Suite de l’article précédent sur la gestion des enjeux dans les jeux TV.
L’enjeu de cette partie-là sera d’établir un panorama des différentes façons dont les producteurs et diffuseurs peuvent procéder, afin de maîtriser les dépenses sans que ça ne se remarque trop… enfin, ça dépend des cas de figure. Pour certains, on va voir qu’on prend quand même un peu le téléspectateur pour un jambon…
Le partage des gains avec un spectateur
On va commencer par une technique que j’ai bien souvent déplorée dans mes critiques : le partage des gains du candidat avec un téléspectateur…
Ca a notamment été la spécialité de TF1 dans beaucoup de jeux (APOAL, 1 contre 100, Au pied du mur, C’est déjà Noël…) ; mais aussi plus ponctuellement de France 2 (Joker) et M6 (Êtes-vous plus fort qu’un élève de 10 ans ?).
Bon, je me suis déjà assez largement exprimé là-dessus, vous savez ce que j’en pense. Ça me dérange en particulier que ces émissions aient recours à un abus de langage assez grossier, en disant qu’il y a (par exemple) 200 000 € à gagner, alors qu’en réalité les candidats présents sur le plateau ne peuvent prétendre qu’à la moitié.
Cependant, vous vous doutez bien que si les diffuseurs font ça, c’est qu’ils y trouvent un intérêt.
Et cet intérêt, c’est tout simplement de faire appeler les spectateurs via un numéro surtaxé, afin de générer davantage de recettes. Plus le montant en jeu est potentiellement élevé, plus ça donne envie d’appeler.
Et on pourrait certes juste diviser les montants théoriques par deux, en indiquant aux spectateurs qu’ils peuvent tenter de remporter la même chose ; mais, psychologiquement, ça doit être moins efficace de dire “Pour remporter jusqu’à 100 000 €” plutôt que “Pour partager jusqu’à 200 000 €”, j’imagine…
Donc, forcément, c’est plus avantageux pour les décideurs que le gain en jeu ne revienne pas intégralement aux candidats ; puisque les candidats ne génèrent pas de profits…
Les systèmes de cagnotte qui montent progressivement
Certaines émissions instaurent un système de cagnotte, qui fait office de gain maximal pour le candidat.
Dans celles-ci, la cagnotte est initialisée à partir d’un montant fixé ; puis, tant qu’elle n’est pas remportée, augmente d’un certain montant à l’émission suivante. Ce fut le cas notamment de Motus, L’or à l’appel, La Cible, Le Coffre, Pyramide (pendant la majorité de sa diffusion dans les années 90-début 2000), et Questions pour un champion.
En soi, ça reste une technique plutôt efficace pour la production, afin de maintenir son budget. Par exemple, pour un jeu comme La Cible, où la cagnotte était initialisée à 3 000 €, pour augmenter de 500 € par épisode, la production n’avait alors à dépenser que 3 000 € par épisode au maximum ; et ce, même lorsqu’un candidat se retrouvait à gagner 32 000 €, soit plus de 10 fois plus le montant initial de la cagnotte.
Néanmoins, ça pose un problème d’équité entre les gagnants. Celui qui aura gagné 32 000 € n’aura pas plus de mérite que celui qui en aura gagné 6 000 ; c’est juste qu’il aura eu la chance de participer à un moment où la cagnotte était plus élevée.
Mais on peut aussi citer des jeux qui ont profité de leur système de cagnotte… pour faire d’autres économies, par rapport à une situation initiale différente !
C’est le cas de QPUC. Bon, son système de cagnotte a toujours existé (version super champion et primes mis à part), certes.
En revanche, à une époque (jusqu’en 2014), le fait d’enchaîner 5 victoires permettait de remporter le montant de la cagnotte ; mais également un montant fixe de 4 000 €, qui venait s’ajouter à la cagnotte.
Ce montant fixe en supplément a été discrètement supprimé, lorsqu’un candidat avait enchaîné 5 victoires, ce qui n’était plus arrivé depuis un long moment. La cagnotte avait alors atteint 75 500 €, rien que ça ! Alors, oui, on n’était plus à 4 000 € près, certes ; mais ça souligne aussi le côté un peu hypocrite de ce système de cagnotte.
Nonobstant, ça reste une technique efficace pour la production ; mais elle est devenue assez datée.
