois-ci, le côté LTELJ disparaît complètement, en donnant l’ensemble des responsabilités aux candidats, qui doivent à présent non seulement réfléchir, mais également agir sur le terrain. Personnellement, c’est d’ailleurs celui-ci que je considère davantage comme jeu d’aventure, puisque dans La chasse aux trésors, les candidats n’étaient pas encore sur le terrain.
Et pour être explicite, entre temps, on a également eu Les trésors du monde, qui n’était ni plus ni moins qu’un remake de La chasse aux trésors, pas grand-chose de plus à développer.
On tient donc déjà notre premier genre de jeu d’aventure ; mais un autre reste à définir, et pas des moindres. Oui, vous l’aurez certainement deviné, mais il s’agit bel et bien de Fort Boyard.
Je ne m’étendrai cependant pas trop là-dessus, car il y aurait beaucoup trop de choses à dire ; mais toujours est-il qu’il s’agira du jeu pionnier de la formule « jeu d’aventure physique », consistant en une succession d’épreuves diverses, qui aboutira à un résultat certain au bout de l’émission. Et qu’il aura effectivement une grande influence sur ce qui se fera dans le même genre à l’époque, puisque la plupart des autres jeux d’aventure vont lui ressembler d’une certaine manière.
Ainsi, on aura La piste de Xapatan, Les forges du désert, et Le Trésor de Pago Pago dans la même veine ; pour les enfants, on aura Les mondes fantastiques et Mission Pirattak ; et même un format développé spécialement pour le public d’outre-Manche avec The Crystal Maze.
Et, chose intéressante : tous les jeux d’aventure dont je viens de parler… ça vient de Jacques Antoine et/ou de sa société de production. On sentait la passion et la volonté de développer le format !
Je crois bien que le seul jeu d’aventure de cette période-là que j’aie pu trouver qui ne venait ni de lui, ni de sa société, c’était Mégaventure, diffusé de 1983 à 1987 ; et encore, son concept se rapprochait pas mal de celui de La chasse aux trésors.
On ne le présente plus…
Bon, si on fait le bilan des décennies 80-90 : ça reste tout de même ma foi fort honorable. Elles sont restées assez notables en matière de jeux, avec beaucoup de classiques et de mécanismes qui vont s’affiner, et atteignaient même un certain âge d’or : en effet, on aurait pu avoir l’impression qu’après avoir inventé ou réinventé pas mal de concepts, on commençait déjà à faire un petit peu le tour de ce qui semblait possible.
Et quelque part… on sent qu’effectivement, ces décennies semblent avoir atteint un plafond qu’elles n’ont pas encore osé dépasser. Car si elles ont été plutôt prolifiques en matière de nouveautés et de concepts, ceux-ci suivent assez majoritairement un même type de formule, ainsi que des codes plutôt communs.
Pour les jeux de plateau, par exemple, on sent que ceux-ci restent épisodiques, avec un format de mini-compétition, et avec un type d’ambiance qui reste majoritairement le même, à savoir quelque chose de plutôt convivial et bon enfant (si on excepte le trash de certains…). Quant aux jeux d’aventure, là encore leur naissance a été un succès ; mais on ne semble avoir trouvé que deux types de jeux, définis respectivement par la formule Fort Boyard (consistant en une succession d’épreuves aboutissant à un résultat final) et la formule Carte aux trésors (consistant en un mini-rallye épisodique) ; si bien que la plupart des autres tentatives (très majoritairement élaborées par la même boîte de production) n’ont pas marqué davantage et semblaient un peu faire tourner ces formules en rond (sans pour autant être dénuées d’intérêt, cela dit, bien au contraire !).
Bref, on sent un certain aboutissement de certains genres en particulier… mais il reste encore pas mal de concepts et d’idées directrices à découvrir et/ou à réinventer. Ce qui sera fait durant la décennie suivante…