En tant qu’œuvres accessibles à un large public, les programmes télévisuels peuvent être susceptibles de générer des polémiques ; et ce, pour diverses raisons. Caractères discriminatoires, propos diffamatoires, atteinte à la dignité humaine, comportements indécents, irresponsabilité, manque de maîtrise de l’antenne… c’est dingue, j’ai l’impression d’avoir résumé Touche pas à mon poste, là.
Toutefois, ces polémiques n’arrivent jamais par hasard ; d’autant plus alors que la parole se libère davantage, et que la société évolue. Et ce qui pouvait être perçu à une certaine époque comme acceptable ne l’est plus forcément aujourd’hui.
Et Fort Boyard, en tant qu’œuvre télévisuelle ayant traversé plus de trois décennies, ne pouvait évidemment pas y échapper. Bon, vous me direz que Des chiffres et des lettres n’a (à ma connaissance) jamais connu de polémique en cinq décennies ; mais bon, avec un programme composé majoritairement d’anagrammes et de calculs, le risque était minime.
Bref, nous sommes à une époque où, comme je le disais, la parole se libère davantage, et certaines causes qui importaient moins 30 ans plus tôt sont devenues davantage vocales. De fait, ces dernières années, on a eu droit à pas mal de polémiques, de plusieurs genres : certaines critiquant des aspects qui étaient présents depuis belle lurette ; d’autres critiquant des nouveautés plus récentes.
Et je tiens à le préciser : car, même si c’est toujours un “plaisir” pour moi de tirer à boulets rouges sur la production de ces dernières années (étant donné que je ne leur pardonne pas – et ne leur pardonnerai jamais – la déliquescence qualitative du programme) ; je ne vais certainement pas le faire au sujet d’aspects pour lesquels ce n’est pas justifié. Mon but est vraiment de faire de la critique constructive avant tout. Et sur certaines de ces polémiques, je suis même prêt à la défendre (pour une fois).
Pour cet article, j’ai donc fait une sélection (non exhaustive) de sujets polémiques au sujet de l’émission, qui concernent différentes périodes du programme, et pour lesquelles je vais soit être d’accord, soit en désaccord, soit entre les deux.
On verra donc si elles sont méritées ou non, et si on peut passer outre.
L’utilisation des animaux
On va commencer par la polémique… qui m’inspire le moins, et sur laquelle j’aurais le moins de choses à dire.
Oui, Fort Boyard montre des animaux, et ce depuis sa toute première saison.
Leurs rôles se répartissent généralement en deux catégories :
- Soit ils interviennent dans des épreuves, afin de tester le self-control des candidats : ce qui est le cas notamment des serpents, araignées, scorpions, rats, insectes, etc. ;
- Soit ils sont présents de façon plus “décorative”, le plus souvent en tant que prolongement d’un personnage donné (le chien de La Boule, l’aigle de la Bohémienne, le python de Blanche…) ; quand ce n’est pas le personnage qui sert de prolongement aux animaux, le cas le plus évident étant les tigres de la Salle du Trésor, domptés par Félindra.
Notons au passage que ces deux rôles ne sont pas mutuellement incompatibles : ainsi, les tigres ont principalement servi d’élément immersif, pour montrer que le Trésor est bien protégé ; mais ils ont aussi servi plus activement à l’épreuve de la Cage aux Tigres (en 1997-1998) puis à celle du Safari (2014-2021).
On peut également citer les rats, qui servent principalement à perturber les candidats ; mais qui ont également servi à la séquence de Ratman (1992-1996), en tant que moyen plus “boyardesque” de faire un tirage au sort (plutôt que de faire un simple pile ou face).
L’utilisation des animaux n’a pas spécialement posé problème lors des premières saisons, voire des premières décennies ; mais, par la suite, les mœurs ayant évolué, ce fut un aspect de plus en plus critiqué. En particulier pour les animaux sauvages comme les tigres.
Tigres qui ont fini par disparaître en 2022, remplacés par… des images de synthèse, pas particulièrement réussies de surcroît.
Bon, personnellement, quand je disais que c’était la polémique qui m’inspirait le moins, c’est parce que je suis effectivement sensible à la cause animale, dans une certaine mesure ; toutefois, je ne suis pas dérangé outre-mesure par l’utilisation d’animaux dans l’émission.
A condition, bien évidemment, d’avoir la garantie que ceux-ci sont bien traités ; ce qui m’a semblé être le cas la plupart du temps, d’après les reportages et séquences de coulisses que j’ai pu voir.
