On ne présente plus Fort Boyard. Un programme devenu culte pour tout un tas de raisons, bonnes comme mauvaises, et pour lequel chacun a ses raisons de l’adorer, de l’apprécier, de s’en tamponner le coquillard, ou de le détester. Ce qui dépend d’ailleurs assez souvent de la période en question, comme c’est le cas avec moi, car comme vous le savez, si j’ai adoré dans l’ensemble les périodes des années 90 et des années 2000, j’ai au contraire plutôt tendance à conchier les années 2010.
Mais aujourd’hui, mon objectif n’est pas d’en rajouter encore une couche sur « pourquoi Fort Boyard est devenu tout pourri durant la décennie 2010″ (enfin… si, mais pas directement).
Non, je voulais surtout revenir plus en détail sur l’un des aspects qui fait que j’aime beaucoup Fort Boyard dans l’idée, et ce d’autant plus depuis que je fais des critiques de jeux : sa mécanique globale, et ce qui fait sa force. Car, mine de rien, c’est pour moi l’un des éléments les plus solides que ce jeu a su mettre en place, et l’une des raisons pour lesquelles j’ai beaucoup de respect quant à sa conception.
Du moins, quand cette mécanique globale est bien exploitée… oui, on va malheureusement reparler des années 2010 en temps voulu (étant donné que ce sont surtout celles-ci qui ont fait n’importe quoi avec), mais ce sera surtout pour mieux appuyer en quoi il est primordial de bien doser son paramétrage.
L’idée derrière la mécanique de Fort Boyard
Les créateurs du jeu l’avaient affirmé : à la base, l’idée derrière Fort Boyard, c’était d’en faire une sorte de jeu de rôle grandeur nature, en plongeant une équipe de candidats dans un environnement aventureux, pour accomplir une certaine quête.
Or, si l’ambiance créée par le lieu avait de quoi fasciner et contribuer à ce jeu de rôle XXL, elle n’est pas la seule à avoir été prise en compte.
De façon plus générale, il n’y a pas 36 solutions pour rendre intéressant un jeu qui se focalise sur un candidat, ou sur plusieurs candidats faisant partie d’une même équipe.
Quand vous faites s’affronter plusieurs candidats, c’est très facile de susciter de l’intérêt pour le spectateur, car vous créez une sorte de compétition, et l’objectif est de savoir qui va la remporter. Le spectateur aura envie de rester jusqu’au bout pour avoir un vainqueur ; qui peut, dans un second temps, tenter de moduler son gain via une finale individuelle, comme le font pas mal de jeux.
Mais focaliser un jeu sur un seul candidat (ou une équipe), c’est plus délicat, car l’intérêt va venir uniquement de son gain final. Or, pour justifier toute une durée d’émission là-dessus, il faut une mécanique qui soit susceptible de maintenir l’intérêt du spectateur tout du long.
Et pour ça, il n’y a à ma connaissance que deux façons de faire :
- soit faire un jeu dans lequel le candidat peut se faire éliminer à tout moment, et l’intérêt résidera dans le suspense du moment auquel il se fera éliminer ou décidera de repartir (ou gagnera !) : c’est la méthode QVGDM.
- soit faire un jeu dans lequel les différentes manches ont un impact sur le gain final du candidat : c’est la méthode FB.
Avant de continuer, petite parenthèse au sujet d’autres productions de Jacques Antoine.
Je parle de méthode QVGDM depuis pas mal de temps… mais en vrai, QVGDM n’a pas été le premier jeu à faire appel à ce genre de système où le candidat peut être éliminé à tout moment. Eh oui, si on remonte aux années 60, La tête et les jambes reposait déjà sur ce principe, avec le candidat qui pouvait être éliminé en cas de mauvaise réponse et de sportif associé qui n’aurait pas réussi à assurer sa performance minimum…
Mais, chose amusante, LTELJ a eu droit à son remake dans les années 90, Un pour tous, qui, lui, appliquait plutôt la méthode FB, en remplaçant le candidat par une équipe, et l’élimination directe par l’élimination d’un candidat de l’équipe.
Revenons-en à la méthode FB.
Dans les jeux TV, on ne la retrouve pas si souvent que ça (contrairement à la méthode QVGDM, où on pouvait trouver bon nombre de QVGDM-likes dans les années 2000-début 2010), et le plus souvent, elle est appliquée d’une façon plus partielle.
Par exemple, 30 000 euros chrono suivait un seul candidat, avec deux manches, la première déterminant le gain potentiel de la seconde… mais ce jeu-là ne durait qu’une dizaine de minutes. 8 chances de tout gagner a une manche 2 qui impacte la finale, avec l’idée de sauvegarder le plus d’écrans possible pour avoir l’occasion de gagner plus en finale… mais elle est précédée par une manche de confrontation plus classique. Réveillez vos méninges, même s’il repose sur une confrontation, garde l’idée de l’impact des manches qui précèdent la finale pour l’impacter, avec un nombre de points cumulé converti en nombre de secondes additionnelles… mais ça reste relativement simple dans l’idée.
Et, à mon sens, Fort Boyard est justement le jeu qui a su exploiter cette idée à son paroxysme.
Car non seulement cette idée est exploitée pour toute la durée du jeu et non partiellement ; mais de plus, car le jeu en question est un jeu de prime time, qui va durer minimum une heure ; donc il avait clairement intérêt à maîtriser ce genre de formule !
Le concept de la saison 1990
Dès la saison 1990, qui avait des règles assez singulières, on ressentait déjà la volonté d’avoir une première partie d’émission dont la performance globale allait impacter la séquence finale.
En effet, le but pour les candidats est de collecter le plus de clés possible (18 au maximum), ces clés servant à ouvrir des coffres dans la Salle du Trésor. Plus les candidats ont de clés, plus ils pourront ouvrir de coffres et collecter leur contenu. Simple.
On a même un petit bonus à ce niveau-là, avec une règle qui permet aux candidats d’avoir la voie royale vers la Salle du Trésor s’ils réussissent à avoir les 18 clés… sauf que ça, finalement, on ne l’a jamais vu, et pour le coup c’était vraiment mission impossible de le faire ; bref, la règle était trop mal calibrée pour avoir de l’intérêt. Mais ça reste cohérent avec l’idée de récompenser un parcours performant.
Ca fait toujours bizarre de se dire qu’à cette époque, la Salle du Trésor ressemblait à ça, sans alphabet géant, mais avec des coffres un peu partout…
Et même au-delà de cette Salle du Trésor, la première partie axée épreuves était structurée de sorte que les échecs et réussites de l’équipe aient un impact au sein de celles-ci.
En effet, une équipe qui subissait deux échecs consécutifs devait rendre visite au Père Fouras ; et si l’énigme n’était pas trouvée, la clé était jetée dans le filet, et un candidat devait aller la récupérer. Ca faisait certes une clé « gratuite », mais au prix de temps perdu, car ce temps-là aurait pu être utilisé pour faire d’autres épreuves.
De la même manière, si l’équipe avait des prisonniers, il fallait les libérer avec une clé spécifique, s’obtenant via le Père Fouras, ou via le filet dans le pire des cas. Encore une fois, le but recherché était de laisser moins de temps à l’équipe de faire d’autres épreuves, qui auraient pu permettre de remporter des clés supplémentaires.
Certes, la clé est « gratuite », mais l’équipe a tout de même perdu du temps pour l’obtenir… alors que si l’intellectuel avait répondu correctement chez le Père Fouras, elle l’aurait eu tout de suite.
L’idée sera d’ailleurs conservée pour la séquence de la « Clé à la mer » jusqu’en 2001 (de 2002 à 2005, on en aura des variantes, avant de disparaître complètement en 2006).
Notons par ailleurs que, si avoir le plus de clés possible maximise évidemment les chances d’avoir de gros gains en Salle du Trésor, la Salle du Trésor reste une partie en elle-même, et qu’elle peut très bien être ratée malgré une partie « clés » réussie. Pour ça, il suffit que les candidats soient très mal organisés, ou fassent tomber trop de Boyards.