On la retrouvait notamment jusqu’à la première moitié des années 2000 ; mais, par la suite, on n’y a plus trop fait appel, et les seuls jeux qui y recourent encore sont plutôt des reliquats d’une certaine époque (comme QPUC). Notons toutefois quelques exceptions, comme Un mot peut en cacher un autre version Boccolini, Chacun son tour, ou encore APOAL version Hanouna, dont j’ai parlé plus haut (mais vu que ce jeu n’avait aucune crédibilité, j’ai envie de dire que ça ne compte pas vraiment…).
Aussi, à partir de la seconde moitié des années 2000, et en particulier pendant les années 2010, les décideurs ont de plus en plus privilégié un autre stratagème…
Les systèmes de champion
Ah, on dirait bien que c’est le moment pour moi de faire mon tacle syndical envers TLMVPSP ! … bon, en fait, non, ce serait même plutôt le contraire.
J’en ai déjà parlé dans mon article sur les systèmes de champion, je ne m’attarderai pas trop dessus.
En résumé, ça permet de garantir des gains potentiellement élevés aux candidats, tout en maîtrisant les dépenses par émission. Et ce, d’une façon moins injuste que le système de cagnotte précédemment décrit, puisque les gains du candidat ne dépendent pas du moment où il participe (enfin, sauf si on a un système de champion moisi qui le fait gagner par défaut en cas d’égalité… il fallait que ça sorte, c’est plus fort que moi)
Et si la plupart des jeux ont été créés d’emblée sur ce modèle de champion illimité (ou ont fait sauter leur limite en cours de route comme QPUC…), d’autres ont profité d’une nouvelle version pour l’adopter.
Le cas le plus éloquent est celui de N’oubliez pas les paroles. Dans sa première version, basée sur un modèle à la QVGDM, le gain maximum d’une partie s’établit à 100 000 € ; tandis que, dans son modèle à la TLMVPSP, il n’est que de 20 000 €. En revanche, comme les candidats peuvent cumuler les participations de façon potentiellement illimité, il est devenu possible de remporter davantage que dans la version QVGDM (ce qui est souvent arrivé).
Autre cas de figure : Seriez-vous un bon expert ?, dont la troisième et dernière version avait recours elle aussi à un système de champion illimité, qui permettait de compenser les gains par épisode potentiellement moins généreux de celle-ci.
Et maintenant qu’on a parlé des années 2010, parlons des années 2020…
Le passage direct en prime-time
Depuis le début des années 2020, on a cette (fichue) tendance à balancer directement des nouveaux concepts de jeux en prime-time, quitte à les faire durer deux heures, alors qu’ils n’étaient pas prévus pour une diffusion aussi longue.
Bon, à nouveau, je m’en suis déjà plaint dans la quasi-totalité des critiques des jeux concernés, je ne m’étendrai pas davantage à ce sujet.
En revanche, vous devez vous demander ce que ça vient faire là ; étant donné qu’a priori, que le jeu soit diffusé en prime time ou en access, ça ne change pas grand-chose au niveau des gains. Mieux que ça : comme le prime-time est un créneau davantage regardé, on peut se permettre d’y mettre en jeu des gains plus élevés.
Et je reconnais qu’à ma connaissance, il n’y a aucun cas de figure où, par comparaison avec ce qui s’est déjà fait, on s’est retrouvé avec une gestion des enjeux revue à la baisse. Du moins, si on s’en tient aux diffusions françaises…
Pour ça, je vais citer deux cas de figure : les versions françaises de The Wheel et The Floor (que des The machin truc sous-titre loi Toubon, tiens…).
Je ne m’étendrai pas trop dessus, car j’ai eu l’occasion de parler de leurs stratagèmes dans leurs critiques respectives.
Pour The Wheel, notamment, l’idée est d’enchaîner deux parties consécutives, mais ne récompenser que le finaliste qui aurait réalisé la meilleure performance (en cas de victoire des deux finalistes). Même si je n’ai pas d’autre exemple en tête de jeu qui y recourt, c’est une technique qui pourrait théoriquement être utilisée pour n’importe quel jeu… mais ça reste une technique particulièrement artificielle, qui n’a vraiment rien de glorieux, tant elle appuie vraiment la radinerie des décideurs. Sans compter que dans le cas de The Wheel, dont les règles sont déjà particulièrement bancales à ce niveau-là, ça ne fait qu’enfoncer le couteau dans la plaie…
Le cas de The Floor est plus spécifique, dans la mesure où il repose sur la structure feuilletonnante du jeu. En effet, à chaque fin d’épisode, le candidat contrôlant la plus grande zone remporte un montant fixe. Cette règle est valable pour toutes les versions du jeu.