Cependant, dans certains cas de figure, ce n’est pas toujours l’impression que j’ai eue ; et à ce niveau-là, on peut citer certaines épreuves en particulier où je trouve que la production n’a pas été très fine.
Pour ça, je vais me permettre un petit aparté sur les épreuves animalières, en les répartissant en plusieurs catégories :
- Les épreuves où le candidat approche les animaux de lui-même : par exemple, les Araignées et scorpions, où il doit saisir des araignées et des scorpions, afin d’extraire un petit papier sur lequel se trouve l’indice ; ou encore le Croco-World (pour prendre un exemple plus récent), où le candidat va de lui-même s’introduire dans un bassin où se trouvent des reptiles (même s’il n’a pas besoin d’y toucher, il doit cependant cohabiter avec, mais de sa propre initiative).
- Les épreuves où ce sont les animaux qui sont envoyés sur le candidat : par exemple, le Brancard, où on envoie sur le candidat allongé des araignées et des scorpions qui lui tombent dessus ; ou encore l’Entraînement sous-marin, où des anguilles ou des serpents sont relâchés dans l’eau pendant que le candidat fait son épreuve.
J’ai tenu à faire cette distinction, car elle influence beaucoup la façon dont les animaux peuvent être potentiellement manipulés par les candidats.
Dans le premier cas, on est sur une approche plus respectueuse. Les candidats ne sont pas pris par surprise, ils peuvent se préparer psychologiquement à cohabiter ou manipuler avec les animaux, et donc le faire avec soin et respect. On peut même y voir une approche un peu plus positive, en renvoyant le message qu’il ne faut pas se fier aux apparences, et qu’il n’y a rien à craindre de ces animaux. Du moins, dans le contexte de l’émission, où la sécurité est prise au sérieux ; n’essayez évidemment pas de faire ça en pleine nature en prenant le premier serpent venu, surtout si vous ne savez pas s’il est venimeux ou non…
Dans le second cas, en revanche, on est sur une approche où les candidats se retrouvent plus stressés… et les animaux aussi, vu la façon dont on les prend en considération.
Outre le fait que je trouve cette approche beaucoup plus violente et putassière pour jouer avec les phobies des candidats (qui est déjà largement condamnable à mes yeux), cette approche renvoie vraiment l’impression que les animaux sont surtout des moyens de mettre les candidats mal à l’aise ; et ça n’en renvoie pas une image positive.
Et personnellement, je trouve que c’est surtout cette approche-là qui renvoie une mauvaise image de l’utilisation des animaux dans l’émission.
Soit dit en passant, même si ces deux types d’épreuves ont plus ou moins toujours existé durant toute l’histoire de l’émission, il y a quand même eu deux périodes assez distinctes concernant leur utilisation.
Ainsi, jusqu’en 2010, ces épreuves animalières partaient davantage sur la première approche (laisser le candidat venir aux animaux), et la seconde était beaucoup plus ponctuelle (on peut citer le Droit d’entrée de 2002 et les asticots qui tombent sur la tête du candidat dans la Tête chercheuse, mais il n’y a pas grand-chose d’autre qui me vienne à l’esprit).
Tandis que, par la suite, la seconde approche (envoyer les animaux sur le candidat) est devenue plus fréquente (dès 2011, on a eu le Brancard, ainsi que la Cabine abandonnée ; puis, par la suite, d’autres tentatives comme le Spa). Sans pour autant gommer la première approche, qui restait encore assez utilisée (Maison de poupées, Zoo, Croco-world…) ; mais la seconde a (hélas…) davantage marqué les esprits.
Bref, vous me voyez venir : les décennies post-2010 sont consternantes.
Mais bon, pour ne prendre aucun risque de polémique, on peut aussi se poser la question : est-ce que les animaux sont indispensables à Fort Boyard ?
Je pense que la réponse est assez subjective. Pour la plupart des gens, je pense que ce sont des éléments d’ambiance cultes, et que leur absence totale serait un grand vide.
En ce qui me concerne… pas forcément. Bon, j’aurais quand même un peu de mal à me l’imaginer ; mais comme FB est un programme que j’apprécie (enfin, plutôt appréciais…) pour des raisons très diverses, le fait de retirer cet ingrédient-là en particulier ne me ferait pas revoir le programme à la baisse outre-mesure.
En outre, je vous avoue que les épreuves animalières n’ont jamais été mes épreuves préférées ; ou, du moins, ce n’est pas l’utilisation d’animaux que j’en ai retenue.
