Vous connaissez certainement le système de spin-off : lorsqu’un concept a du succès, on a envie de surfer dessus ; et on imagine un produit dérivé du matériau de base, qui en profite généralement pour faire quelque chose de plus ou moins différent. Par exemple, la série NCIS : Enquêtes spéciales a donné (ou va donner) naissance à… plein de séries spin-offs, comme NCIS : Los Angeles, NCIS : Nouvelle-Orléans, NCIS : Hawaii, NCIS : Sydney, NCIS : Origins et NCIS : Tony & Ziva (punaise, je ne pensais vraiment pas que cette franchise était aussi prolifique avant de consulter la page Wikipédia, j’en étais resté à NCIS : Los Angeles moi…) ; et le plus cocasse, c’est que la série mère (Enquêtes spéciales) est elle-même le spin-off d’une autre série (la série JAG) !
Mais comme on est ici pour parler de jeux TV, on va parler de jeux TV. En fait, j’ai déjà eu l’occasion de parler de spin-offs depuis le temps, notamment avec Questions pour un super champion, Le grand Slam, Les associés du week-end, ou encore la version TV du Jeu des 1000 euros. Bien sûr, la France n’a pas le monopole de cette pratique, et on peut trouver de tels formats dérivés outre-Manche. Notamment avec The Chase, que je viens juste de traiter, dont est issu le spin-off Beat the Chasers.
Cependant, si j’ai décidé de traiter séparément Beat the Chasers de son format d’origine, c’est parce que sa mécanique est assez différente ; même si elle reste dans le même état d’esprit. On a toujours une confrontation entre un camp de challengers et un camp de champions, mais qui se fait cette fois-ci d’une façon différente.
Le format étant plus court, la critique le sera également. Mais j’ai trouvé que ça valait tout de même la peine d’en parler. Et puis, si je peux à nouveau mettre en avant un format asymétrique où le challenger n’est pas lésé de façon abusive, histoire d’enfoncer le clou sur notre incapacité à le faire en France…
Le Cash Builder (et le côté théoriquement feuilletonnant…)
Première chose qui distingue Beat the Chasers de The Chase : le format devient théoriquement feuilletonnant. Comprendre par là qu’à l’instar de QVGDM ou 1 contre 100, une partie peut se dérouler à cheval entre deux émissions ; même si ce n’est pas très souvent arrivé.
En fait, ça s’explique par le fait qu’une partie de Beat the Chasers est beaucoup plus courte ; mais, aussi, qu’elle peut prendre fin de façon particulièrement expéditive. On va voir pourquoi tout de suite.
La partie démarre avec le candidat (qui va jouer en solo, il ne sera pas question d’équipe ici… du moins, pas pour les challengers) qui arrive sur le plateau ; et qui va entamer un Cash Builder, à l’instar du jeu d’origine.
Mais cette fois-ci, le Cash Builder ne se déroulera pas de la même façon ; en effet, il n’est pas question ici d’un maximum de réponses à donner en 60 secondes. Cette phase prendra au maximum 5 questions, toujours avec 1 000 £ par bonne réponse à la clé. Le maximum possible durant cette manche est donc de 5 000 £.
En outre, les questions sont des QCM à 3 propositions de réponse, sur lesquelles le candidat peut prendre tout son temps (enfin… pas trop longtemps quand même, il n’y a pas que Beat the Chasers de diffusé sur ITV). Ce qu’il a intérêt à faire ; car les mauvaises réponses ne pardonnent pas. En effet, dès que le candidat donne une mauvaise réponse, la manche s’arrête, et sa cagnotte est fixée avec le montant qu’il a réussi à accumuler.
Ce qui est également valable pour la toute première question. Donc, si le candidat ne répond pas correctement à celle-ci : eh bien, il est directement éliminé, merci au revoir !
Whoa, on tient un concurrent sérieux à La Cible en matière d’élimination éclair potentielle pour les candidats qui ont le malheur de ne pas du tout être inspirés par la première question ! Bon, certes, bon nombre de jeux à la QVGDM font ça, j’en conviens… mais tout de même, la plupart d’entre eux mettent des jokers en place pour donner une chance au candidat.
Ici, en revanche… j’aurais quand même trouvé un peu plus juste qu’on pose les 5 questions au candidat quoi qu’il arrive, quitte à l’éliminer s’il n’a rien trouvé du tout. Ou, au moins, qu’on accorde un droit à l’erreur au candidat, si on tient à conserver un Cash Builder n’allant pas forcément jusqu’au bout.