En revanche, comme la VF de The Floor a moins d’épisodes (mais écrème beaucoup plus de candidats par épisode en contrepartie) ; eh bien, forcément, ça lui fait dépenser d’autant moins d’argent par émission… c’est malin !
Le changement de case horaire
C’est un peu dans le prolongement du point précédent : car si les jeux de prime time sont diffusés sur un créneau davantage regardé et se permettent des enjeux plus élevés, les jeux de day-time doivent composer avec des moyens plus restreints.
En effet, le public présent devant la télévision variant au cours de la journée, les revenus publicitaires seront beaucoup plus lucratifs durant les créneaux où le plus de monde est présent ; et, à l’inverse, ils rapporteront moins en heures creuses.
C’est d’ailleurs pour ça que la plupart des chaînes déploient leurs efforts sur le prime-time et l’access (qui sont les créneaux les plus regardés), et se contentent de balancer 5 ou 6 épisodes d’une ou deux séries multi-rediffusées le reste de la journée.
De fait, quand un jeu change de case horaire, en passant d’une case exposée à une case qui l’est moins, les décideurs vont chercher à faire des économies, parce qu’ils ne voudront pas produire le jeu à perte.
Le cas inverse existe également, même s’il est moins fréquent et assez particulier. A ce niveau, je peux citer N’oubliez pas les paroles, dont les gains maximum passent de 20 000 € (en quotidienne) à 100 000 € pour les déclinaisons en prime-time ; mais c’est un peu particulier, dans la mesure où les gains sont reversés à des associations dans ce cas-là.
Bref, pour en revenir au cas de figure où les gains sont réduits, quelques exemples.
Ainsi, en 2010, lorsque QVGDM était passé de la case de 19h (environ) à celle de 18h (environ), les candidats ont perdu au change.
Alors, certes, la pyramide des gains n’avait pas bougé, et affichait toujours les mêmes valeurs pour les différentes questions. En revanche, TF1 avait appliqué entre temps la stratégie du partage des gains avec le spectateur… les enf*rés.
Et comme je le disais plus haut, c’est une stratégie pour être plus rentable ; car, même si les gains en jeu n’ont visuellement pas bougé, ça permet à TF1 de faire des entrées financières supplémentaires par jeu audiotel. Au détriment du candidat…
Mais là, je viens de parler d’un jeu qui a juste été avancé de 40 minutes. Imaginez, en revanche, pour un jeu qui passe carrément de l’access à la fin de la matinée ou à la mi-journée…
D’ailleurs, pas besoin de l’imaginer, puisque Les 12 coups de midi l’a fait.
Bon, certes, ce jeu a toujours été diffusé à midi (hors spéciales), avec toujours 10 000 € par candidat pour démarrer l’émission.
En revanche, si on compare à Crésus (dont il est le remake), et qui, lui, était diffusé à 18h, on voit bel et bien qu’il y a eu une baisse. En effet, dans Crésus, les candidats ont chacun 50 000 € dans leur cagnotte pour démarrer…
En outre, en cours de route, on peut également citer le fait que, dans Crésus, il y a 5 candidats en début de partie ; alors que pour les 12 coups, si c’était encore le cas au début, il a fini par n’y en avoir plus que 4… donc encore moins d’argent potentiellement gagné dans le cas de figure où le finaliste aurait pris le plus de cagnottes possibles des autres candidats.
Cependant, dans le cas des 12 coups, au moins, le jeu assumait d’avoir une toute autre identité. Et je ne peux pas en dire autant de La roue de la fortune, qui a toujours gardé ce nom-là.
Et qui a d’ailleurs connu à deux reprises la rétrogradation en fin de matinée. La première fois en 1992 ; la seconde en 2012.
Toutefois, le passage en fin de matinée de 1992 n’aura pas eu de conséquence notable sur les gains des candidats. En effet, les cases de la roue sont restées les mêmes ; donc, dans l’ensemble, les candidats n’y ont pas trop perdu au change.
