Parlons à nouveau de jeux sous-estimés. Même si ce n’est pas forcément au stade du “Waouh !”, c’est toujours assez désolant de voir des concepts qui nous marquent positivement ne pas fonctionner et tomber dans l’oubli rapidement… surtout quand d’autres concepts qu’on n’aime pas du tout attirent les faveurs du public, eux. A ce niveau-là, je pourrais prendre l’exemple de La gym des neurones vs. Les 12 coups de midi, si je devais citer les jeux du PAF que je trouve respectivement le plus sous-coté et le plus surcoté (et pour celui-là, je vous avoue que ça m’a beaucoup démangé de citer TLMVPSP… mais même s’il m’irrite énormément, je ne trouve pas son succès complètement immérité non plus, contrairement à son concurrent). Mais bon, depuis le temps que vous connaissez mon opinion sur ces jeux-là, ce serait un peu du radotage d’en reparler…
Aussi, si on se penchait plutôt sur les jeux d’outre-Manche ? Alors, étant donné que je n’en connais qu’une poignée, ce serait difficile pour moi (et surtout trop peu représentatif) de dire lesquels j’ai trouvé les plus surestimés et les plus sous-estimés. Cependant, je pense que le jeu d’aujourd’hui aurait pu figurer dans un top 10 de concepts étrangers sous-cotés, par rapport à ceux que j’ai pu découvrir pour le moment.
Hardball, diffusé sur BBC One en 2018 et présenté par un certain Ore Oduba, est un programme qui n’a effectivement pas fait long feu, en n’ayant connu qu’une seule saison d’une vingtaine d’épisodes. Du moins, d’après ce que j’ai pu trouver comme informations à ce sujet, car c’est toujours le problème quand un jeu est méconnu au point de ne pas posséder sa propre page Wikipédia… mais toujours est-il que ce n’est a priori pas un jeu dont on a beaucoup parlé outre-Manche.
Et à injuste titre, selon moi ; car, sans être exceptionnel, il avait tout de même des atouts à faire valoir. C’est ce qu’on va voir tout de suite…
Le concept
Dans ce jeu, le but des candidats est de progresser le plus loin possible, sur une frise aménagée en serpentin, composée de 5 rangées et de 6 écrans par rangée (soit un total de 30 écrans).
Sous ces rangées, se trouve une gouttière, sur laquelle va glisser la fameuse “Hardball”, une grosse bille en métal.
Lorsqu’une session commence, le visage du candidat se retrouve projeté sur l’écran le plus en haut à gauche, là où se trouve la rampe de lancement de la Hardball. L’animateur va poser des questions ; et pour chaque réponse correcte, le visage du candidat va basculer sur l’écran suivant (si la réponse est incorrecte, il ne change pas d’écran). Le but du candidat sera alors de progresser d’écran en écran, sans jamais se faire rattraper par la Hardball, qui continuera de glisser. Si celle-ci dépasse l’écran sur lequel le candidat se trouve, la session prend fin.
C’est un principe que j’aime bien. Et qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler The Chase, que j’ai précédemment traité ; si ce n’est qu’au lieu de se faire poursuivre par un monsieur ou une madame je-sais-tout, le candidat se fait poursuivre par une grosse bille en métal soumise aux lois de la physique.
Et c’est un effet de mise en scène que je trouve plutôt efficace. A tout moment, on sent la pression exercée sur le candidat, et le suspense qui peut se relancer naturellement. Lorsque la bille approche dangereusement du bord de l’écran sur lequel se trouve le candidat, la partie peut soit prendre fin dans deux secondes, soit se prolonger encore un peu si le candidat arrive à donner une bonne réponse in extremis.
Cet effet de mise en scène est d’ailleurs complété par une bande son plutôt efficace elle aussi. Même si elle est plus “discrète” que celle d’une manche 2 du Grand concours ou d’une finale du Numéro gagnant, elle fait très bien le job pour souligner la tension naturellement présente tout du long.
Et au passage, la forme de la frise en serpentin a son intérêt.
D’une part, ça permet de faire tenir toute la zone de jeu sur un plan unique ; et d’autre part, ça permet d’aménager des “zones de ralentissement” à chaque extrémité.
En effet, pour changer de rangée, la boule va utiliser une petite bascule, qui lui prendra quelques secondes pour la franchir. Ces quelques secondes pourront être précieuses pour le candidat, s’il est sur le point de se laisser rattraper par la boule.
C’est donc le principe de base, qui va être exploité comme suit :
- Deux sessions de jeu, composées chacune de :
- Une manche à 3 candidats, pour constituer le jackpot et éliminer le candidat le moins performant ;
- Un duel, pour sélectionner le demi-finaliste ;
- Une demi-finale, sous la forme d’un duel ;
- Une finale individuelle.
