Si Tout le monde veut prendre sa place est très facilement le jeu TV que je hais le plus (en grande partie à cause de l’influence que ce jeu a eu sur le reste du PAF), ce n’est cependant pas celui que je trouve le plus mauvais intrinsèquement… du moins, ce n’était pas celui que j’ai trouvé le plus mauvais intrinsèquement, jusqu’en 2023 et l’avènement de la version Jarry, qui cumule à la fois les défauts de TLMVPSP et les défauts d’Attention à la marche, en plus de faire régresser ce que le jeu avait quand même réussi à instaurer.
Mais version Jarry mise à part, je ne peux pas dire que TLMVPSP est le pire jeu que je connaisse dans son essence. Ainsi, même si sa mécanique de jeu a des problèmes un peu trop prononcés à mon goût, il arrive toutefois à proposer en contrepartie quelques bonnes idées, des éléments de jeu sincèrement réussis, un concept novateur pour son époque, et une certaine personnalité notable.
En revanche, je ne peux clairement pas en dire autant du jeu d’aujourd’hui.
Trouvez l’intrus. Un jeu produit par Air Prod (société de production de Nagui, notamment), qui sera arrivé en 2016 sur France 3, en même temps que 8 chances de tout gagner ! et qui occupera lui aussi les week-ends de la chaîne (avec le samedi pour Trouvez l’intrus, et le dimanche pour 8CDTG) ; et qui sera reparti à peu près en même temps, en 2022, même s’il aura finalement duré 6 mois de plus que 8CDTG. Et 8CDTG aurait largement plus mérité ces 6 mois de diffusion supplémentaires, je trouve.
Car Trouvez l’intrus est un jeu que j’ai trouvé très paresseusement conçu, tellement plat et sans qualités notoires, qu’il en devient même assez insultant sur les bords ; en particulier, lors d’une manche sur laquelle je m’étendrai un peu plus.
Et dont la diffusion a quand même duré 6 ans !!! Soit à peu près la longévité du Maillon Faible à l’époque TF1, rien que ça ! En fait, je crois que c’est finalement ça qui m’énerve le plus au sujet de ce jeu ; le fait qu’il ait pu rester à l’antenne aussi longtemps en catimini…
Alors que je pourrais citer plein de concepts largement plus créatifs que celui-ci qui n’ont pas eu cette chance, et qui n’ont parfois même pas dépassé le cap de quelques mois de diffusion, alors qu’ils l’auraient largement plus mérité ! Dont Volte-Face, par exemple, pour citer un autre format Air Prod.
Concepts sur lesquels je reviendrai très certainement avec plaisir dans de futures critiques ; mais avant ça, on va défoncer un peu Trouvez l’intrus. Allez, c’est parti.
L’habillage sonore : du repompage
Commençons au passage rapidement par le générique et les effets sonores : ce ne sont pas des effets « inédits » spécifiquement conçus pour le jeu. En effet, il s’agit d’un repompage pur et simple des éléments sonores du jeu Le coffre, qui fut lui aussi une production Air Prod. Certes un peu oubliée depuis le temps, puisque le jeu n’aura duré qu’un an, en 2004 ; mais qui fait partie de ces jeux largement plus intéressants que je mentionnais plus tôt…
Alors, bon, je sais que le spectateur lambda, qui ne suit pas assidûment les jeux TV (surtout qu’on parle d’un jeu diffusé 12 ans plus tôt et qui n’a pas tant marqué les esprits que ça), ne l’aura sans doute pas remarqué ; et même si ça avait été le cas, il s’en ficherait certainement. Mais :
- d’une part, je ne trouve pas que cet habillage soit spécialement adapté à ce jeu-là. Le Coffre était un jeu qui se voulait un peu plus stressant, avec un enjeu plus difficilement atteignable. Là où, même si Trouvez l’intrus veut se donner de grands airs à ce sujet, il reste un jeu de fin d’après-midi de France 3…
- d’autre part, je ne trouve même pas cette bande-son particulièrement agréable. Même dans Le Coffre, je la trouvais déjà un peu trop répétitive, avec ses trois notes majeures (son « tin-tin-tiiin ! » – désolé, c’est pas évident à retranscrire à l’écrit…) un peu gavantes ; donc, quitte à reprendre la bande-son d’un autre jeu, on aurait pu trouver mieux à mon goût…
- et, enfin, le simple fait de reprendre cet élément pré-existant est symptomatique d’une certaine paresse dans la conception du jeu, puisqu’on ne fait même pas l’effort de composer quelque chose de plus spécifique. Je ne demandais pas spécialement à avoir une BO du niveau de celle de Qui veut gagner des millions ?, mais au moins quelque chose qui se serait un tant soit peu démarqué…
Et s’il n’y avait que ça d’aussi peu créatif dans ce jeu… voyons plus en détail le reste.