Bref. Si le candidat n’a pas été éliminé dès la première question, il peut passer à la suite avec l’argent accumulé.
Let’s chase !
Cette fois-ci, le challenger devra affronter non pas un champion; mais de 2 à 6 champions (5 pour les saisons 1 à 3), présents en face de lui (et, bien évidemment, perchés sur leur balcon).
Dans un premier temps, deux champions sont tirés au sort ; et ceux-ci lui font une proposition sur les conditions dans lesquelles les battre.
Puis un troisième champion sort de l’ombre, et fait une nouvelle proposition, correspondant aux conditions dans lesquelles le battre, lui et les deux champions tirés au sort précédemment. Puis un quatrième champion sort de l’ombre, et fait de même ; puis un cinquième champion.
Le sixième, en revanche, ne sort de l’ombre et fait sa proposition que lorsque le challenger a fait un sans-faute sur son Cash Builder ; auquel cas, il proposera une offre beaucoup plus juteuse, mais également beaucoup plus risquée. On en reparlera plus loin.
Les propositions ne sont pas faites au hasard ; puisqu’à l’instar du jeu d’origine, les champions auront pu jauger le challenger durant le Cash Builder (même si je trouve personnellement que ça marche un peu moins bien qu’avec le système du jeu de base, où le candidat est soumis au stress du chrono).
Mais avant d’expliquer en quoi consistent ces propositions, il faut que je présente la mécanique de cette manche ; qui est très différente de ce qu’on a connu dans The Chase (mais beaucoup plus proche de jeux que nous connaissons par chez nous).
Cette fois-ci, chaque camp dispose d’un capital temps ; et le but de chaque camp est qu’il ne tombe pas à zéro.
Le challenger dispose de 60 secondes ; quant aux champions, ça dépendra de la proposition acceptée.
En fait, chaque proposition comporte :
- Le nombre de champions que le candidat devra potentiellement affronter ;
- Le capital temps dont ils disposeront ;
- Le montant que le candidat peut potentiellement gagner s’il arrive à les battre.
Bien sûr, plus le nombre de champions à affronter est élevé, et plus leur capital temps est élevé, plus les offres monétaires seront intéressantes. La proposition la moins risquée permet de jouer directement pour le montant accumulé lors du Cash Builder ; qui paraîtra forcément plus faible par rapport aux propositions des champions. Aussi, cette proposition n’a été choisie que très rarement.
Puis une fois que le candidat a choisi sa proposition, la confrontation commence.
La mécanique est toute simple : c’est celle de la demi-finale de Crésus (ou des 12 coups de midi, pour ceux qui ont moins bon goût). Comprendre par là que le chronomètre du challenger démarre, et qu’il a besoin de donner une bonne réponse pour l’arrêter, et activer le chronomètre de ses adversaires. Idem pour les adversaires, dont le chronomètre continuera à défiler tant qu’ils n’auront pas donné une bonne réponse à leur tour, et qu’ils n’auront pas refilé la patate chaude au challenger. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’un des deux camps n’ait son capital temps totalement épuisé.
Si ce sont les champions qui arrivent à zéro, le challenger remporte l’argent associé à la proposition. Sinon, il repart les mains vides.
L’originalité, ici, c’est que le challenger et les champions ne démarrent pas avec le même chronomètre ; et ces derniers disposent d’un capital temps forcément moins élevé (sauf cas moins fréquent où le challenger aurait débloqué et choisi la proposition à 6 champions ; on en reparlera plus loin).
Donc, théoriquement, si le challenger fait un sans-faute absolu, ça ne laisse aucune chance aux champions. A nouveau : ça me fait jubiler de voir un format où ce sont les champions qui peuvent potentiellement ne faire que subir une excellente performance de la part de leur adversaire.
Après, oui : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ; et c’est également valable pour les challengers lorsque ceux-ci ont l’avantage. Effectivement, l’un des rares candidats à avoir accepté l’offre la plus basse, et qui a remporté 1000 £ sans grande difficulté, n’avait pas trop de quoi se la ramener à ce sujet ; car, comme l’avaient dit certains spectateurs, beaucoup de gens peuvent se targuer de battre Usain Bolt au 100 mètres quand on les fait partir avec 24 secondes d’avance. Bref, les cas les plus intéressants restent tout de même ceux où les challengers prennent davantage de risques.
