Parlons d’une case dont je vais probablement être amené à parler assez souvent : le début d’après-midi de France 3. Si elle s’est stabilisée depuis plusieurs années avec Météo à la carte (qui parle un peu de tout, et occasionnellement de météo…) lancé en 2012, elle aura eu beaucoup de mal à se trouver avant ça. La solution par défaut de France 3 en attendant mieux aura surtout été la programmation de vieilles séries en rediffusion type Inspecteur Derrick (d’ailleurs, vu les révélations sur le passé nazi de son acteur principal en 2013, heureusement que France 3 a fini par trouver autre chose pour meubler la case…) ; mais ça n’aura pas empêché la chaîne d’oser quelques tentatives un peu plus ambitieuses de temps en temps, avec notamment du jeu TV. Mais ces tentatives n’auront malheureusement jamais été récompensées…
Et à ma connaissance, le jeu d’aujourd’hui est probablement celui qui a eu l’une des meilleures longévités sur cette case, alors qu’il a duré à peine plus d’un an… et encore, moyennant un « ajustement » dont je parlerai juste après. Mais c’est dire à quel point ces jeux n’ont vraiment pas eu de chance, étant donné que leur durée de vie dépassait rarement les quelques mois (voire les quelques semaines, parfois…). Bon, le mini-lot de consolation que je peux avoir à ce sujet, c’est que ça reste le meilleur jeu (à mon sens) qui a eu droit à la meilleure longévité parmi les différentes tentatives effectuées.
Télé la question est un jeu lancé en 2004, adapté du format états-unien That’s the question, lui-même inspiré d’un format néerlandais. Qui a connu deux versions francophones à ma connaissance : une version française, et une version suisse. La version suisse a eu beaucoup plus de succès que la française, visiblement, puisqu’elle a continué à exister dans les années 2010/2020 ; alors que, par chez nous, dès février 2005, le jeu a mis la clé sous la porte.
Et, à mon sens, il ne le méritait pas. Voyons plus en détail pourquoi.
Précisions sur le côté régional et les déclinaisons…
Avant de commencer la critique, il faut que je précise une chose : ce jeu a la particularité d’avoir connu d’abord une version nationale, présentée par Virginie Daviaud, durant ses trois premiers mois d’existence ; puis d’avoir été décliné en cinq versions régionales (Rhône-Alpes Auvergne, Paris Ile-de-France Centre, Grand Ouest, Grand Est et Sud-Ouest) à partir du 28 mars 2005.
Pour France 3, c’était une façon d’appuyer son rôle de chaîne des régions et de pouvoir mutualiser les coûts ; pour le spectateur… ça jouait surtout sur les questions posées et l’animateur/animatrice.
Bon, je dois vous avouer que, l’émission étant quelque peu tombée dans l’oubli, je n’ai pu retrouver que cinq émissions (gentiment mises à disposition par un téléphile que je remercie grandement) de la version Grand Ouest, présentée par Sylvie Denis. Je ne me pencherai donc pas sur le style d’animation, qui aura probablement différé selon la version régionale.
Pour les questions, en revanche, ça tenait surtout au fait qu’une majorité des questions posées avait une réponse en rapport avec la région en question. Pour la version Grand Ouest, donc, j’ai eu droit à un certain nombre de questions en rapport avec la Bretagne, les Pays de Loire ou la Normandie ; là où la version Paris Ile-de-France Centre avait sans doute eu droit à des questions en rapport avec… Paris, l’Ile-de-France ou le Centre.
Je pense néanmoins que chaque version devait garder la même mécanique, et que même si je n’ai pu rattraper que la version Grand Ouest, celle-ci me suffira très probablement à pouvoir juger la mécanique du jeu dans son intégralité.
Même le jeu audiotel ne propose que des questions en rapport avec la région concernée.
Et déjà, je vais faire une légère critique au sujet du côté dispensable de ces déclinaisons régionales…
Bon, c’est tout à l’honneur de France 3 de proposer une programmation en rapport avec les régions et de représenter la diversité de la France à ce niveau-là, je ne le conteste pas. Mais je suis quand même un peu sceptique sur l’intérêt d’appliquer ce genre de thématisation sur ce genre de programme.