Structurellement parlant, je ne cache pas que je trouve ce format de “mini-tournoi” un peu répétitif, étant donné qu’on duplique le principe de deux manches, pour tenir les 42 minutes d’émission. Personnellement, une émission un peu plus courte, avec une structure globale comme celle du Coffre, avec une manche 1 à 4 candidats, une manche 2 qui fait s’affronter les deux meilleurs, et une finale individuelle, auraient suffi.
C’est d’ailleurs là que je me dis qu’heureusement, le concept est naturellement générateur de suspense et d’intérêt, et a une bonne mise en scène ; autrement, cette répétitivité aurait été davantage ennuyeuse.
Voyons à présent comment les manches sont structurées individuellement.
Les sélections (et la constitution du jackpot)
Dans cette manche, trois candidats vont jouer individuellement.
Pour chacun d’entre eux, le but sera d’aller (évidemment) le plus loin possible, sans se faire dépasser par la boule.
Celui qui ira le moins loin sera éliminé.
Par ailleurs, pour chaque case validée par le candidat, on rajoute 50 £ dans la cagnotte commune, qui sera mise en jeu pendant la finale.
La manche 1 va utiliser ce principe tel quel pour chacun des trois candidats, qui joueront individuellement. Ce qui est une bonne façon de présenter le concept aux spectateurs, avant de davantage jouer avec dans les manches suivantes.
En revanche, on se retrouve un peu avec le syndrome Le Coffre, où on se contente de répéter le même principe quatre fois de suite, sachant qu’il dure quand même plusieurs minutes… ce qui peut paraître un poil lassant sur le papier, surtout quand on n’accroche pas plus que ça à cette mécanique.
Mais bon, personnellement, comme pour Le Coffre, je considère qu’elle reste suffisamment intéressante et prenante pour qu’elle puisse passer plusieurs fois de suite. Ça reste assez rythmé, le côté “Quand est-ce que le candidat va se faire rattraper par la balle ?” prend bien… Je ne m’ennuie pas. Après, quatre fois de suite, ça reste le grand maximum, hein, en avoir davantage serait vraiment de l’abus.
Les duels
Comme pour Le Coffre (oui, la structure globale de ces deux jeux est assez semblable, finalement), on va cette fois-ci exploiter le principe de base ; mais en version duel. En outre, il n’est plus question ici d’alimenter la cagnotte.
Cette fois-ci, à chaque fois que l’animateur pose une question, les candidats doivent buzzer pour prendre la main et pouvoir y répondre. Celui qui a la main répond à la question ; et s’il répond juste, il avance d’une case. En revanche, s’il se trompe, c’est son adversaire qui avance d’une case à sa place.
Le candidat qui se fait rattraper par la boule en premier perd le duel.
Pas grand-chose de plus à rajouter, c’est une déclinaison intéressante du principe de base.
La finale
Pour la finale, le candidat a le… « choix » entre cinq thèmes donnés. Pour commencer, il doit en choisir un : toutes les questions qui seront posées durant la première partie porteront dessus.
Le but du candidat, dans un premier temps, est juste de quitter la première ligne avant que la bille ne le rattrape, voire de prendre le plus d’avance possible. Une fois que la bille a fini de parcourir la rangée, la finale est mise en pause. Le candidat choisit alors un autre thème, et la partie reprend avec celui-ci ; le but du candidat est alors à nouveau de passer à la ligne suivante avant que la bille ne le rattrape (il peut avoir pris de l’avance grâce au tour précédent). Puis on continue de la même façon, sur les 3 rangées restantes, jusqu’à ce que le candidat se fasse rattraper par la bille (auquel cas, il perd la finale et ne gagne rien… on y reviendra), ou atteigne la dernière case de la dernière rangée (auquel cas, il gagne).
Le candidat dispose de trois jokers (nommés « Boosts »), utilisables à tout moment, qui lui permettent d’avancer automatiquement d’une case en cas de besoin ; toutefois, leur utilisation n’est pas gratuite, puisqu’elle divise par deux le montant de la cagnotte.
Je vous avoue que cette finale ne m’a que très moyennement emballé ; et je pense que tous les problèmes que j’ai avec peuvent être condensés en un seul problème plus global : le fait de “forcer” la possibilité pour le candidat de repartir bredouille.
Déjà, parlons de la possibilité de laisser le choix des thèmes. Dans d’autres circonstances, l’idée aurait été louable en soi : par exemple, dans la première formule de NOPLP, ça permet au candidat de privilégier ceux sur lesquels il se sent le plus à l’aise pour assurer un minimum de gains ; ou bien au contraire de les réserver pour la fin, quand la difficulté aura monté d’un cran. Mais si ça marche dans NOPLP, c’est pour deux raisons : d’une part, la difficulté est progressive (et sur un critère plus objectif, de surcroît) ; et d’autre part, le candidat peut s’arrêter à tout moment pour repartir avec ses gains.
Mais ici, ça n’a pratiquement aucun intérêt, puisque le candidat est forcé d’aller jusqu’au bout quoi qu’il arrive, qu’il n’y a pas de gradation dans la difficulté des questions posées, et que tous les thèmes devront être traités de toute façon.