Les deux premières manches… existent
Le concept de ce jeu est sensationnel : il faut… trouver l’intrus, parmi plusieurs propositions qui correspondent à un thème donné. Bref, du QCM un peu déguisé, quoi. Et pas particulièrement rendu intéressant autrement…
Les deux premières manches comptent chacune trois propositions de réponse.
Bon, plus précisément, les quatre candidats pour la manche 1 (puis 3 pour la manche 2) répondent en même temps à la question posée. S’ils répondent faux, ils ne marquent aucun point. S’ils répondent correctement, le plus rapide remporte 4 points, le deuxième 3, etc.
Un principe… déjà vu. Dans Harry, plus précisément. En fait, dans sa mécanique globale, Trouvez l’intrus me rappelle pas mal Harry, notamment dans sa seconde version (par rapport à la manche 3 et le champion qui arrive comme une fleur… j’y reviendrai), au point même où je me demande s’il n’y a quand même pas eu une « légère » inspiration à ce niveau-là… ce qui est d’autant plus problématique pour un jeu sorti peu de temps avant, durant la même décennie. Et à choisir, je préfère Harry, qui a une mécanique légèrement plus originale ; bon, les jeux de type « anagrammes » ne sont certes plus très originaux, mais au moins cette émission s’est davantage amusée avec sa mécanique de base pour compenser cet aspect-là.
Ici, en revanche, le fait d’avoir des questions de culture générale comme dans la plupart des jeux TV, ça reste très lambda, et ça fait très fade. Et (spoiler) je pourrais d’ailleurs en dire autant du reste du jeu, puisqu’aucune manche ne brille particulièrement par son originalité ou par une mécanique très recherchée. Ce sera toujours du QCM où il faudra trouver l’intrus parmi plusieurs propositions, avec une mise en scène très basique.
Honnêtement, c’est vraiment histoire d’apporter un support visuel à cette critique ; mais franchement, du QCM, ça n’a rien de palpitant à montrer, quoi…
En manche 2, le principe est le même, sauf que seul le candidat le plus rapide marque des points. Par ailleurs, le nombre de points en jeu croît à chaque question (la première question ne vaut qu’un seul point, la deuxième deux, etc.)… mouais. Ca me paraît plus pertinent dans Questions pour un champion, où c’est plus dynamique et où il y a davantage de questions.
Cette manche 2 va par ailleurs soulever un problème qui était déjà présent en manche 1, mais qui va être encore pire durant celle-ci.
Dans l’idée, récompenser le candidat le plus rapide n’est pas un mauvais principe (après tout, c’est ce que fait QPUC, et personne ne s’en plaint). Mais là, la mise en scène rend la compétition moins pertinente à ce niveau-là.
Je m’explique : dès que la question est lancée et que l’animatrice dit « Trouvez l’intrus », les candidats doivent se jeter sur leur pupitre pour sélectionner la bonne réponse. Ce qui leur a laissé quelques petits instants de réflexion avant de pouvoir répondre, qui peuvent être suffisants pour trouver la réponse. Donc dans ces circonstances, une fois les hostilités lancées, ça devient plus un concours de « Qui va appuyer sur son pupitre le plus vite possible » en jouant à la milliseconde… et récompenser un candidat juste parce qu’il sait appuyer plus rapidement sur son écran tactile qu’un autre qui avait la bonne réponse en même temps que lui… bof. Les 9 points gagnants de QPUC évitent cet écueil car la question est posée oralement, et les candidats peuvent tenter des réponses avant que l’animateur ne termine de la formuler ; donc même si ça peut se jouer dans un mouchoir de poche, dans ce cas-là, le moment où les candidats buzzent correspond réellement au moment où ils ont le déclic et qu’ils se disent qu’ils ont la réponse. Sans la latence qu’ils ont dans Trouvez l’intrus.
On avait déjà ce problème en manche 1, où les candidats pouvaient jouer dans un mouchoir de poche à quelques millisecondes près, et où un candidat pouvait se retrouver avec un seul point sans avoir démérité par rapport à celui qui en avait 4 ; mais là, c’est pire, puisqu’un seul candidat peut avoir les points à chaque fois. Et c’est même encore plus embêtant quand le nombre de points en jeu est croissant sans raison.
A l’issue de la manche 1, un candidat est éliminé ; à l’issue de la manche 2, seul le meilleur candidat reste.
Les deux manches se jouent avec quatre questions chacune, sauf en cas d’égalité où une question subsidiaire est posée. Au moins, ces manches-là gèrent mieux le système d’égalité que la suivante, qui, elle, gère ça d’une façon lamentable… au moins, j’aurai certes plus de choses à dire sur la manche 3, mais clairement pas en bien.