A la base, le concept de Télé la question n’a pas spécialement vocation à se prêter à des questions thématiques ; et on voit d’ailleurs que le jeu ne va pas jusqu’au bout de sa logique, puisque le côté régional ne concerne qu’une partie des questions. En fait, il y a deux catégories de questions (que je détaillerai un peu plus loin) : les questions rapides et les énigmes, et le côté régional ne concerne que cette seconde catégorie, en partie. Vu le grand nombre de questions posées au total, c’était de toute façon illusoire de faire en sorte que l’intégralité de celles-ci ne répondent à un thème commun.
Un autre problème vient du découpage régional. La France a une certaine diversité régionale, avec même certaines régions dont l’identité est davantage affirmée ; mais le jeu n’était divisé qu’en cinq « grandes régions ». Donc ça englobait forcément des questions portant sur les régions voisines, qui n’ont pas forcément d’identité commune.
Par exemple, pour la version Paris Ile-de-France Centre, qu’est-ce qui justifierait spécialement qu’un habitant du Centre – Val-de-Loire doive savoir répondre à une question sur Paris ? Pour la version Grand Ouest, est-ce qu’un habitant de la Normandie devrait être incollable sur les Pays de Loire ? Pour la version Grand Est, il faudrait qu’un Alsacien connaisse bien le Nord – Pas-de-Calais, et vice versa ? Ca n’a pas vraiment de sens.
A ce stade, si on tenait vraiment à appuyer le côté « terroir » de la France, autant rester sur une version nationale, avec une variété de questions portant sur les différentes régions…
Bon, tout cela n’a cependant pas altéré mon plaisir de visionnage, ni la qualité de la mécanique globale du jeu ; toutefois, cette division régionale m’a laissé plus perplexe qu’autre chose.
Le concept
Parlons plutôt du principe de jeu, qui est pour moi l’un de ses points forts.
Dans TLQ, il faut deviner des énigmes, sous la forme de questions, que les candidats devront trouver. La réponse à cette question est dévoilée d’office dans la manche 1.
Pour dévoiler les questions (pour des raisons de clarté, je vais désormais appeler « énigmes » les questions qu’il faut trouver, bien que ce terme n’était pas officiellement employé dans l’émission), les candidats devront gagner des lettres, en répondant à des questions rapides.
La réponse est « viticulture ». Aux candidats de trouver la question.
Durant la première manche, tour à tour, les deux concurrents vont devoir buzzer à un moment précis. Une fois le buzz effectué, certaines lettres vacantes de l’énigme sont surlignées. L’animateur.trice pose alors une question rapide, qui permettra au candidat dont c’est le tour de remporter autant de points que d’occurrences de la lettre dans l’énigme, s’il a la bonne réponse. S’il ne l’a pas, il ne remporte aucun point, mais la lettre est quand même dévoilée dans l’énigme.
Une question rapide se présente sous la forme d’une question posée par l’animateur.trice, accompagnée d’un ensemble de lettres. Cet ensemble de lettres, remis en ordre, donne la réponse à la question, et dévoile une lettre, qui ne fait pas partie de la réponse, et qui va s’ajouter à l’énigme.
Par exemple : « Quelle est la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? » avec les lettres CNAOLB : la réponse est BLANC ; la lettre O n’en faisait pas partie, et est donc une lettre qui va être dévoilée dans l’énigme.
5 lettres à trouver : 5 points en jeu sur cette question rapide. On cherche ici un footballeur…
La réponse était donc « David Beckham ». La lettre L ne servait donc à rien, c’est donc elle qui a été rajoutée dans l’énigme.
Les questions rapides s’enchaînent. A la fin du tour de chaque candidat, si celui-ci pense avoir l’énigme, il dit « Je fais une proposition » avant que la main ne passe, et formule l’énigme.
S’il formule l’énigme correctement, il remporte autant de points que de lettres manquantes dans l’énigme.