Notons toutefois qu’il n’y avait pas de « vraies » défaites cette année-là, et que les candidats étaient toujours assurés de pouvoir revenir de la Salle du Trésor avec quelque chose. Ou alors, il aurait VRAIMENT fallu le vouloir, pour que personne n’ait le réflexe de revenir une fois le temps imparti écoulé, et que toute l’équipe se retrouve coincée dedans…
Bref, la saison 1990 tenait déjà quelque chose au niveau de ce concept de parties de jeu qui impactent la séquence finale et son gain potentiel. Toutefois, tout cela ne restait basé que sur un seul paramètre : le nombre de clés.
Bon, certes, pour être explicite, on a aussi eu la Clé en or, durant la seconde moitié de la saison, qui permettait de remporter un bonus de gains en sautant à l’élastique en fin d’émission… mais on ne peut pas dire que ce soit un ajout qui s’incorpore harmonieusement à la mécanique que je viens de décrire, c’est plus quelque chose qui a été rajouté à la dernière minute pour susciter un intérêt rapide, sans être corrélé à tout ce qu’on a pu voir auparavant.
Un peu comme l’Etoile mystérieuse des 12 coups de midi (j’ai honte de citer ce jeu, mais bon…), qui n’est qu’un bonus pour le candidat, et qu’on pourrait très bien supprimer sans que ça ne change grand-chose à la globalité du jeu en lui-même.
Euh, oui, le truc blanc sur la gauche, c’est la Clé en or…
Enfin. Tout ça pour dire que, même si on arrive à moduler un paramètre de la séquence finale, ça reste quand même mieux et plus porteur de pouvoir en moduler plusieurs. Ce que les saisons suivantes feront, avec le succès qu’on connaît…
Le multi-paramétrage : le concept se peaufine
Dès 1991, la formule de jeu est entièrement repensée ; et si on garde les épreuves et les clés (et les prisonniers potentiels), la Salle du Trésor, elle, est totalement refaite. Et, surtout, précédée d’une toute nouvelle partie de jeu qui va elle aussi avoir un impact dessus : les Aventures.
Cette fois-ci, il n’est plus question d’obtenir le plus de clés possible durant le temps imparti à l’émission : il en faut précisément 7, afin de pouvoir ouvrir la porte de la Salle du Trésor.
Vu comme ça, le concept paraît moins porteur que la version 1990 : en effet, on se dit que, comme l’enjeu de cette partie est fixe, ça relève presque de la formalité (bon, j’exagère un peu certes) pour les candidats, avant de passer à des parties de jeu plus intéressantes et ayant un impact plus prononcé sur la séquence finale.
Toutefois… l’idée reste tout de même assez similaire aux petites règles intrinsèques à cette partie-là de la saison 1990, dont le but était surtout, pour les équipes moins performantes, de leur donner moins d’occasions d’améliorer leur score, faute de temps suffisant. Ici, c’est juste que l’accumulation des échecs n’empêchera pas (enfin, pas tout à fait, j’y reviendrai) de faire des épreuves à clé supplémentaires… en revanche, elle empêchera de faire des Aventures supplémentaires, faute de temps pour pouvoir les faire.
Donc on reste dans le même ordre d’idée, de valoriser les équipes performantes ; et moins une équipe met de temps pour collecter les 7 clés, plus elle aura l’occasion de faire des Aventures qui l’aideront à trouver le mot-code de la Salle du Trésor, autre nouveauté 1991.
Mais ce n’est pas tout : consciente que, théoriquement, une équipe pourrait tout à fait aller jusqu’à la fin du chronomètre général sans avoir les 7 clés (et donc ni l’occasion de trouver le mot-code, faute d’aventure ayant pu être réalisées, ni même l’occasion d’y rentrer…), la production a rajouté une règle supplémentaire.
En effet, si au bout d’un certain temps, l’équipe n’a toujours pas eu les 7 clés, on arrête les épreuves quoi qu’il arrive, et l’équipe doit sacrifier un candidat, qui va à l’Oubliette, qui va être retiré du jeu, et ne participera donc pas à la suite.
Ce qui reste tout de même très pénalisant pour l’équipe, qui devra donc se passer d’une paire de bras supplémentaires pour ramener le trésor lors de la séquence finale ; et, donc, renforce l’importance pour l’équipe de remporter les 7 clés le plus rapidement possible, afin d’écarter ce risque.
Bon, à l’époque, ce n’était cependant pas encore tout à fait au point, car que l’équipe n’ait que 4 ou 6 clés à l’issue des épreuves, elle n’avait besoin de sacrifier qu’un seul candidat quoi qu’il arrive… même si ce cas de figure ne s’est produit qu’en 1991, et qu’il aura fallu attendre 1999 pour voir à nouveau une équipe ayant moins de 6 clés, et un candidat sacrifié par clé manquante. Possible que la règle ait été ajustée entre temps, même si c’est difficile de déterminer avec précision quelle saison avait mis ça en place.
Au fond de l’oubliette, les clés manquantes… et bientôt le/la candidat(e) sacrifié(e).
(Plutôt la candidate, d’ailleurs, vu qu’à l’époque, ils ne l’avaient vraiment pas dimensionnée très généreusement…)
Passons aux Aventures : cette fois-ci, le but pour l’équipe est de collecter le plus d’indices possible, indices qui serviront à trouver le mot-code. Mot-code qui est d’autant plus primordial que c’est lui qui permet de déclencher la chute des Boyards. Pas de mot-code, pas de Boyards, et donc une défaite pour l’équipe (qui sera consolée par un gain minimal certes, mais qui du coup perd l’occasion de gagner plus).
Cette idée d’avoir des défaites potentielles est d’ailleurs excellente, car elle permet de rajouter un élément de suspense dans le lot. Autant dans les années 90, on pouvait être sûrs de voir des candidats ramener de l’argent ; autant ici, on ne le sait qu’à la dernière minute. On peut très bien voir une équipe patiner et n’avoir aucune idée du mot-code, voyant le temps imparti s’écouler inexorablement ; ou encore, une équipe qui a proposé un mot-code, mais qui ne verra pas les Boyards tomber après la petite musique de suspense qui suit la Tête de Tigre.
D’où l’importance là encore de réussir cette partie de jeu, afin de gagner le plus d’indices supplémentaires. En avoir le plus possible n’est pas une obligation, mais ça permet de conforter l’équipe sur une piste, pour qu’elle soit sûre de ce qu’elle va valider en Salle du Trésor.
A l’instar des épreuves, où une équipe peu performante peut se retrouver pénalisée, les Aventures aussi disposent d’un système de « pénalité » pour les équipes qui n’auraient pas réussi à collecter assez d’indices. Toutefois, celui-ci reste facultatif.
Il s’agit des sacrifices : devant la Salle du Trésor, si l’équipe souhaite obtenir des indices supplémentaires car elle n’en a pas assez ou n’est pas sûre de son mot-code, elle peut sacrifier un candidat pour avoir un indice en plus. On peut même obtenir jusqu’à quatre indices supplémentaires de cette façon-là. Mais autant dire qu’avec quatre candidats en moins pour porter les Boyards, la récolte ne va pas être très bonne, donc que ça sent vraiment le roussi pour l’équipe… c’est même d’ailleurs déjà arrivé qu’une équipe ne puisse envoyer qu’un seul candidat dans la Salle du Trésor, en ayant accumulé une oubliette (ou un prisonnier) et quatre sacrifices. Ca devait être amusant à voir… (enfin, moins pour l’équipe en question, certes)
Ainsi, on a une autre façon de moduler la réussite d’une équipe, selon un modèle au final assez différent de celui des épreuves.
Oui oui, la candidate est toute seule dans la Salle du Trésor. Tout le reste de l’équipe encore présent après les épreuves s’est sacrifié, n’ayant aucune idée du mot-code.