En effet, parmi les épreuves animalières cultes des années 90-2000, je retiens notablement la Tête chercheuse, les Araignées et scorpions, ainsi que la Fosse aux serpents ; mais, assez paradoxalement, pas forcément pour leur utilisation des animaux. C’est surtout leur ambiance qui m’a marqué, avec la façon d’habiller les épreuves (aussi bien visuellement que musicalement) et de les mettre en scène.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai trouvé les épreuves animalières post-2010 souvent plus insipides et moins marquantes (à quelques exceptions près comme la Maison de poupées, mais qui est pour moi davantage une évolution des Araignées et scorpions de l’époque). Outre leur prolifération qui les rend moins notables, je trouve que quelque chose s’est perdu dans leur mise en scène ; et que la production a un peu trop mis l’accent sur les réactions phobiques des candidats (et la volonté de faire du buzz) au détriment de l’esthétique des épreuves. Ce qui est assez ironique, quand on voit que la production post-2010 sait pourtant faire des décors immersifs, alors que ce n’était pas spécialement la préoccupation de la production pré-2010…
Le sexisme ordinaire
On va entamer un assez gros morceau, avec deux cas particuliers que je traiterai à part.
Beaucoup d’épreuves ont été imaginées depuis 1990 ; toutefois, elles n’ont pas toujours fait preuve de parité, jusqu’à il y a peu (oui, pour une fois, je ne vais pas trop taper sur la production des années 2010-2020… mais elle ne sera pas complètement exempte de défauts, j’y reviendrai).
Parmi les épreuves les plus anciennes, il n’est effectivement pas rare de voir des épreuves qui ont été quasi-exclusivement soit masculines, soit féminines.
Par exemple, les épreuves de force ont été le plus souvent attribuées à des hommes ; mais elles auraient aussi pu l’être à des femmes (ce qu’elles ont parfois été). De même, les épreuves d’agilité ont plus souvent été attribuées à des femmes.
Pour les exemples que je viens de citer, ce n’est pas très choquant ; et, à ma connaissance, ça n’a jamais soulevé de polémique.
Notons toutefois que, depuis quelques temps, certaines épreuves jusqu’alors attribuées à un genre en particulier, ont fini par avoir un équivalent pour l’autre genre. Je peux citer la Lutte dans la boue (j’y reviendrai), ou encore le duel du Poids au Conseil depuis 2016. Pour celui-ci, le Père Fouras précisait d’ailleurs au départ, lorsqu’il s’agit d’une candidate, qu’elle va défier un Maître femme. Bon, je pourrais chipoter sur le fait qu’on ne fait pas la précision inverse… mais c’est mineur. En outre, comme j’ai beaucoup moins suivi le programme par la suite, c’est possible qu’il ne fasse plus la précision.
Mais parlons plutôt d’épreuves où l’attribution genrée n’est pas vraiment justifiée.
Par exemple, les Jarres. Jouée 102 fois, dont seulement 5 par des hommes… étant donné que la seule qualité requise pour cette épreuve est le cran, il y a clairement eu des arrière-pensées à ce niveau-là ; autrement, le pourcentage de candidats masculins n’aurait pas été aussi faible que ça. Sans doute parce que les réactions des candidates étaient jugées plus spectaculaires ? Je n’en serais pas étonné…
Et a contrario, je viens de citer une épreuve déplaisante jouée uniquement par des femmes ; mais certaines épreuves jouées uniquement par des hommes étaient plutôt plaisantes, elles…
Parlons rapidement du Labyrinthe obscur, qui est une très vieille épreuve datant de l’année d’ouverture, et qui a été jouée pour la dernière fois en 2000.
Lors de sa première année, elle est mixte (et légèrement plus jouée par des femmes) ; et il n’y a rien de notable, du moins par rapport au sujet de l’article. Le but est d’arriver au bout du labyrinthe plongé dans le noir, en s’aidant des indications des coéquipiers, pour trouver la clé au bout, avec une lampe torche qui permet de revenir plus rapidement au point de départ.
En revanche, à partir de 1991, elle devient exclusivement masculine. Le principe évolue, car on y introduit un fil d’Ariane (et encore, pas toujours), et l’épreuve qui était alors jouée pour une clé l’est maintenant pour un indice. Indice qui se trouve peint sur… le corps d’une femme nue, recouverte de peinture.
Ouaip, ça ne passerait clairement plus aujourd’hui, ça. Alors, que ce soit une femme, ce n’est pas sexiste, dans la mesure où il s’agit d’une référence mythologique (le fil d’Ariane qui a permis à Thésée de sortir du Labyrinthe). Qu’elle soit nue, en revanche… je ne crois pas que le mythe l’ait précisé, ça. Bref, ce détail-là semblait gratuit.