Incroyable, encore un jeu avec un système de champion mal foutu…
On sent que Nagui a été inspiré par l’époque où il co-produisait TLMVPSP, parce qu’on retrouve parmi certaines de ses autres productions le côté déséquilibré du système de champion. Que ce soit la version maestro de N’oubliez pas las paroles… ou encore ce jeu-ci.
Et vous savez à quel point j’adooooore les systèmes de champion qui favorisent celui-ci… eh bien, ici, ça doit être le jeu dans lequel cette mécanique est à la fois la plus paresseusement mise en place et la plus mal foutue. A tel point qu’on en arrive à un stade où le système de champion donne l’impression de faire partie du cahier des charges du jeu, mais qu’on ne savait pas trop comment l’incorporer, alors voilà ce qu’on a proposé.
La manche 3, à l’instar du reste, manque beaucoup d’originalité dans son principe : on pose trois questions à choix multiples à chaque candidat, celui qui a le meilleur score va en finale. Voilà.
Mais le système de champion en fait facilement la pire du lot.
Déjà, parce qu’on se retrouve avec un jeu où le champion zappe le début et intervient comme une fleur au bout de plusieurs manches ; et là encore, ça n’a pas du tout été inspiré de Harry, dont la seconde version des règles avait mis ce système en place un an plus tôt…
Mais surtout : parce qu’elle comporte très peu de questions, et qu’il est incroyablement simple pour le champion de la gagner.
Cette fois-ci, la confrontation ne se fait pas à la rapidité, mais avec des questions individuelles. Le champion a le choix entre deux thèmes présentés par des jeux de mots (… bon, c’est un chouïa amusant, je le reconnais, et c’est bien la seule chose qui me fait sourire dans cette manche ultra mal foutue), il prend celui qui l’inspire et laisse l’autre au challenger. Bon, on inverse lors de la question suivante, mais comme au final on réinverse à la question d’après, la champion a encore l’avantage à ce niveau-là… et certes c’est loin d’être aussi affreux que le choix en finale de TLMVPSP (les thèmes n’étant pas non plus sciemment trop simples ou trop difficiles), mais quand même.
Première question : le champion a le choix entre trois propositions de réponse et gagne 5 points s’il a bon, puis le candidat fait de même. Idem pour la deuxième question. Quant à la troisième, il y a le choix entre quatre propositions, et cette fois on gagne 10 points en cas de bonne réponse.
Celui qui a le plus de points va en finale, et en cas d’égalité c’est (évidemment…) le champion qui l’emporte.
La seule fois dans le jeu qui parvienne à me faire un peu sourire : les intitulés des thèmes. Ca fait au moins un petit détail qui n’a pas été raté dans cette manche. C’est… mieux que rien, j’imagine.
En plus d’avoir un principe d’une banalité encore plus affligeante que les deux manches précédentes (et il fallait le faire…), cette manche n’est ni faite, ni à faire ; et elle représente facilement l’un des plus gros foutages de gueule que je n’aie jamais vu dans un jeu TV.
Outre sa mécanique ultra simpliste qui casse un peu la cohérence avec les deux premières manches (pourquoi passer d’un système de rapidité à un système individuel ?), là encore on se retrouve avec un système qui avantage beaucoup trop le champion, pour les mêmes raisons que pour TLMVPSP. Mais cette fois-ci, le choix des thèmes intervient assez peu, le problème venant surtout de la simplicité évidente pour le champion de pouvoir faire un sans-faute et de ne laisser strictement aucune chance de gagner au challenger. Merci pour la figuration !
Car le sans-faute n’a vraiment rien de difficile à faire, vu qu’il faut juste répondre correctement à trois questions à choix multiples (3 pour les deux premières, 4 pour la troisième)…
Au moins, dans des jeux qui ont le même problème potentiel de ne laisser aucune chance au challenger en cas de sans faute du champion, le sans-faute n’est pas si évident à faire que ça : dans N’oubliez pas les paroles, ce n’est pas rien de chanter toute une chanson sans se tromper sur un seul mot, et dans TLMVPSP, on va jusqu’à 6 questions et on peut moduler le score de chacune d’entre elles…
Et ce système de champion vainqueur en cas d’égalité est d’autant plus idiot que rien ne justifie d’y recourir pour départager les candidats…
Autant je peux encore vaguement comprendre que dans NOPLP et TLMVPSP, c’était un peu plus difficile de trouver un moyen plus esthétique pour départager les candidats, car la mécanique de jeu globale ne s’y prête pas vraiment (entre autres, difficile d’imaginer des buzzers dans un jeu comme NOPLP…).