Et ce n’est pas fini ! En 1995, une nouvelle partie de jeu iconique va faire son apparition : le Conseil.
L’objectif de cette partie de jeu est d’obtenir le maximum de temps que les candidats pourront passer en Salle du Trésor, avec un minimum garanti d’une minute et trente secondes (qui sera d’1’40 à partir de 2001, puis de 3′ en 2003, modulo un changement de règles).
En effet, c’était un paramètre sur lequel FB ne jouait pas de 1991 à 1994, puisque la SdT avait un temps fixe de 3 minutes quoi qu’il arrive. Et pourtant, l’idée de moduler la SdT sur cet aspect-là est plutôt porteuse, car là aussi, le temps, c’est des Boyards. Du temps supplémentaire lors de cette partie-là, c’est du temps de réflexion supplémentaire pour les équipes qui n’ont pas encore trouvé le mot-code, pour faire des sacrifices, pour composer le mot-code sur l’alphabet géant… et, surtout, pour faire un maximum d’allers-retours vers la fontaine à Boyards. Alors pourquoi se priver de l’occasion de jouer sur le temps imparti ?
C’est justement l’idée derrière le Conseil. On reste sur un modèle assez semblable aux épreuves et aux aventures, avec un certain nombre de Duels : mais cette fois-ci, le nombre reste fixe (6, soit un par candidat… voire moins s’il y a eu une oubliette au préalable, ce qui renforce encore au passage l’idée d’être performant lors des épreuves), ce qui donne encore davantage d’importance à l’idée de les réussir, car il n’y aura pas d’occasion de se rattraper. Et ça permet aussi de distinguer cette partie-là en termes de règles et d’enjeux par rapport aux Aventures.
Bon, cela dit, je reconnais que si l’idée est géniale, le jeu s’en retrouve d’un seul coup bien plus difficile, car beaucoup moins d’équipes disposeront d’au moins 3 minutes en SdT comme c’était le cas jusqu’en 1994.
Avec 1’30 de temps de base et 25″ par duel réussi, il faut donc en réussir au moins quatre sur six, et autant dire que les équipes qui dépassent la moyenne ne sont pas très nombreuses. Pour celles qui y parviennent, en revanche, c’est du bonus par rapport à auparavant, avec même la possibilité de monter jusqu’à 4 minutes en SdT, ce qui est royal à ce stade (… mais arrivé très rarement).
A contrario, les équipes parvenant toujours à réussir au moins un ou deux duels, on a très rarement des temps catastrophiques pour la SdT (pour ça, il faudra attendre la décennie 2010… on en reparle).
Mais toujours est-il que l’impact reste bel et bien présent.
Notez le changement du chronomètre de la Salle du Trésor, qui est la conséquence de la performance de l’équipe au Conseil.
Au final, on a la garantie d’avoir des scenarii diversifiés pour la séquence finale : on peut aussi bien avoir une équipe au complet, mais qui manque d’indices et devra sacrifier quelques candidats pour réfléchir sur le mot-code ; qu’une équipe amputée d’un tiers de ses membres faute de clés, mais qui s’est bien rattrapée sur le reste du jeu ; qu’une équipe très douée, mais qui n’a pas eu de chance au Conseil et ne bénéficiera pas d’un temps de récolte très conséquent ; ou encore une équipe qui ne trouvera pas le mot-code ou en proposera un faux. Et tout ça, c’est sans compter ce qui peut se passer durant la Salle du Trésor elle-même, avec des candidats qui peuvent par exemple perdre beaucoup de temps à composer le mot-code sur l’alphabet, ou encore faire une mauvaise chute et perdre des Boyards lors des allers-retours.
Et c’est pour ça que le format est excellent dans l’idée. Avec tous les paramètres susceptibles d’intervenir pour cette phase finale, il peut se passer pas mal de choses, ce qui fait que cette partie est rarement lassante, en dépit du fait que c’est pourtant toujours les mêmes règles.
En résumé : lors des années 90, Fort Boyard a peaufiné sa formule, en jouant sur davantage de paramètres que lors de sa première saison ; et, finalement, c’est un succès. C’est l’aboutissement du modèle que je décrivais plus haut, où chaque partie de jeu a un impact sur ce qui se déroule par la suite.
Et encore, là, je n’ai parlé que des trois principales façons de faire : les épreuves, dont le but est d’économiser du temps pour les autres parties de jeu, et de devoir échapper à l’oubliette qui mettra un candidat sur la touche pour tout le reste du jeu ; les aventures, dont le but est de gagner des indices pour trouver le mot-code qui fera chuter les Boyards ; et le Conseil, dont le but est d’avoir le plus de temps possible pour pouvoir exécuter la séquence finale avec succès.
Mais rien que ces trois parties de jeu garantissent une structure solide à l’émission, ainsi qu’un caractère d’apothéose à la Salle du Trésor, qui est véritablement le point d’orgue du jeu, et la raison pour laquelle on reste devant notre écran jusqu’au bout.
A tel point d’ailleurs que, modulo quelques nouveautés et spécificités selon les saisons dont je vais parler juste après, c’est ce modèle-là qui est resté par la suite, et qui n’a été remis en cause que très tardivement (et pas toujours pour faire mieux, on en reparlera là aussi…).
Cependant, l’émission ne s’est pas reposée sur ses lauriers, et a tout de même tenu à faire évoluer cette formule ; mais le plus souvent, via des ajouts davantage mineurs.
Et ce qui va rendre ces ajouts plus ou moins intéressants (et rendre les saisons en question plus ou moins intéressantes), c’est ce qu’ils vont apporter à cette formule de base.
La pertinence variable des ajouts effectués à la formule de base
Grosso modo, durant les années 90-début 2000, on rajoutera assez peu de paramètres à cette formule, et on ne touchera pas beaucoup aux existants.
On peut cependant noter l’exemple de la saison 1999, qui avait décidé d’ajouter un Droit d’entrée sur le Fort (bon, c’était rapide, et ça n’avait pas beaucoup d’impact sur la suite, si ce n’est quelques secondes sur le chrono général…), et surtout un Droit d’entrée au Conseil, qui pouvait avoir un impact assez important, positivement comme négativement.
Positivement, dans la mesure où si cette partie-là est réussie haut la main, l’équipe gagne un bonus de temps en SdT de 25 secondes ; négativement, dans la mesure où si, au contraire, le candidat qui réalise cette partie de jeu est trop lent, il fera perdre l’occasion de jouer un voire deux duels au Conseil juste après.
Dans l’absolu, c’est typiquement le genre de partie qui n’est pas nécessaire à la formule, mais qui permet de la faire évoluer le temps d’une saison ; donc qui passe dans le contexte, mais qui n’a pas vocation à rester dans la durée. D’ailleurs, en 2000, cette partie disparaît, et il faudra attendre 2005 pour voir réapparaître quelque chose de similaire, et qui ne durera là encore que cette saison-là.
En tout cas, on ressent bien son impact sur le résultat final ; en effet, lors de la saison 1999, on aura quelques équipes qui n’auront droit qu’à 1’55 en SdT (soit un seul duel remporté), faute d’avoir pu disputer tous les duels… donc un impact certain, mais restant tout de même suffisamment mesuré.
Ici, pour cette entrée du Conseil de 1999, la candidate a été trop lente, l’équipe ne pourra disputer que quatre duels. Aïe…
Début des années 2000, pas de grandes nouveautés à ce niveau-là non plus, si ce n’est qu’en 2001, le Conseil passe de 6 à 4 duels (et ne reviendra hélas plus jamais à 6 duels par la suite…), avec en contrepartie un temps minimal de 1’40 et des enjeux de 35 secondes par duel, ainsi qu’une importance stratégique renforcée, dans la mesure où c’est le coach de l’équipe qui choisit quel candidat va faire quel duel. Ce qui est intéressant dans l’idée, même si on tend à donner peut-être un peu trop d’importance à assez peu de duels en faisant ça. Bon, on verra qu’on fera pire 10 ans plus tard à ce niveau-là, et qu’ici ça passe encore… mais il faudrait veiller à ne pas en faire trop non plus.