Mais bon, il ne faut pas croire qu’avec seulement 3 champions disposant de plus de 20 secondes en moins, la partie sera forcément gagnée (d’ailleurs, même avec seulement 2 champions et 25 secondes en moins, ça a déjà été perdu par un challenger…). Les statistiques ont montré que ce n’était pas rare de voir les challengers échouer avec des propositions censées être plus faciles… à nouveau, s’ils n’arrivent pas à maintenir leur avance, les champions ont tout le loisir de les rattraper.
Au passage, cette fois-ci, pour déterminer qui répond aux questions en cours de partie, c’est exactement l’inverse de la finale de The Chase : le challenger répond directement aux questions, et c’est aux champions de buzzer avant de proposer une réponse.
Bon, vu ce que je disais dans mon article précédent, sur le fait que ce n’était pas forcément un avantage d’être à plusieurs avec cette mécanique (car ça faisait potentiellement perdre du temps) ; ça veut donc dire que c’est au tour des champions d’être désavantagés, n’est-ce pas ?
En fait… non. Le truc, c’est que cette mécanique ne désavantage finalement que les cas de figure où personne n’a d’idée de la réponse, et que le groupe perd de précieuses secondes à se décider à finalement passer la question ; mais si c’est le genre de chose qui est susceptible d’arriver fréquemment aux challengers, j’imagine en revanche beaucoup moins les champions avoir tous une colle en même temps, surtout s’ils sont 5 ou 6 à jouer. Donc, là, pour le coup, je pense que c’est bel et bien un avantage incontestable pour eux d’être plus nombreux.
De fait, je n’ai finalement pas de problème avec l’équilibrage de cette manche.
A l’exception d’un cas particulier, dont on va parler plus en détail…
L’ombre du syndrome TLMVPSP ?
Revenons sur le fameux cas de figure où le challenger fait un Cash Builder irréprochable, en donnant les 5 bonnes réponses.
A partir de la saison 4, il débloque une cinquième proposition de la part des champions : s’il l’accepte, il devra non seulement les affronter tous les six ; mais, de plus, ils disposeront eux aussi d’un chronomètre complet de 60 secondes. En contrepartie, le gain en jeu sera beaucoup plus juteux que dans les autres cas.
Pour vous faire un ordre d’idée, une seule candidate a débloqué et joué cette cinquième proposition à 6 champions ; et elle jouait alors pour 500 000 £. Pour information, la proposition à 5 champions ne monte généralement pas au-delà de 120 000 £ (et la plupart du temps, elle ne dépasse pas 100 000 £). Donc, oui, sur le papier, ça peut vraiment avoir un intérêt d’accepter la proposition la plus difficile !
Mais en pratique… il vaut clairement mieux éviter, car c’est celle qui montre le plus les limites de l’équilibrage des règles.
En effet, imaginons le scénario idéal, où les champions disposent de 60 secondes comme le candidat, et font un sans-faute absolu. Le candidat fait également un sans-faute absolu de son côté. Mais comme c’est lui qui commence, et qui voit donc son chronomètre démarrer en premier… eh bien, il sera lésé quoi qu’il arrive.
Et là, le jeu bascule d’un seul coup dans l’un des travers que je hais le plus dans les jeux TV : le syndrome TLMVPSP, où le challenger peut n’avoir strictement aucune chance de gagner à cause d’un camp adverse qui fait la meilleure performance et de règles en sa faveur.
D’ailleurs, spoiler : la fameuse candidate qui avait tenté cette offre a perdu. Certes, il restait encore 29 secondes au chrono des champions, donc elle n’a pas été victime du problème de mécanique ; mais, techniquement, ça aurait très bien pu arriver. Toujours imaginer les cas extrêmes pour s’assurer de la solidité de sa mécanique.
Bon, quelque part, je comprends pourquoi on balance directement un chrono à 60 secondes pour les champions ; car, symboliquement, c’est ce qu’il y a de plus puissant… mais là, le jeu a semblé oublier qu’il reposait sur une mécanique asymétrique, et qu’il se devait de l’équilibrer le mieux possible pour qu’elle puisse tenir la route.
Aussi, pour corriger ça, il aurait fallu proposer soit un chronomètre à maximum 55 secondes (environ le temps que le challenger puisse répondre correctement à sa première question) ; soit laisser exceptionnellement les champions commencer (oui, théoriquement, s’ils se plantent sur toutes les questions, le challenger gagne sans avoir eu besoin de faire quoi que ce soit… mais, franchement, vous n’allez pas me faire croire qu’à six grands champions, c’est possible de se foirer aussi lamentablement).