En 2012, en revanche, la baisse de budget a été beaucoup plus frappante. Par rapport à la version Dechavanne, des cases à 50 € ont fait leur apparition, le Filet garni est devenu un simple objet, la Caverne à cadeaux passe d’un maximum de 2 500 € à un maximum de 1 500 €, le Voyage devient un Week-end, le gain maximum en finale passe de 100 000 € à 60 000 € (et encore, si un candidat parvient à tomber sur la case qui le permet, qui est 3 fois plus petite, et entourée de Banqueroutes ; sinon, c’est 30 000 €)…
En fin de compte, TF1 n’aurait jamais dû tenter cette seconde version de fin de matinée, si elle n’avait cette fois-ci pas les moyens de l’assumer. Parce que le comble pour un jeu qui s’appelle “La roue de la fortune”, c’est d’être low-cost…
Et enfin, parlons du jeu où la baisse a été la plus sévère : Mot de passe. Ce n’est pas pour rien que j’ai pris cet exemple-là pour la vignette de cet article…
Ce jeu a connu plusieurs versions, et plusieurs cases différentes. Originellement, il était diffusé en 2009 le samedi en fin d’après-midi ; et il disposait alors d’un gain maximal de 100 000 €.
Par la suite, ce gain a baissé à 50 000 €… sans raison particulière, l’émission n’ayant pas changé de case. Toutefois, on peut dire que c’était lié à un mini-changement de règles, avec un échelon de moins en finale par rapport à la version 100 000 €.
Puis, lorsque France 2 a tenté de mettre le jeu en quotidienne, il est passé à 20 000 €. Bon, ils ont bien tenté de noyer le poisson en disant que 20 000 € par quotidienne, ça faisait 100 000 € par semaine ; mais, franchement… bon, ici, la raison était assez claire : même si la case était probablement un peu mieux exposée que le week-end, la chaîne ne pouvait tout simplement pas assumer un gain maximal de 100 000 € par émission avec une fréquence de diffusion aussi soutenue. D’où cette nouvelle baisse…
Mais ce n’est pas fini. En effet, en 2020, surprise : le jeu revient. Mais cette fois-ci, en fin de matinée, vers 11 heures. Et vous imaginez bien que France 2 ne pouvait clairement pas se permettre de promettre 20 000 € par émission à cette heure-là… de fait, le gain maximal est passé à 2 000 € par émission. Soit un gain maximal 98% plus bas qu’à l’origine !
Et, certes, la version 2020 avait la particularité d’avoir une finale moins punitive, ainsi que de disposer d’un système de champion illimité ; mais tout de même, pour arriver aux 100 000 € qu’on pouvait gagner en une seule partie en 2009, il aurait fallu enchaîner au minimum 50 victoires ! Et encore, en faisant un sans-faute total ; donc en pratique, il aurait fallu encore plus d’émissions pour y arriver !
Je n’en tiens cependant pas trop compte au sujet de cette émission ; dans la mesure où son intérêt réside davantage dans son principe de base que dans sa gestion des gains. Ce jeu n’a pas spécialement besoin d’un gain maximal de 100 000 € pour fonctionner. Mais quand même, les candidats de 2020 ont dû se sentir bien bananés par rapport à ceux de 2009…
Les changements de règles
Dans certains cas, certains jeux profitent d’un changement au niveau des règles, afin de trouver l’occasion de dépenser moins d’argent par la même occasion.
J’ai parlé plus haut de la version 2022 de DCDL, qui est dans cette catégorie ; ainsi que du mini-changement de règles de Mot de passe qui justifiait le passage du gain maximal de 100 000 € à 50 000 €. Parlons ici d’autres exemples.
Questions pour un super champion est un jeu qui dispose d’une certaine particularité : en effet, dans celui-ci, un champion doit impérativement remporter 5 victoires consécutives pour gagner 50 000 €. Mais autrement, il ne remporte rien. Je vous laisse donc imaginer à quel point il doit l’avoir mauvaise s’il perd lors de sa cinquième participation…
Et ça, c’est valable aussi bien pour la première version du programme (pré-2023), que pour sa seconde version (post-2023).
La première version avait cependant une particularité : en effet, le super champion n’avait besoin de jouer que le Face-à-face final à chaque fois. Donc, pour atteindre l’objectif des 50 000 €, il lui suffisait de remporter seulement une partie complète (sa première) ; puis quatre parties très simplifiées, avec seulement des Face-à-face.