Ah, et en 2002, on a un Droit d’entrée sur le Fort comme en 1999, si ce n’est qu’il n’est même pas inclus dans le chronomètre global, ce qui le rend au final… complètement gratuit. Surtout vu son contenu et sa surprise finale, où le candidat qui s’y colle reçoit des batraciens sur la tronche… eh, si je fustige les saisons plus récentes, pas de raison que je ne le fasse pas quand 2002 a eu le même genre d’idée foireuse… heureusement, ça n’aura duré que cette saison-là.
Et on répète le même gag dans 10 émissions de suite. Ha ha, mort de rire.
D’ailleurs, ce Droit d’entrée de 2002 inaugurera d’une certaine façon un nouveau genre de partie de jeu : celles qui n’auront aucun impact concret sur la mécanique globale. C’est bien simple : à partir de là, chaque année, on aura une partie de ce type jusqu’en 2008.
2003 : la Lanterne, où les candidats doivent, de nuit, maintenir une lanterne en équilibre, jusqu’à ce qu’ils puissent en récupérer le contenu : un Cristal, qui leur donne accès au Conseil. Théoriquement, cette phase peut être perdue, auquel cas l’équipe ne peut alors pas se rendre au Conseil… mais en pratique, ça n’est jamais arrivé, et ça n’avait clairement pas intérêt à arriver, car amputer l’émission de cette partie de jeu aurait posé quelques problèmes.
2004 : le Signal, où les candidats doivent, de nuit, repérer un Maître qui va leur donner un plan pour récupérer le Cristal et accéder au Conseil. C’est la même idée qu’en 2003, si ce n’est que cette partie ne peut théoriquement pas être perdue.
2005-2008 : le Parcours de libération, où les prisonniers doivent passer un… parcours de libération, pour pouvoir être libres. Ou pas, puisqu’au final, il faudra que leur équipe réussisse suffisamment de duels au Conseil pour que ça puisse être le cas… du moins en 2005, à partir de 2006 et jusqu’en 2008, la libération reste garantie. En tout cas, aucune contrainte temporelle ou autre, il leur suffit juste d’aller jusqu’au bout du parcours.
2006 : la Salle des Empreintes. L’idée là encore est de récupérer le Cristal pour accéder au Conseil ; mais cette fois-ci, une partie de l’équipe doit suivre un parcours dans les Soutes, guidée par un autre candidat qui fera une plongée en scaphandre. Dans tous les cas, l’équipe finit cette partie au complet, et le Cristal est récupéré.
On a de belles images de nuit avec certaines de ces parties de jeu, par ailleurs.
Vu comme ça, ça fait donc une certaine tendance à remplir l’émission avec des parties de jeu qui n’ont pas d’impact concret sur la mécanique, et qui sont donc totalement dispensables. C’est le cas.
Cependant, elles ne sont pas désagréables à suivre pour autant (enfin, ça dépend desquelles, surtout quand on y a droit 4 ans de suite tousse le parcours de libération tousse), et ont généralement une autre utilité : celle de proposer un cadre immersif au sein du Fort, ainsi que de montrer la cohésion d’équipe ou le sentiment de mériter quelque chose.
En effet, aucune équipe n’a perdu la Lanterne, et le Signal ne peut pas être perdu ; mais l’intérêt est surtout de voir l’équipe vivre son aventure de nuit, dans un cadre mystérieux, et de donner le sentiment qu’elle va mériter son accès au Conseil. Idem pour la Salle des Empreintes (si ce n’est qu’elle ne se fait pas de nuit), qui propose quelque chose qui fait vraiment « aventure ». Quant au parcours de libération, il donne le sentiment que les prisonniers la méritent, après avoir réussi à passer ses différents obstacles. Même le Droit d’entrée de 2002 peut s’inscrire dans cette optique de renforcement de la mise en scène, finalement (même si lui n’est clairement pas aussi qualitatif…).
Heureusement que les années 2000 utilisaient du splitscreen pour dynamiser un peu le montage, car ce parcours de libération devenait très redondant.
En dehors de cette structure globale, le jeu n’hésite par ailleurs pas à proposer également des séquences bonus, d’une façon similaire à la Clé en or de 1990.
Ainsi, de 1996 à 2001, on a le jeu de la Presse à Boyards qui se déroule durant les épreuves, et dont le but est de permettre aux candidats de remporter quelques Boyards supplémentaires qui viendront s’ajouter à la pesée de fin d’émission. L’épreuve en question est très fluide, et a un côté légèrement stratégique, ce qui la rend très agréable à regarder soit dit en passant.
En 2000-2001, on a le Cercle des Lumières, qui permet aux candidats trouvant la Couleur du jour de doubler leurs gains (ça joue gros !). Et pour trouver cette couleur du jour, il faut remporter une épreuve et une aventure données, chacune révélant alors l’une des couleurs primaires qui auront été mélangées pour avoir la Couleur du jour. Notons toutefois que cette phase est optionnelle, car les candidats peuvent décider de ne pas tenter la Couleur du jour, auquel cas ils jouent juste l’épreuve pour une clé et l’aventure pour un indice. Ce qui donne au final un aspect assez stratégique à ce bonus ; car rappelons tout de même qu’une épreuve/aventure jouée pour une couleur, c’est une occasion en moins d’avoir une clé/un indice pour l’équipe…
Comme on le voit, l’équipe a fait le choix, pour la cinquième aventure jouée, de jouer pour la couleur, se privant donc d’un indice. Ils auraient pu en avoir un troisième, qui les aurait aidés à trouver le mot-code… mais s’ils trouvent la couleur du jour, le gain promet d’être intéressant !
En 2007-2009, plus classique, on a une partie de jeu dédiée à l’obtention d’un coffret bonus rempli de Boyards. La partie en question peut être perdue (avec le coffret donc) ; mais si elle est remportée, le contenu du coffret n’est pas garanti pour autant, car il faudra l’ouvrir avec l’une des petites clés qui tombent dans la Fontaine à Boyards lors de la SdT. Avec une règle supplémentaire : les candidats ne peuvent tester autant de clés que de candidats présents en SdT, donc si une équipe a fait beaucoup de sacrifices, elle ne pourra pas faire beaucoup d’essais. Je passe volontairement le système de 2009, qui était un peu plus élaboré que ça, mais avec le même ordre d’idée.
Pour le coup, je suis légèrement plus mitigé sur cette idée-là. En effet, on se retrouve avec beaucoup d’emphase pour ce qui n’est à la base qu’un bonus, et qui n’a pas vraiment d’influence sur la Salle du Trésor. Ce serait comme si on avait fait durer la Presse à Boyards une dizaine de minutes, en lui adjoignant des règles spécifiques… bref, en somme, ça vole légèrement la vedette à la Salle du Trésor, ce qui est un peu dommage.
Mais ce n’est pas un système inintéressant pour autant : en effet, on reste finalement un peu dans le même ordre d’idée que pour la SdT, avec le fait que la réussite de son ouverture dépend elle aussi du résultat final de l’équipe. Car non seulement il faut avoir gagné le coffret, mais il faut également éviter de faire trop de sacrifices, au risque d’avoir moins de chances de l’ouvrir. Certains auront déploré cette complexité dans les règles, mais au contraire, je pense que c’est finalement celle-ci qui rend ce coffret bonus intéressant, au final. C’est même d’ailleurs assez cocasse de se dire que la partie de jeu qui est censée finir en apothéose a quand même un impact sur ce bonus…
Ca fait par ailleurs un mini-suspense supplémentaire en fin d’émission, pour savoir si l’équipe a gardé la bonne clé pour ouvrir le coffret.