Mais bon, en dépit de ce syndrome TLMVPSP qui me hérisse le poil… ça ne me fait pas subitement détester Beat the chasers, et je ne dégraderai pas significativement la note du jeu pour autant. Car le challenger a toujours la possibilité d’accepter une offre moins risquée, avec un montant assez honorable, qu’il aura toujours théoriquement la possibilité de gagner.
Finalement, le principal tort du programme à ce niveau-là, c’est plutôt d’avoir proposé un miroir aux alouettes en guise de gain “maximal”. Ce qui est un défaut que je trouve certes assez irritant lui aussi, mais quand même nettement moins injuste que le syndrome TLMVPSP.
Une petite pensée vagabonde avant de conclure
Le spin-off de The Chase semble avoir connu son petit succès ; car il a eu droit à plusieurs saisons. Et, au sein de celles-ci, quelques épisodes sont des “celebrity specials”, i.e. des épisodes avec des people qui remplacent les candidats, au profit d’associations qu’ils représentent bien sûr.
Ce que je trouve… très inadapté pour ce genre de jeu ; d’autant plus que ce n’est pas comme les saisons people-centrées du Club des Invincibles, où les champions défendent eux aussi une association. Là, les champions ne défendent rien du tout, si ce n’est les intérêts de la production pour qu’elle n’ait pas à dépenser des mille et des cents.
Cela dit, je note quand même qu’en termes d’aspect compétitif, le programme n’en pâtit heureusement pas. Ça ne me dérange pas qu’ils aient des répliques beaucoup moins cassantes dans ce contexte, et qu’ils soient plus bienveillants avec les célébrités ; mais ça m’aurait vraiment dérangé d’avoir des émissions en carton, avec des champions qui auraient volontairement joué un peu trop gentiment sous prétexte qu’on joue pour des associations.
En outre, contrairement aux épisodes avec les anonymes, les célébrités sont toujours assurées de repartir avec un minimum syndical (1 000 £) en cas de défaite. Mais du coup, ça les fait quand même passer pour les “méchants” de l’histoire, non ?
Après, puisque j’ai fait la comparaison avec les saisons people-centrées du Club des invincibles ; au cas où vous vous demandiez ce que je préférais entre celle-ci et les “celebrity specials” de Beat the Chasers, je vous répondrai la seconde option sans hésiter… tout simplement car elle est beaucoup plus rapide et plus fluide à suivre.
En termes de ressenti, je ne ressens aucune différence entre un épisode de Beat the Chasers avec des people et un avec des anonymes ; là où je m’ennuie beaucoup plus avec un épisode de 2 heures du Club des invincibles où l’on voit les people faire des vannes très régulièrement.
Total : 13/20
Bon, quelque part, je reconnais que Beat the Chasers a un côté très “express” dans son exécution, vu que ses parties n’ont pas grand-chose à envier en termes de durée à un épisode de 30 000 euros chrono. Ce qui n’est pas forcément un défaut, mais qui n’aide pas trop à rester tenu en haleine d’une façon aussi prenante que l’émission mère The Chase, avec son déroulement global qui rend la finale aussi délicieuse.
Mais en tant que format spin-off, c’est plus que correct. A nouveau, j’apprécie vraiment la créativité des producteurs, qui ont imaginé un format spin-off avec des règles très différentes du format de base, qu’on pourrait très bien regarder indépendamment au cas où on n’aimerait pas The Chase (enfin, sauf pour ceux qui sont allergiques aux grands champions eux-mêmes, certes) ; là où j’imagine mal quelqu’un qui n’aime pas Questions pour un champion ou Slam s’intéresser à Questions pour un super champion ou au Grand Slam. Et j’irais même jusqu’à dire que, pour ceux qui ne connaissaient pas The Chase avant de regarder Beat the Chasers, ça pourrait les inciter à découvrir le format d’origine, s’ils ont été séduits par le côté « confrontation asymétrique face à des grands champions qui tient la route » (là où la version TV du Jeu des 1000 euros est tellement inintéressante et ni faite ni à faire, que j’ai vraiment du mal à voir comment elle pourrait rameuter des gens sur la version radio)…
Bien, à présent qu’on a vu des candidats se faire poursuivre par des grands champions, la prochaine fois, on les verra se faire poursuivre par quelque chose de plus… matériel.