Mais le pire exemple vient très certainement de l’épreuve nommée “Colin-Maillard”, présente exclusivement en 1990.
Dans cette épreuve, un candidat (exclusivement masculin, bien sûr) entre dans une cellule éclairée en lumière noire ; et doit trouver la clé cachée dans… l’un des maillots portés par les mannequins présents dans la cellule. Et par “mannequins”, j’entends à la fois des mannequins de magasins (donc totalement immobiles), mais aussi de vraies femmes. Le candidat ne peut pas vraiment distinguer les deux, à cause de la lumière noire.
Que dire… en fait, pour paraphraser l’un de mes amis, on aurait dit que l’un des membres de la production avait voulu mettre son fantasme dans une épreuve, et voilà le résultat. Sincèrement, le seul intérêt de cette épreuve, c’est vraiment juste le fait de voir un candidat tripoter des figures féminines. On était clairement sur quelque chose d’ouvertement sexiste, et dont le côté sexiste était la seule raison d’être de cette épreuve. Bon, je pourrais dire qu’il y a aussi l’ambiance en lumière noire, ainsi que la superbe musique d’accompagnement (chose rare en 1990) ; mais on les retrouvait dans une autre épreuve nommée Topkapi, et qui avait un principe bien plus intéressant. Donc ce n’est clairement pas une grosse perte d’avoir supprimé le Colin-Maillard.
Mais sinon, comme je le disais, le sexisme issu de la conception ou de l’exploitation de ces épreuves a fini par se diluer avec le temps. C’était surtout quelque chose qu’on retrouvait dans les années 90 ; puis, par la suite, ça devenait davantage des reliquats de cette période-là. Jusqu’à ce que les épreuves problématiques finissent par disparaître, ou être adaptées.
Toutefois, il y a encore deux exemples notables de sexisme ordinaire dont je n’ai pas parlé. Et pour cause, ils méritaient que j’entre plus en détail à leur sujet…
Les cylindres
Ah ben oui, il fallait bien que j’en parle, de celle-là.
Forcément, c’est une épreuve culte de l’émission (à tel point qu’elle avait même eu droit à sa propre compilation dans le best-of de 2004…) ; toutefois, la raison pour laquelle elle l’est (les décolletés…) n’est pas particulièrement glorieuse.
Mais le pire, c’est que ce n’était même pas l’effet voulu dès le départ !
Pour ça, présentons un peu l’historique de l’épreuve.
Celle-ci est créée en 1993 ; et est restée pendant 25 ans sur le Fort, jusqu’en 2017, où ce fut sa dernière année. Sa suppression en 2018 avait d’ailleurs fait parler.
Mais l’épreuve en elle-même n’avait pas beaucoup changé. Le concept restait le même ; et les quelques différences qu’on pouvait avoir d’une année à l’autre étaient assez superficielles. On a ainsi eu des décors plus spécifiques en 1994 (plus industriel) et de 2011 à 2017 (avec la thématique fête foraine) ; certains cylindres ont été intervertis (parfois davantage espacés) ; et la façon de filmer n’a pas toujours été la même.
Et c’est d’ailleurs sur ce dernier point que j’aimerais m’étendre davantage.
En effet, en 1993, les fameux plans sur les décolletés n’existaient tout simplement pas, ou du moins étaient plus discrets. L’épreuve était filmée soit sur le côté, soit par l’arrière.
Ce n’est qu’à partir de 1994 que le cadrage de l’épreuve change, pour filmer le/la candidat(e) par l’avant.
En revanche, durant cette saison-là, les candidates disposaient d’un T-shirt ras du cou ; par conséquent, il n’était pas question de se rincer l’œil. Idem pour la saison 1995, où les tenues des candidates n’étaient pas spécialement aguicheuses et ne permettaient pas le coup d’œil là où on le pensait (d’ailleurs, les tenues des candidats étaient plutôt moches de façon générale cette année-là…).
Et, enfin, détail d’importance : au début, l’épreuve était mixte. En 1993, sur les 5 apparitions de l’épreuve, 2 ont été exécutées par des hommes ; il en fut de même en 1994 ; et en 1995, il n’y a eu que des femmes, mais l’épreuve n’a été jouée que 3 fois, donc ça se remarquait moins.