Pour rester dans les années 2000 et les impacts assez mineurs, citons l’épreuve collective de 2009, jouée en début d’émission (qui n’était pas un Droit d’entrée, attention !), et dont le gain en cas de réussite était… d’avoir le droit de disputer une épreuve supplémentaire. Euh… mouais. Vu comme ça, ça fait quand même un peu « Inception », si maintenant il faut réussir une épreuve juste pour avoir le droit d’en disputer une autre… mais bon, là encore, cette épreuve avait l’avantage de mettre en avant la cohésion d’équipe, en plus de montrer des points de vue variés sur le Fort. Et puis cette épreuve bonus aura plutôt été une bonne chose pour certains candidats.
Au premier plan, on voit l’enjeu de l’épreuve. En arrière-plan, une action à réaliser pour l’équipe, qui nécessite d’être plusieurs.
Bref, avec tous les exemples que je viens de citer, on peut classer tous ces ajouts en trois catégories différentes :
- Les « immersifs » : ce sont les ajouts qui n’ont aucun impact concret sur les règles, et qui servent principalement à renforcer le sentiment d’immersion et d’aventure. On peut citer les Droits d’entrée de 1999 et 2002, l’ouverture du Conseil de 2003-2004, la Salle des Empreintes de 2006, et les parcours de libération des prisons de 2005-2008.
- Les « bonus » : ce sont les ajouts qui permettent aux candidats de remporter des gains supplémentaires, presque indépendamment du reste de leur parcours. On peut citer la Clé en or de 1990, la Sauvageonne/Bohémienne de 1996-2001, Lumineuse en 2000-2001, ou encore les Coffrets bonus de 2007-2009.
- Les « spécifiques » : ce sont les ajouts qui impactent une partie de jeu existante en particulier, en introduisant davantage de paramètres au sein de la partie en question. On peut citer l’Entrée du Conseil de 1999 et 2005, la Machine infernale de 2002, ou l’épreuve collective de 2009.
Bref, tous ces ajouts ont une pertinence variable : cependant, aucun d’entre eux ne révolutionne véritablement le multi-paramétrage du jeu lui-même. On reste toujours sur une structure où ce sont trois parties principales qui vont déterminer le gain final, en jouant sur des paramètres spécifiques : les Clés pour potentiellement écrémer le nombre de candidats qui pourront prendre part à la Salle du Trésor ; le Conseil pour le temps alloué à la SdT ; et les Indices pour déterminer le Mot-code qui fera tomber les boyards ou non.
Néanmoins, il reste une évolution dont je n’ai pas parlé ; et qui, elle, correspond pleinement à un élément s’inscrivant dans le multi-paramétrage global. Il s’agit de la gestion des clés de 2006 à 2009.
2006 va marquer un tournant pour les épreuves, dans la mesure où l’oubliette va disparaître. Bon, en fait, elle avait déjà plus ou moins disparu en 2003, car on envoyait le candidat en prison à la place ; mais de 2003 jusqu’en 2005, les équipes qui n’avaient pas 7 clés à l’issue des épreuves continuaient tout de même à être pénalisées par le sacrifice d’un candidat, c’est juste que l’équipe avait encore le moyen de le faire revenir dans le jeu.
A partir de 2006, ne pas réussir à avoir 7 clés durant le temps imparti n’est plus une fatalité. En fait, l’équipe n’aura besoin que de cinq clés pour ouvrir la grille. Toutefois, vous vous doutez bien qu’il y a un piège : en effet, avec 5 ou 6 clés, la grille va s’ouvrir… mais pas complètement. Avec seulement 5 clés, la grille ne s’entrouvre qu’en libérant un accès minimum, ce qui est très handicapant ; avec 6 clés, l’ouverture est un peu plus grande, mais ça limite toujours les allers/retours vers la SdT.
Sur le papier, j’adore cette idée. En effet, on rend le système des clés un peu plus flexible qu’auparavant, ce qui permet d’éviter d’avoir des scenarii en mode « tout ou rien », où il faut absolument qu’une équipe ait 7 clés et aucun prisonnier pour ne pas être dans la mouise ; tout en sachant se montrer pénalisant quand on n’atteint pas le score maximal dans le temps imparti. Et les clés donnent concrètement l’impression de servir à quelque chose, avec un impact visuel plus prononcé.
Et, pour moi, c’est au final le seul paramètre ayant une influence vraiment inédite sur le résultat final à avoir été rajouté depuis l’élaboration de la formule FB jusqu’en 1995. J’apprécie certes plutôt bien la plupart de ceux que je viens d’énumérer ; mais soit c’étaient de légères surcouches d’un paramètre déjà existant, soit c’étaient des bonus indépendants du paramétrage de la Salle du Trésor, soit ils n’avaient aucune incidence en termes de mécanique globale et avaient surtout un intérêt immersif en termes d’ambiance.
En 2006, on voit clairement que n’avoir que 5 clés risque d’être pénalisant…
Toutefois… on sent que la production n’assumait pas encore complètement cette idée, et a cherché à l’ajuster au fil du temps.
Déjà : d’année en année, les seuils pour 5 et 6 clés semblent être relevés. Comparez une photo de la grille en 2006 avec une de la grille en 2009, le seuil « 5 clés » n’est clairement plus autant au ras du sol qu’en 2006… d’ailleurs, aucune équipe de 2006 n’avait pris le risque de faire s’ouvrir la grille avec seulement 5 clés.
Car il y a moyen d’éviter ce genre de scénario défavorable : en effet, la production laisse à l’équipe la possibilité d’échanger des indices contre des clés manquantes. Ce qui peut être stratégique, si une équipe préfère passer la grille de façon plus confortable ; mais aussi nécessaire, pour les équipes qui n’auront même pas réussi à avoir au moins 5 clés. Je suis un peu mitigé sur cette idée-là, dans la mesure où ça tend à rendre les épreuves et les aventures légèrement interchangeables (même si ça reste très largement moins pire que la décennie 2010 à ce niveau-là…), et que ça devient un peu trop facile pour une équipe de rattraper une mauvaise performance durant les épreuves ; toutefois, notons quand même que, de par leur côté plus spectaculaire, les aventures donnent l’impression que les candidats ont mérité un enjeu plus élevé que pour une épreuve en cellule. Donc, que, psychologiquement, échanger un indice, c’est un peu renoncer à cet enjeu plus prestigieux…
2009. Comparez avec la version 2006, il est évident qu’on a davantage relevé les paliers des 5 et 6 clés.
La saison 2009 va toutefois se montrer plus rigide, car elle va carrément interdire les échanges indices/clés. Ainsi, une équipe devra totalement assumer son score médiocre durant les épreuves, et elle ne pourra pas le rattraper. Je préfère ce système-là, au final, d’autant plus qu’il corrige le problème d’interchangeabilité des épreuves/aventures. Quant au cas de figure où l’équipe n’a toujours pas assez de clés pour ouvrir la grille… eh bien, on en revient au bon vieux système de candidat qui doit se sacrifier pour avoir la clé manquante (c’est juste qu’on attend le dernier moment avant de le faire, au lieu de lui faire zapper la moitié de l’émission), et qui ne pourra donc pas participer à la Salle du Trésor. On en revient donc à la bonne vieille idée d’avoir un handicap significatif en cas de très mauvaise performance.
Pour le coup, après les balbutiements de 2006-2008, on avait enfin un système d’ouverture de grille modulable au point. Et c’est vraiment dommage qu’il n’ait duré qu’une seule saison, au final ; puisque, par la suite, il aura fallu changer de formule…
Le cas de la saison 2010…
Avant de passer au sujet qui fâche, parlons rapidement du sujet… que tout le monde a oublié, à savoir la saison 2010 elle-même. Mais si, vous savez, celle où la production avait tenté de tout chambouler, en transformant l’émission en un format duel, et qui a tellement bidé qu’on est revenu à un format plus classique dès l’année suivante…
Bon, version duel oblige, le traitement de la mécanique globale devait forcément être différent. Ce qu’il est d’une certaine façon, même si dans l’ensemble, on a quand même tenu à garder une structure épreuves/aventures/ »Conseil » (qui n’en était pas vraiment un cette année-là, mais bon…)/Salle du Trésor.