Dans la seconde version, en revanche, le super champion n’a aucun passe-droit, et doit à chaque fois remporter la partie complète. Donc, pour atteindre son objectif, il doit cette fois-ci réussir 5 parties complètes… ce qui est évidemment plus difficile, et qui garantit donc à France 3 que les 50 000 € vont tomber encore moins souvent… Voilà voilà…
Autre exemple : Le quatrième duel.
Je ne vais pas trop faire dans le détail, car j’ai déjà fait une critique dessus, où je l’ai souligné ; mais, en résumé, sur les quatre versions du programme, on a eu successivement :
- La première version, où le candidat qui remporte 4 duels de suite gagne 100 000 € ;
- La deuxième version, où le candidat qui remporte 4 duels de suite peut gagner un maximum de 85 000 € ;
- La troisième version, où le candidat qui remporte 4 duels de suite gagne 50 000 € ;
- La dernière version, où le candidat qui remporte 4 duels de suite peut gagner un maximum de 50 000 €.
On voit vraiment la filouterie dans le processus. Non seulement les gains maximum deviennent de plus en plus faibles ; mais, de plus, dans certains cas, le fait de remporter le dernier duel ne garantit même pas de remporter le maximum !
Mais bon, dans le cas du 4e duel, on a quand même essayé de justifier ces baisses de gains par de nouvelles règles. Ce qui n’a pas toujours été fait, comme on va le voir…
Les baisses en mode « Et hop, vous n’avez rien vu »
Enfin, parlons des cas de figure… qui assument tout simplement la baisse de leurs enjeux, en espérant que le public ait oublié qu’on pouvait gagner davantageauparavant.
Et, chose amusante : tous les exemples que je vais citer proviennent de TF1. Insérez ici un commentaire sur la considération du diffuseur pour l’intelligence de son public…
On va commencer par Au pied du mur.
Cette fois-ci, il n’y a pas eu de baisse de gains par rapport à son ancêtre 1 contre 100, le gain maximal étant toujours de 200 000 €… partagés. Mais ils l’étaient aussi bien dans 1 contre 100 qu’Au pied du mur, donc ça ne changeait pas grand-chose. La différence notable entre les deux jeux étant le mode de calcul des gains (dans 1 contre 100, la cagnotte monte à chaque fois qu’un membre du Mur se fait éliminer ; dans APDM, ça fonctionne par seuils de 10 membres) ; mais je ne pense pas que celui-ci ait lésé les candidats outre-mesure.
En revanche, la version 2014 d’APDM en a profité pour moduler l’échelle de gains discrètement, par rapport à celle de 2012. Ainsi, pour les 10 premiers candidats éliminés, la cagnotte passait à 2 500 € en 2012 ; mais en 2014, elle ne passait qu’à 1 000 €… et ce subterfuge a continué pour les paliers suivants, jusqu’à celui des 80 candidats (80 000 € vs. 50 000 €). Ra-dins !
De fait, même si les paliers des 90 et 100 candidats n’avaient pas changé (100 000 € et 200 000 € dans les deux cas), ceux-ci tombaient de toute façon bien plus rarement, et TF1 a donc pu faire des économies en toute tranquillité. De toute façon, qui avait mémorisé par cœur l’échelle de gains de 2012 ?
Cela dit, TF1 a également fait ça de façon beaucoup moins subtile, puisque l’autre jeu qui me vient en tête est QVGDM.
Là, en revanche, compte tenu de sa durée de diffusion initiale durant les années 2000, je pense que beaucoup plus de gens ont gardé en mémoire l’échelle de gains de cette période. En particulier les montants des deux paliers, respectivement de 1 500 € et 48 000 €.
De fait, la modulation des gains lors du retour du jeu en 2019 a été beaucoup plus flagrante… rien qu’en ce qui concerne les paliers, ceux-ci passent respectivement à 1 000 € et 24 000 €. Et il faut attendre la 13ème question pour avoir les mêmes gains que durant les années 2000 (150 000 €, 300 000 € puis 1 000 000 €). Et, à nouveau, comme elle était rarement atteinte, ça n’allait pas mettre les finances de TF1 en péril…
Sinon, je peux aussi parler de la version confinée de 2020, où le second palier passe à 12 000 € et le gain maximal passe à 300 000 €… mais ce serait tirer sur l’ambulance.
Enfin, parlons rapidement du passage de l’année 2001 à l’année 2002, lorsque la France est passée du franc à l’euro.