Une fois l’énigme trouvée, le candidat peut remporter 5 points de plus en résolvant une énigme rapide, consistant à trouver le nom d’une ville à partir d’une anagramme, d’une photo, et de quelques indications données par l’animateur.trice. Un petit bonus plutôt sympathique pour le candidat, même s’il n’appuie pas particulièrement la mécanique globale de jeu, et semble surtout là pour justifier la dimension régionale (mais bon, ça, j’en ai déjà parlé…).
Bon, au cas où vous auriez besoin d’un indice supplémentaire, comme on est sur la version Grand Ouest, cherchez un lieu en Bretagne, Pays de Loire ou Normandie.
(Au fait, si vous vous posez la question, le compteur à gauche est un chronomètre de 10 secondes)
La première manche consiste en une succession d’énigmes, jusqu’à ce que le temps imparti à celle-ci ne soit écoulé.
Dans ce cas, l’énigme en cours est jouée de façon rapide, avec les lettres qui sont automatiquement ajoutées, et les candidats qui doivent buzzer pour tenter de la trouver.
C’est un principe qui n’est pas vraiment inédit : dans un sens, il rappelle un peu La roue de la fortune, où là aussi, on dévoile une énigme (c’est peut-être un peu pour ça aussi que j’ai employé ce mot pour désigner les questions de TLQ…) avec des lettres ajoutées au fur et à mesure ; si ce n’est qu’ici, on remplace les tours de roue par des questions et des anagrammes. Et personnellement, je trouve ça excellent. C’est un concept auquel il fallait penser.
J’irais même jusqu’à dire que je le préfère à celui de La roue de la fortune, dans la mesure où il est plus rythmé, un peu moins hasardeux, permet également un peu plus de stratégie et souffre légèrement moins de défauts conceptuels (du moins en manche 1, la manche 2 y étant malheureusement davantage sujette… j’y reviendrai).
Le côté stratégique vient du fait qu’on peut déduire les réponses aux questions rapides aussi bien avec les anagrammes données qu’en trouvant la réponse naturellement ; mais aussi, on peut trouver la lettre en trop en s’appuyant sur l’énigme. Bon, ça nécessite quand même une analyse très rapide, le jeu se déroulant sans temps morts, mais j’aime bien l’idée.
Autre point fort du jeu : son rythme. Les questions s’enchaînent très vite, ce qui fait que d’une part, on ne s’ennuie pas, car on est constamment en train de réfléchir ; et d’autre part, on peut aussi bien suivre les questions rapides que réfléchir sur l’énigme.
D’ailleurs, pour les candidats, en plus de mettre en avant leur culture générale, ça leur demande une certaine vivacité : en effet, eux doivent se concentrer à la fois sur les questions rapides et sur l’énigme, pour tenter de faire une proposition au moment opportun. On peut aussi ajouter le fait d’appuyer au bon moment au buzzer, pour maximiser le nombre d’occurrences en jeu, et donc le nombre de points.
Peut-être même qu’on pourrait dire que le jeu est un peu trop rythmé, vu le nombre de choses à faire en un temps assez restreint… mais personnellement, ça ne me dérange pas. Ca accentue le côté soutenu, aussi bien au niveau du rythme que des qualités requises pour les candidats.
Le problème du passage de main…
La manche 2 conserve le même principe que la manche 1, avec là encore des énigmes qui se dévoilent progressivement sur le même principe, et une question bonus avec une reconnaissance de ville à la fin de celles-ci. En outre, à la fin du temps imparti à la manche 2, l’énigme en cours se joue elle aussi à la rapidité.
Mais cette manche propose quelques différences notables avec la précédente.
Premièrement : la réponse à l’énigme n’est pas dévoilée d’office, il faudra la compléter comme le reste de l’énigme, en rajoutant les lettres au fur et à mesure.
Deuxièmement : le calcul des points est doublé par rapport à la première manche. Chaque occurrence de lettre vaut à présent 2 points au lieu d’un seul, et le nombre de lettres manquantes une fois la proposition faite est multiplié par 2.
Troisièmement : les villes à trouver après les énigmes disposent d’une lettre en trop dans leur anagramme, à l’instar des questions rapides.