La version duel a eu un impact sur la Salle du Trésor, de plusieurs façons : deux de ses paramètres qui avaient cours jusqu’en 2009 ne sont plus, tandis qu’un nouveau paramètre adapté à la version duel fait son apparition.
Les deux paramètres qui disparaissent, ce sont l’impact du nombre de clés, ainsi que le temps imparti en SdT. Alors, oui, il y a toujours des épreuves et un « Conseil », mais leur enjeu n’est plus le même.
En ce qui concerne les épreuves, le but est tout simplement pour chaque équipe d’être celle qui aura le plus de clés à la fin, pour pouvoir passer à la suite du jeu. Autrement dit, la symbolique des clés qui ouvrent la Salle du Trésor, on s’en tape à présent, les candidats pourraient tout aussi bien collecter des bananes ou des gants de toilette que ça ne changerait pas grand-chose.
Alors, évidemment, ça n’a rien d’affreux ; mais ce qui était une partie de jeu avec un impact subtil sur le reste en devient juste une banale confrontation entre deux équipes. C’était inévitable dans l’optique de faire une version duel, certes ; mais on a quand même le sentiment de perdre quelque chose dans l’histoire.
Ah, et, bien évidemment, il n’est plus du tout question d’une hauteur de grille modulable. De toute façon, oubliez ça, 2009 était la dernière saison où ça a été appliqué. Un peu dommage, même si je reconnais que je ne vois pas trop comment la saison 2010 aurait pu le conserver…
Et en ce qui concerne le « Conseil », qui s’appelle désormais « Salle des Maîtres », le but n’est plus de gagner du temps en SdT (il sera de 3’30 pour les deux équipes), mais de faire s’affronter les deux équipes, pour savoir laquelle des deux pourra libérer son prisonnier, et ainsi disposer de bras et d’un cerveau en plus pour la SdT.
En fait, on a un peu transféré l’enjeu des épreuves dans cette Salle des Maîtres, avec l’idée des bras potentiels en moins. Ce n’est d’ailleurs pas plus mal de l’avoir conservée, dans la mesure où elle est d’autant plus impactante ici, avec des équipes de seulement 4 candidats, et dont le but est d’avoir plus de Boyards que l’autre. Bon, ne me demandez pas ce qu’il se passe si aucune équipe n’a de prisonnier à ce stade de la partie, car j’imagine qu’elle ne doit alors pas avoir grand intérêt dans ce cas de figure…
En revanche, c’est dommage d’avoir perdu le paramétrage temporel dans le processus, alors qu’on aurait très bien pu le conserver, par exemple en faisant rentrer une équipe en SdT plus tard que ses adversaires.
Seule l’une des deux équipes va pouvoir libérer son prisonnier, et ainsi avoir une paire de bras supplémentaire par rapport à l’autre.
Le seul point de paramétrage qui ne change pas, c’est le fait de devoir trouver le mot-code pour les deux équipes, avec des indices qui leur sont propres.
Toutefois, exit l’alphabet géant, les équipes écrivent leur proposition de mot-code sur une vulgaire ardoise (ouais, le respect des symboles de l’émission, ce n’était clairement pas le fort de la saison 2010…) ; et qu’il soit correct ou non, quoi qu’il arrive, les équipes rentrent dans la Salle du Trésor après avoir proposé quelque chose. Ce n’est qu’après avoir récolté les Boyards et à la fin du temps imparti de la SdT qu’on dévoile les mots-codes proposés, et qu’on les valide ou les invalide. Les équipes ont toutefois toujours la possibilité de faire des sacrifices au besoin.
Si le mot-code n’était pas bon, l’équipe est automatiquement perdante, et sa récolte ne sert alors à rien. Si les deux équipes se sont trompées, c’est l’équipe des champions qui gagne par défaut (put***, même dans FB, ils n’ont pas pu s’empêcher de départager les égalités potentielles par ce moyen pourri ! Déjà que ça me saoulait qu’ils appliquent un système à la TLMVPSP, en plus de ça ils en conservent les défauts les plus énervants !).
Si les deux équipes ont trouvé le bon mot-code, on compare leur pesée, et l’équipe qui a le plus gagne alors 10 000 euros et revient l’émission suivante. Oui, là encore, les Boyards, on s’en fout, ça devient juste des kilogrammes sur la balance…
La « fameuse » ardoise sur laquelle on doit inscrire la proposition de mot-code. Ca en jette vachement moins que l’alphabet géant…
Comme je le disais, on perd pas mal de symboliques dans l’histoire, ainsi que certains paramètres dont l’absence fait diminuer une partie de l’intérêt de cette version de la Salle du Trésor. Mais bon, là, il faut réaliser que l’enjeu est différent.
Donc, même si ça paraît navrant de voir les Boyards tomber de la fontaine à la moitié de l’émission, en faisant l’effet d’un bol de soupe, alors que c’était le climax du jeu auparavant ; ici, ce n’est pas ça qui va importer, puisque le climax va être tout autre.
En effet, là, l’intérêt ne devient plus vraiment de savoir si l’équipe a trouvé le bon mot-code et combien elle va remporter de Boyards… mais savoir quelle équipe va gagner. Et à cet égard, la mécanique globale tient finalement plutôt bien la route. Sans élément de comparaison avec ce qui se faisait déjà, je pense qu’elle n’aurait pas choqué plus que ça.
Mais bon, entre le fait que certains éléments de paramétrage sont passés à la trappe, et qu’on privilégie une confrontation plus classique au détriment de symboliques plus fortes… forcément, en comparaison, c’est décevant ; et ça ne donne clairement pas autant l’impression d’apogée que ce à quoi on était habitués.
Habituellement, on ressent l’excitation de voir le Trésor tomber, en tant que concrétisation de la performance globale de l’équipe, et en tant que résultat venant la récompenser.
Ici, en revanche, comme on le fait en plein milieu d’émission sans cérémonie, on s’en fout complètement…
Et puis bon, je n’en parle effectivement pas beaucoup dans cet article car ce n’est pas mon but ; mais là où la mise en scène de la Salle du Trésor des saisons pré-2010 était réussie, celle de 2010 est en revanche complètement ratée, et accentue davantage le côté « rien à cirer » qu’on peut avoir en la regardant… à mon avis, là encore, si la production de l’époque n’avait pas autant bâclé sa direction artistique, ça aurait pu donner un rendu plus correct que ce qu’on a eu.
Cela étant, je me demande si je ne préfère pas encore ça à ce qui va suivre, en dépit du retour à un format une équipe…
Pourquoi la décennie 2010 fait (comme d’habitude…) n’importe quoi ?
Oui, j’avais dit que mon but initial n’était pas de cracher sur cette décennie-là… mais que voulez-vous, ce n’est pas ma faute si elle se prend aussi les pieds dans le tapis à ce sujet-là. Cette décennie rate beaucoup de choses à mon sens, et la façon d’exploiter la mécanique globale en fait partie.
Bon, cependant, je ne serai pas aussi sévère selon les saisons en question, certaines ayant clairement fait pire que d’autres.
Commençons déjà par les moins pires : 2011 et 2012.
A ce niveau, la formule reste très semblable à la formule de 2003 ; si ce n’est qu’il n’y a pas de droit d’entrée au Conseil, que c’est la désormais nouvelle partie du Jugement qui se charge de gérer les prisonniers et les clés manquantes (en les faisant d’ailleurs jouer directement à la place de leurs petits camarades, ce qui n’est pas plus mal), et que le Conseil se concentre exclusivement sur la possibilité pour l’équipe de gagner du temps pour la Salle du Trésor… et, surtout, d’éviter d’en perdre.
Et c’est ce dernier détail qui va s’avérer pas mal gênant… car jusqu’en 2008, l’équipe disposait de 3 minutes minimum en Salle du Trésor, quoi qu’il arrive. Ca descendait à 2’45 en 2009, mais ça restait encore gérable.