Mais ici, Trouvez l’intrus n’a même pas cette excuse, puisque, justement, les deux premières manches se jouaient à la rapidité, rendant par conséquent encore plus stupide le choix de faire des questions individuelles pour cette manche…
Au moins, la deuxième version de Harry l’avait compris, ça, et proposait une mécanique au buzzer pour éviter d’avoir à recourir au statut du champion pour départager une égalité… vous vous inspirez de ce jeu sur plusieurs aspects, mais pas sur ça ? Occasion manquée !
Donc, vraiment, aucune excuse pour ce système de champion ultra bancal. Attendez-vous à ce que la note finale soit salée en grande partie à cause de ça.
Ah oui, au fait, y a une finale…
Mais bon, oublions donc deux secondes cette manche irritante au possible, pour passer à une nouvelle manche fade : la finale.
Rien de bien original là encore, le candidat doit répondre à quatre questions en QCM (avec cette fois 5 propositions de réponse), et gagne davantage d’argent lorsqu’il répond correctement, mais ça s’arrête à la première erreur. Sensationnel.
Ah mais attendez, il y a un énorme monticule avec des portes qui s’ouvrent toutes seules et sur lesquelles on projette des images ! Ca change tout, pas vrai ? … en fait, non, ça fait plus « cache-misère » qu’autre chose pour moi.
Bling-bling.
Et au final, cette finale résume bien le second problème que j’ai avec ce jeu : sa mise en scène inutilement grandiloquente.
Certes, l’habillage du jeu passe correctement. Davantage visuellement qu’auditivement, mais correctement quand même.
Mais il me donne l’impression que ce jeu se prend pour quelque chose de plus élaboré qu’il ne l’est réellement. C’est l’impression que me renvoient les portes qui s’ouvrent, c’est aussi l’impression que me renvoie la bande son (en même temps, comme elle est tirée d’un jeu avec une ambiance plus forte où elle était plus appropriée, c’était inévitable), pas désagréable mais qui laisse un peu imaginer un côté épique pour un principe qui ne l’est clairement pas (ça reste du QCM vaguement déguisé…) et pour des enjeux corrects sans plus (on n’est pas dans Qui veut gagner des millions où les enjeux sont élevés, ça reste du gain standard de France 3…).
Total : 5/20
Je reconnais que Trouvez l’intrus réussit un certain exploit : en effet, je connais peu de jeux qui peuvent se targuer d’avoir une mécanique aussi plate et peu créative… et qui arrivent quand même à se planter malgré ça. Oui, j’ai critiqué TLMVPSP majoritairement en négatif, en grande partie à cause de règles très mal calibrées ; mais lui, au moins, essayait vraiment d’innover et d’avoir sa propre identité, ce que j’arrive à respecter.
Mais ici, je suis sidéré de voir à quel point je n’ai trouvé aucune qualité réellement notable, là où même d’autres jeux avec une mécanique toute aussi banale ont quand même réussi à faire valoir ne serait-ce qu’une idée un tant soit peu originale. Ce programme n’a vraiment quasiment rien pour lui : bande son reprise et moins adaptée à ce jeu, mécanique de QCM sans saveur couplée à des inspirations de jeux un peu plus créatifs (mais déjà vues), ficelles typiques employées sans originalité, animation correcte sans plus… ce jeu manque clairement d’âme, en plus d’avoir l’un des pires systèmes de champion que je n’aie jamais vus et qui plombe sévèrement la note.
Ce qui me surprend d’autant plus pour une production Air Prod, alors que cette société de production nous a habitués à des jeux bien plus recherchés que celui-ci dans l’ensemble.
Certes, on s’est un peu moqué de la complexité des règles de Volte-Face au premier abord ; mais j’ai beaucoup de respect pour la recherche et la réflexion qu’il y a eu derrière l’élaboration de celles-ci, ainsi que du programme de façon générale. Et je pourrais également citer des jeux de cette société que je n’ai peu ou pas aimés, comme Tous en jeu ou Chacun son tour, mais pour lesquels je ne peux pas reprocher d’avoir essayé de proposer quelque chose de créatif, même si ça n’a pas très bien marché.
Là où Trouvez l’intrus me donne au contraire l’impression d’avoir été conçu très paresseusement. Sincèrement, sans vouloir me vanter, je pense que je serais assez facilement capable d’imaginer un concept de jeu semblable en une demi-journée. Et, surtout, sans défaut ultra grossier comme ce système de champion…
Et on verra la prochaine fois un autre jeu avec une mécanique convenue et des ambitions assez faibles, mais mieux exécuté et faisant tout de même preuve d’un peu plus de créativité que ça…