Et quatrièmement : cette fois-ci, les candidats ne jouent plus au tour à tour en alternant les questions ; ils gardent la main, tant qu’ils ne donnent pas de mauvaises réponses aux questions rapides.
Pas de réponse donnée à l’énigme cette fois-ci, il faudra la déduire comme le reste.
Si j’approuve les trois premières différences, qui permettent d’appuyer la montée de niveau au fur et à mesure que le jeu avance, je suis en revanche beaucoup moins fan de la quatrième.
En fait, le problème est le même que pour Motus ou LRDLF : il suffit qu’un candidat « décide » de ne jamais laisser la main, pour que son adversaire soit totalement impuissant. Parmi les émissions que j’ai retrouvées, il est déjà arrivé qu’un candidat joue entièrement la manche en question après l’avoir commencée, et que l’autre ne puisse absolument rien faire…
Et c’est très frustrant, d’autant plus qu’il n’y a, à ma connaissance, pas vraiment de logique pour désigner qui commence la manche (là où, pour la finale de Tout le monde a son mot à dire qui a un principe semblable, celui qui commence est désigné de façon plus « juste », i.e. celui qui a eu le plus de points auparavant).
En fait, je trouve que le jeu aurait tout simplement pu faire jouer les candidats au buzzer, puisque celui-ci est déjà utilisé pour choisir les occurrences à remplir. Il aurait très bien pu permettre, en plus de ce rôle-là, de désigner le candidat qui prend la main et répond à la question rapide.
La finale
A l’issue des deux premières manches, c’est le candidat qui a accumulé le plus de points qui part en finale.
N’ayant plus de concurrence, l’ennemi du candidat sera cette fois-ci le temps : en effet, il disposera de 90 secondes pour tenter de trouver le plus de lettres possible dans l’énigme.
Le principe est toujours le même que précédemment : le candidat buzze pour « figer » les instances de lettres qui vont s’afficher, puis doit répondre à une question avec une réponse sous forme d’anagramme.
En revanche, cette fois-ci, les instances resteront figées tant que le candidat n’a pas répondu correctement à une question ; dans tous les cas, la lettre sera donc débloquée (sauf si on arrive à la fin du chrono), mais le fait de donner une mauvaise réponse ou de passer fera donc perdre du temps au candidat pour remplir le reste de l’énigme.
Notez au passage l’évolution de la colorimétrie du décor et de l’habillage au fur et à mesure de l’avancée de l’émission : jaune pour la manche 1, orange pour la manche 2, puis rouge pour la finale.
A l’issue des 90 secondes, l’énigme est donc remplie avec le maximum de lettres que le candidat a pu trouver.
Il dispose alors de 10 secondes pour énumérer l’énigme, et en donner la réponse. Réponse qui, elle, n’a pas été dévoilée au fur et à mesure cette fois-ci, et pour laquelle le candidat devra donc faire appel à sa culture générale seule.
S’il y parvient, il remporte 250 euros (… les gains des jeux de France 3, messieurs-dames !), sinon un cadeau à l’instar de son concurrent. Après, comme c’est un jeu à champion, avec une limite de 5 participations, le candidat peut donc revenir pour tenter de gagner davantage… d’autant plus qu’à la cinquième victoire, il remporte une cagnotte qui grimpe de 100 euros par émission. Le système Questions pour un champion, quoi.
Je n’ai pas grand-chose à rajouter au sujet de la finale, qui vient conclure de façon tout à fait correcte l’émission, en restant dans la même veine, avec une même bonne gestion de ce que ce jeu réussit le mieux, à savoir son concept et son rythme.
Total : 15/20
Télé la question est un jeu très sous-estimé, qui aurait mérité une meilleure visibilité en France, à mon avis.
Si la manche 2 me gêne un peu avec sa mécanique de passage de main, le jeu parvient tout de même à compenser assez largement ce défaut par ses autres qualités : un concept plutôt frais et bien trouvé, interactif, faisant appel à la vivacité et à la culture générale des candidats, et très rythmé.
Et pour la prochaine fois, on va traiter un autre jeu dont la spécificité est de deviner les questions… qui date d’ailleurs de bien plus longtemps.