Sauf qu’à partir de 2011, ce temps minimal imparti n’est que de 2 minutes (et de 2’15 en 2012), et là ce n’est pas normal. 2 minutes, ça pouvait rester gérable durant les années 90, dans la mesure où beaucoup d’actions, en particulier la réflexion au sujet du mot-code, pouvaient être faites avant que la Salle du Trésor ne démarre. Mais là, on demande aux équipes de pouvoir gérer, en 2 minutes, la découverte des indices, la réflexion du mot-code, les sacrifices, la composition de celui-ci sur l’alphabet, puis la récolte des Boyards. C’est insuffisant !
Et ce n’est pas comme s’il fallait le vouloir pour rater complètement le Conseil non plus, puisque celui-ci n’est désormais composé que de quatre duels (seulement trois en 2012…), dont un qui permet carrément de gagner ou de perdre 20 secondes à lui seul, soit un différentiel de 40 secondes !
Pourtant, on n’observera pas trop de dégâts durant les saisons 2011 et 2012 à ce niveau-là, et ce malgré de piètres performances assez régulières au Conseil…
En fait, la production essaiera de contrebalancer le temps en moins par des mots-codes plus simples (et encore, en 2011-2012 ça va, c’est surtout par la suite que ça va empirer) et une balance plus généreuse lors de la pesée des Boyards.
Ce qui fait qu’on s’en sort plutôt bien pour la séquence finale… mais que la Salle du Trésor commence légèrement à perdre de sa superbe, à cause de ce problème de gestion du temps qui commence à se pointer. Et qui ne fera qu’empirer par la suite…
2’30 en Salle du Trésor… pas génial compte tenu de tout ce qu’il y a à faire, clairement.
(Désolé pour la tronche que tire Olivier Minne sur la capture d’écran. Le hasard du timing…)
Car dès 2013, on sent que la production va chercher à beaucoup trop jouer sur le paramètre temporel de la Salle du Trésor, au détriment du reste. Et ça, en plus de casser l’idée de multi-paramétrage qui s’était installée pendant les années 90, c’est problématique.
Déjà, parlons de la gestion des clés : à partir de 2013, rater un Jugement n’est plus synonyme d’exclusion du jeu. Le candidat qui a raté son Jugement réapparaîtra au Conseil, où il sera libéré moyennant une pénalité de 15″ en SdT. Théoriquement, le reste de l’équipe peut décider de le laisser en prison, ce qui peut avoir un côté stratégique… mais en pratique, c’est du bullshit, car le prisonnier est systématiquement libéré. Et à partir de 2015… j’y reviendrai, mais c’est encore pire.
En fait, de façon générale, on sent que la production n’a plus envie de mettre sur la touche des candidats qui n’auraient participé qu’à une moitié d’émission, et qui auraient le sentiment d’être un peu venus pour rien en ayant passé l’autre moitié de l’émission en prison… alors, je comprends que ce soit frustrant pour eux de vivre ce genre de scénario, et d’avoir fait tout le trajet pour pas grand-chose ; mais là, c’est la mécanique du jeu qui s’en retrouve pénalisée. A la rigueur, que vous cherchiez à trouver un autre moyen de pénaliser une équipe qu’en excluant un ou plusieurs de ses candidats, pourquoi pas ; mais évitez de surcharger le paramètre « temps » de la SdT, qui est déjà sur-sollicité à cause de la mauvaise gestion du Conseil… mince, 2006-2009 avait plutôt eu une bonne idée à ce niveau-là, justement, avec l’ouverture modulable de la grille de la Salle du Trésor, comme quoi c’était possible.
Au lieu d’éliminer la candidate définitivement, on la réintègre avec une pénalité de 15 secondes en Salle du Trésor. On commence un peu trop à tirer sur ce paramètre-là, ce n’est pas bon…
Ensuite, les indices : assez ironiquement, alors qu’elle propose pourtant davantage d’aventures qu’auparavant (5 minimum de 2003 à 2009 ; 6 minimum en 2011-2013 puis depuis 2016 ; 7 minimum en 2014-2015 !), la production ne semble cependant guère motivée à l’idée de proposer une réflexion poussée en ce qui concerne les mots-codes, et préfère s’assurer qu’ils soient trouvables assez rapidement, quitte d’ailleurs à ce que les premiers sacrifices de la SDT dévoilent des indices plus évidents (et quand on a déjà « Baratte » pour le mot-code « Beurre » en premier sacrifice, on se demande ce que la production a bien pu mettre pour le quatrième sacrifice…).
Quelque part, j’ai envie de dire que c’est parce que la production des années 2010 adore le nivellement par le bas et n’aime pas ce qui est intellectuel (ça se voit quand on a des énigmes dont l’intérêt n’est plus de réflechir dessus, mais de voir un candidat se prendre des blattes à la figure pendant qu’on la lui pose…) ; mais plus objectivement, c’est aussi la conséquence des temps en Salle du Trésor moins élevés, qui laissent moins de place à la réflexion.
Seulement, pourquoi octroyer plus d’aventures à l’équipe si c’est pour qu’au final, il ne soit pas nécessaire d’avoir autant d’indices ? Pire, ça devient même limite pénalisant, dans la mesure où ça consomme plus de temps en SdT pour tous les dévoiler… là encore, je pense que c’est clairement parce que la production était davantage intéressée par le côté spectaculaire des aventures que par leur enjeu, qu’elle a voulu en mettre davantage.
Et enfin, le Conseil : oui, on pouvait faire pire que 2011-2012…
En 2013, le principe est le même qu’en 2012 avec seulement trois duels, mais le temps minimal repasse à 2 minutes ; et, non, ce n’est absolument pas normal qu’on solde un enjeu aussi important avec un Conseil aussi bâclé qui ne comporte en tout et pour tout que trois duels.
Mais le paroxysme a été atteint en 2014, qui a poussé le vice jusqu’à faire en sorte que chaque duel vaille carrément une minute ! Donc avec seulement trois duels, une équipe pouvait aussi bien avoir un temps maximal de 4’30 (parce qu’en plus, ça dépasse les 4 minutes… enfin, je vous « rassure », personne n’est arrivé à les dépasser, surtout avec des règles aussi pourries) qu’un temps minimal RI-DI-CULE de 1’30 ! Et, encore une fois, avec beaucoup plus de choses à faire durant ce laps de temps que pendant les années 90. Bon, après, pour être plus précis, on avait des duels « modulaires » cette année-là, décomposés en plusieurs phases, qui permettaient chacune de remporter du temps ou d’en perdre. Mais d’une part, ce n’était pas le cas de tous les duels (en particulier l’énigme du Père Fouras), et d’autre part, ça ne change rien au fait que l’importance octroyée à cette partie de jeu en devient complètement démesurée au vu de son enjeu. C’est simple : une équipe qui rate les épreuves, le Jugement et les aventures peut totalement se refaire au Conseil, en réussissant deux pauvres défis ! Et oui, c’est vraiment arrivé. Vive le mérite.
Néanmoins, à partir de 2016, le Conseil va revenir à une forme beaucoup plus acceptable, en reprenant les règles de 2006 avec 3 minutes garanties, 4 duels et 15 secondes par duel remporté. Ce qui ne va toutefois pas complètement régler le problème du paramètre « temps », pour la raison que je vais évoquer juste après.
Car une nouvelle partie de jeu optionnelle est entrée en service de 2015 à 2020 : la Grande Evasion.
Cette partie est l’évolution de la règle de 2013 pour ne pas éliminer directement un candidat et le réintégrer dans la partie, moyennant une pénalité pour l’équipe.
Au lieu de libérer automatiquement le candidat en échange de 15″ en SdT, on va lui demander de se libérer de sa geôle le plus rapidement possible ; tout en sachant que, s’il met trop longtemps à s’évader, chaque seconde « en trop » qu’il prendra sera décomptée du temps de la SdT. Décidément, c’est vraiment trop demander à la production des années 2010 de garantir 3 minutes quoi qu’il arrive.