Je n’en parlerai pas trop en détail ici, car la majorité des jeux est plutôt allée dans le bon sens à ce niveau-là (on en reparle dans l’article suivant) ; cependant, j’ai pu trouver deux exemples qui, eux, allaient plutôt dans le mauvais sens.
Le premier est Le maillon faible.
Vous connaissez le principe : pour chaque manche, tant que les candidats continuent à donner des bonnes réponses de façon successive et sans banquer, ils sont susceptibles de gagner de plus en plus d’argent, selon une échelle affichée pendant toute la durée de la manche.
Échelle dont les montants dépendent de la version. A ce niveau-là, on peut distinguer trois périodes en ce qui concerne TF1 : 2001, 2002-2003 et 2004-2007.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la version 2002-2003 (celle du passage à l’euro) était une belle arnaque pour les candidats. Pour preuve, le tableau comparatif suivant (entre la saison 2001 et les saisons 2002-2003), où j’ai mis en gras le gain le plus avantageux à chaque fois :
Nombre de bonnes réponses successives | Montant en franc (2001) | Montant en euro (2002-2003) | Conversion euro/franc |
9 | 15000 | 2000 | 13119,14 |
8 | 12000 | 1600 | 10495,312 |
7 | 9000 | 1200 | 7871,484 |
6 | 7500 | 900 | 5903,613 |
5 | 4500 | 600 | 3935,742 |
4 | 3000 | 300 | 1967,871 |
3 | 1500 | 200 | 1311,914 |
2 | 750 | 100 | 655,957 |
1 | 300 | 50 | 327,9785 |
Je pense que ça se passe de commentaires : à moins d’avoir des candidats incapables de répondre à plus d’une seule question successivement, ceux qui ont joué à l’époque du franc étaient bien plus avantagés.
Cependant, à partir de 2004, l’émission aura corrigé cette baisse généralisée, en proposant des gains potentiels plus élevés pour la plupart :
Nombre de bonnes réponses successives | Montant en franc (2001) | Montant en euro (2004-2007) | Conversion euro/franc |
9 | 15000 | 5000 | 32797,85 |
8 | 12000 | 4000 | 26238,28 |
7 | 9000 | 3000 | 19678,71 |
6 | 7500 | 2000 | 13119,14 |
5 | 4500 | 1000 | 6559,57 |
4 | 3000 | 400 | 2623,828 |
3 | 1500 | 200 | 1311,914 |
2 | 750 | 100 | 655,957 |
1 | 300 | 50 | 327,9785 |
Vu comme ça, ça paraît déjà un peu plus juste… néanmoins, cette hausse ne concernait que les gains les plus élevés ; et je rappelle qu’on était dans Le maillon faible, et que les candidats n’arrivaient généralement pas à banquer des chaînes de réponses aussi longues. Donc, dans les faits, la revue à la hausse des gains de 2004 n’a pas dû coûter bien cher à TF1…
Et je ne parlerai évidemment pas de la version D8, celle-ci étant dans le cas de figure des baisses assumées décrites il y a quelques paragraphes (certes motivées par le fait que le diffuseur n’a pas autant de moyens que son prédécesseur).
Et le second exemple de passage à l’euro foireux est Attention à la marche. Mais alors, de loin !
En effet, en 2001, juste avant le passage à l’euro, le gain maximal était alors de 100 000 F. Et, juste après celui-ci, le gain maximal est passé à… 10 000 €. Pas besoin de faire un calcul précis pour comprendre qu’on se fout de notre gueule, étant donné qu’un euro vaut quand même assez largement moins que 10 F. Si la production avait voulu continuer à proposer un montant à peu près équivalent, le gain maximum aurait été dans les alentours de 15 000 € ; ce qui aurait fait 98 393,55 F, et qui serait certes resté légèrement inférieur à 100 000 F, mais qui aurait été tout de même bien plus honnête.
En tout cas, ça n’aide clairement pas à améliorer la très mauvaise image que j’ai de ce jeu, ni le fait qu’il me donne l’impression d’être pris pour un imbécile.
Bref, on vient de voir tout un tas de cas de figure où les jeux parvenaient à justifier la baisse de budget, de façons plus ou moins subtiles.
Mais est-ce que le cas inverse (avec des gains potentiels qui deviennent plus élevés) peut aussi se produire ? Eh bien… la réponse est oui. Mais ça, ce sera un sujet pour la prochaine fois.