Si l’un de ces trois paramètres avait été corrigé, ça aurait pu avoir de l’intérêt. Ne pas forcer à aller jusqu’au bout aurait permis de jouer plus stratégiquement ; faire monter la difficulté aurait donné du sens à l’ordre de traitement des thèmes ; et proposer plus de thèmes que nécessaire aurait au moins permis au candidat de pouvoir éliminer ce qui l’inspirait le moins. Mais comme la finale de Hardball ne fait rien de tout ça… ça rend l’idée de choisir les thèmes complètement caduque.
Cela dit, je ne peux pas non plus dire que cette finale soit complètement injuste pour le candidat, puisque les erreurs ne sont pas immédiatement éliminatoires (on reste toujours avec l’idée de ne pas se faire dépasser par la boule, ce qui laisse un peu de marge), et qu’il dispose de jokers. Je reconnais que j’ai déjà vu pire en matière de finale “tout ou rien” manquant cruellement de paramétrage, au point que le candidat subissait plus la mécanique qu’autre chose.
D’ailleurs, je ne devrais techniquement pas parler de finale “tout ou rien”, dans la mesure où l’utilisation de jokers fait diminuer le montant de la cagnotte… mais pour moi, c’est un peu du pareil au même, dans la mesure où il y a besoin d’aller jusqu’au bout pour gagner quelque chose. Donc, oui, le candidat subit quand même la mécanique, d’une certaine manière.
Et dans d’autres circonstances, j’aurais pu apprécier l’idée de “monnayer” les jokers, un peu comme la finale de Le Coffre (décidément, je ne m’attendais pas à y faire autant allusion…) permet au candidat d’avancer sur les questions qui ne l’inspirent pas moyennant finances (dans ce cas-là, les appels aux négociateurs). Sauf qu’à nouveau, Hardball est dans le “tout” ou rien, pas Le Coffre où le candidat repart avec ce qu’il a réussi à accumuler.
En fait, ce côté “tout ou rien”, ainsi que la division de la cagnotte par deux pour chaque joker utilisé, donne finalement l’impression d’un jeu plutôt radin pour moi. D’après certains commentaires que j’ai pu lire, j’ai cru comprendre que c’était dû au budget plutôt restreint de la BBC (à l’instar du service public par chez nous…) ; mais je pense qu’on aurait pu trouver des moyens plus élégants de ne pas trop faire en sorte que le manque de moyens financiers ne se fasse ressentir.
Je pense qu’on aurait pu partir sur une finale comme celle de La Cible dans ses dernières années, avec par exemple 100 £ par ligne complétée (et l’intégralité de la cagnotte si le candidat va jusqu’au bout) ; quitte à mettre en place un système “quitte ou double”, où on demanderait au candidat à chaque ligne complétée s’il souhaite s’arrêter là et conserver ses gains, ou tenter de continuer au risque de tout perdre. Quitte à, pourquoi pas, proposer moins de jokers pour renforcer la difficulté. Mais au moins, retirer cette fâcheuse impression de finale “tout ou rien” qui me donne presque l’impression de revivre la dernière question de Money Drop, quoi… enfin, pas à ce point-là non plus, je reconnais que Hardball a un principe de finale largement plus recherché.
Total : 14/20
Nonobstant une structure globale un peu répétitive et une finale perfectible, je trouve que Hardball reste une découverte intéressante, et un jeu sincèrement bon dans l’idée et dans son exécution (enfin, à nouveau, si on ne tient pas trop compte de la finale). Même si, au premier abord, l’idée de ne pas se faire rattraper par la boule apparaît comme un gimmick visuel qui suscite l’effet de curiosité mais lasse rapidement, le concept reste tout de même assez solide et intéressant pour tenir la route sur la durée ; un peu comme Le Coffre auquel je l’aurai décidément souvent comparé. Peut-être que ça aurait mérité d’être exploité autrement qu’en format “mini-tournoi” afin de donner un sentiment de répétitivité moindre.
Et je trouve que ça aurait mérité d’être un mini-classique à sa manière, qui aurait pu être exporté… mais j’imagine qu’il n’a pas été aidé par son contexte. Outre le fait qu’il aurait probablement été mieux mis en valeur par un autre diffuseur/producteur qui aurait disposé de plus de moyens, je pense qu’aux yeux du public, c’était un concept qui a dû arriver une dizaine d’années trop tard, tant il aurait davantage correspondu aux standards des années 2000 qu’à ceux de la fin des années 2010, où le genre avait perdu de sa superbe et commençait à lasser l’audience. O tempora, o mores…
Je reste tout de même content d’avoir découvert ce jeu, et d’avoir pu lui donner une chance de briller un tant soit peu pour qu’il ne tombe pas complètement dans l’oubli.
Et après avoir joué aux billes, la prochaine fois, on jouera au Morpion…