Avec un énorme problème à la clé : cette épreuve n’est absolument pas régulée. Donc, si un candidat met 1’30 de trop à sortir de sa geôle, il fera perdre 1’30 au chronomètre de la Salle du Trésor. Ce qui va redonner plus d’importance au Conseil que nécessaire ; sauf que là, ce ne sera pas à cause d’un mauvais calibrage de cette partie-là, mais pour rattraper les conneries de la production concernant cette Grande Evasion…
Oui, si la production avait eu l’intelligence de réguler cette partie de jeu, en disant qu’au bout de 30 secondes de trop (par exemple), on ne touche plus au chrono de la SdT, ça m’aurait sans doute beaucoup moins énervé. Mais comme il a fallu attendre 2021 pour qu’elle le fasse, et qu’elle laisse ce défaut en place pendant six ans (alors qu’il avait montré ses faiblesses évidentes dès sa mise en place…), comment voulez-vous que j’aie du respect pour ces gens-là.
Le candidat a une minute pour faire son parcours ; mais s’il est trop long, le chronomètre en bas à droite va basculer dans le négatif, ce qui fera du temps en moins…
Et la Salle du Trésor dans tout ça ? Eh bien, on est très loin du point d’orgue qu’on avait à l’origine.
Le nombre de candidats présents dedans ? Vu qu’il n’y a plus d’oubliette, et que les candidats ont rarement besoin de faire plus d’un ou deux sacrifices, l’impact sur le gain final ne va pas être énorme.
Le mot-code ? Bâclé. Bon, ça arrive parfois qu’il donne un peu de fil à retordre à l’équipe, mais c’est davantage l’exception que la règle, la plupart du temps c’est plutôt une formalité, surtout avec les premiers sacrifices.
Le temps ? Ah, là, pour le coup, c’est vraiment lui qui est le plus mis en avant, ou plutôt le fait que l’équipe n’en a généralement pas beaucoup, d’autant plus compte tenu de tout ce qu’elle a à faire… ce qui rend la séquence au final plus bâclée qu’autre chose. Et encore une fois, le fait d’avoir une balance plus généreuse donne l’impression d’avoir voulu maladroitement tenter de rattraper les conséquences de ce problème de gestion temporelle.
Même dans la mise en scène, en demandant aux candidats le ressenti de leur aventure avant qu’elle ne commence, on a l’impression que la production n’en a en fait rien à battre de cette partie du jeu… alors comment voulez-vous qu’on la considère comme une apothéose, si elle est traitée par la production comme une corvée ménagère ?
Bref, les seules fois où la Salle du Trésor a réussi à se rendre intéressante durant cette période-là, c’étaient les quelques fois où les candidats n’avaient pas trouvé le mot-code (si, si, ça arrive !), avec des séquences d’ailleurs assez insolite dans le lot. Mais ça ne rattrape pas les fois où cette partie du jeu a donné l’impression d’avoir été traitée par-dessus la jambe.
Regardez-moi ce chrono minable. 1’30 en Salle du Trésor. Même de 1995 à 2000 où c’était théoriquement possible, ce n’était jamais arrivé ; et pourtant, à l’époque, on aurait pu se le permettre, vu qu’on avait moins d’actions à réaliser en Salle du Trésor. Mais là, histoire de quand même montrer l’équipe limitant la casse, on va juste totalement bâcler cette partie-là. C’est vraiment du foutage de gueule total.
A côté de ça, on a certes des nouvelles parties de jeu ça et là, avec un impact plus bénin sur le résultat final… mais qui ont l’inconvénient de ne concrètement pas servir à grand-chose.
Le Droit d’entrée de 2015 ? Une repompe sans impact de celui de 2002, même si comme celui-ci, il renforce la mise en scène quant au côté « imprenable » du Fort (et au moins, il ne dure qu’une seule épreuve, lui…).
La Cage ? Une rallonge inutile de la partie clés, qui n’est justifiée que par le fait qu’on n’en demande désormais plus seulement 7. Et qu’on sacralise sans raison particulière, juste parce qu’on avait encore d’autres people à montrer (du moins jusqu’en 2017) et une ex-Miss France à rentabiliser.
La Salle des Aventures ? Du blabla et un prétexte pour montrer des séquences sensationnalistes. On avait juste une cinématique jusqu’en 2015 pour ça, et ça suffisait largement.
Le Willymix ? Oulà, je risque de devenir grossier, là… mais bon, outre le fait que l’épreuve en elle-même était d’une abyssale et nauséabonde affliction et la pire insulte que la production n’ait jamais faite à cette émission (et ce n’est pas peu dire vu ce qu’elle a fait à côté de ça…), son enjeu est ultra naze. Un joker pour remplacer un candidat qui ne se sent pas de faire une aventure ? Foutage de gueule, on remplaçait déjà des candidats qui ne se sentaient pas de faire une aventure dans les années 90-2000 sans avoir besoin de ce genre de truc ! En plus, c’est complètement optionnel pour les candidats, est-ce que ça vaut la peine qu’un candidat se prenne plein d’immondices dans la tronche ou finisse aux urgences à cause d’un piment force 10 pour un gadget qui ne sera au final potentiellement pas utilisé ? Non, sincèrement, ce truc n’était vraiment qu’un prétexte pour que la prod puisse mettre sur un piédestal l’une de ses débilités les plus consternantes, et je lui fais bien trop d’honneur en ne serait-ce que mentionnant son existence !
Le Willymaton ? C’est moins pire que ce que je viens de citer, mais ça reste largement dispensable, étant donné que ça reprend l’un des deux objectifs du Jugement. Pire que ça : pour s’assurer de rentabiliser Rovelli, ça va davantage inciter la production à vouloir générer des prisonniers gratuitement…
Bon, ok, ces ajouts « inutiles », ce n’est pas neuf, on avait déjà ça auparavant (droit d’entrée de 2002, parcours de libération des prisons de 2005 à 2008, Salle des empreintes de 2006…), parfois avec la volonté de rentabilisation (parcours de libération là encore…) ; mais là, on sentait la volonté de rembourrer le format artificiellement, pour lui faire tenir une durée plus importante. Ce qui a rendu au passage les émissions plus ennuyeuses et interminables…
Et puis, surtout, on soignait davantage leur intégration dans la mécanique globale, là où les nouvelles parties depuis 2015 font surtout office de « faire-valoir » pour certains personnages (et clairement pas les meilleurs…) et donnent pour certaines l’impression d’avoir été intégrées au forceps, parce que la production souhaitait rajouter du contenu additionnel sans trop savoir comment le rajouter de la bonne façon.
Conclusion
C’était un article assez long ; mais c’était difficile de synthétiser de façon plus concise toutes les nuances de la formule de jeu que Fort Boyard a pu expérimenter depuis plus de 30 ans. Et encore, si j’avais continué au-delà, j’aurais pu parler des « Atouts » du Père Fouras introduits en 2022, ainsi que leur impact sur la mécanique globale ; mais ce sera peut-être pour une autre fois.
Bref, tout ça pour dire que c’est important non seulement de réussir sa séquence finale dans ce genre de formule, mais aussi de ne pas négliger l’impact des parties précédentes sur celle-ci.
Car au final, c’est en ça que la production des années 2010 n’a rien compris à ce qui faisait la force de la mécanique globale de Fort Boyard, et a juste contribué à le traiter comme un enchaînement lambda d’épreuves disparates. Considérer que la réussite du format n’était due qu’à ses épreuves prises individuellement, et que la cohérence globale n’était que secondaire, en tirant trop sur la corde d’un seul et unique paramètre déterminant la conclusion, c’était le piège dans lequel cette production s’est embourbée.
Au final, par cet échec, les années 2010 m’ont fait réaliser à quel point la formule de base de Fort Boyard était aussi bien pensée ; et à quel point la négliger pouvait donner un résultat calamiteux.