En revanche, c’est à partir de 1996 que l’épreuve va commencer à marquer les esprits. Ce ne fut d’ailleurs pas la seule à devenir culte cette année-là, alors que l’épreuve existait déjà. En effet, le Tapis Roulant avait été créé un an plus tôt ; mais c’est vraiment en 1996 que l’épreuve commence à acquérir un statut culte. Pas assez de gamelles en 1995, j’imagine…
En fait, c’est à partir de 1996 que la production va avoir l’idée de capitaliser sur le potentiel atout sexy de l’épreuve. Ce qui était pas mal aidé par le fait que les candidates avaient hérité de tenues plus échancrées… et qui facilitaient donc le rinçage d’œil pour ces messieurs.
Et même si on a encore eu un homme qui a fait l’épreuve cette année-là, ce fut le seul sur les 12 candidat(e)s à la faire, donc ça restait vraiment marginal.
La suite, vous la connaissez : l’épreuve est devenue exclusivement féminine, et associée aux décolletés des candidates qui passent dessus.
Il y a toutefois eu deux exceptions : l’une en 2001, et l’autre en 2017.
En 2001, ce fut le capitaine d’équipe (Maxime) qui réalisa l’épreuve. Cette configuration fut permise par le fait que, durant la période 1998-2002, c’était le capitaine qui choisissait quel membre de l’équipe allait faire l’épreuve suivante. Jusqu’en 1997, de 2003 à 2009, ainsi que depuis 2011, c’est la production qui décide qui fait quoi.
Bon, cependant, ça faisait quand même 6 saisons (de 1998 à 2002 ainsi que 2010) durant lesquelles il était possible d’envoyer un homme faire l’épreuve… alors pourquoi ce n’est arrivé qu’une seule fois ? Le stéréotype encore trop ancré, probablement…
D’ailleurs, pour l’anecdote, Cendrine Dominguez (la co-animatrice de l’époque) fut vraiment étonnée que Maxime se soit porté volontaire pour faire l’épreuve ; à tel point qu’elle a insisté sur le fait que c’était la première fois qu’elle voyait ça. Bon, elle avait visiblement eu un bon gros trou de mémoire, puisqu’elle était déjà là depuis 1993, et que c’était donc le sixième candidat masculin à faire l’épreuve devant elle…
D’ailleurs, ce chiffre de six candidats masculins, la production post-2011 a bien aimé le mettre en avant pendant un bon moment.
En effet, depuis 2013, la production met régulièrement des informations complémentaires qui s’affichent pendant les épreuves. Ici, en l’occurrence, le fait que l’épreuve a déjà été jouée par des hommes, insinuant qu’elle est donc réellement mixte. Ce à quoi j’ai envie de répondre : “Eh bien, qu’est-ce que vous attendez pour remettre un homme dedans, si vous l’affirmez fièrement ?”. Parce que, jusqu’en 2016, on n’a toujours pas revu d’homme sur les Cylindres dans la version française !
Il aura donc fallu attendre 2017 pour en revoir un (et un seul) ; et ce fut… Vincent McDoom.
Alors, loin de moi l’idée de vouloir paraître discriminant à mon tour (je ne pense aucun mal de la personne) ; mais… ce choix m’a renvoyé la fâcheuse impression que non seulement la production n’assumait pas complètement le fait de rendre cette épreuve à nouveau mixte ; mais qu’en plus de ça, elle encourageait un autre stéréotype de genre par la même occasion (dont FB avait d’ailleurs été davantage préservé, depuis le temps…).
Je pense que si on avait eu d’autres hommes dans cette épreuve la même année, je ne me serais pas fait cette réflexion. Mais on n’en a pas eu. Et on n’a plus eu l’occasion d’en avoir par la suite, puisque ce fut la dernière année de l’épreuve.
En outre, si je me permets cette affirmation, c’est parce que le cas de l’épreuve suivante a confirmé mon ressenti… on en reparle juste après.
Bref, que conclure au sujet des Cylindres ?
Eh bien, que la façon grossière dont elle a été mise en avant par la production à partir de 1996 fait qu’on la retient finalement pour les mauvaises raisons ; alors qu’elle méritait mieux, même si elle n’aurait sans doute pas duré aussi longtemps sans cet aspect-là.
Car, en tant que concept pris indépendamment, ça reste une bonne épreuve. Même si elle est très difficile (avec un taux de réussite de seulement 14%), elle reste une épreuve qui met en avant l’équilibre du candidat, ainsi que ses capacités de concentration.
De fait, l’avoir supprimée en 2017 donnait l’impression qu’en dehors de son aspect sexy, l’épreuve n’avait pas grand intérêt. Alors qu’on aurait tout simplement pu renforcer la mixité, filmer l’épreuve différemment, ou ne pas réserver l’épreuve aux porteuses de décolletés, si on avait vraiment cherché à prouver le contraire…
Le pire dans tout ça, c’est que l’épreuve pouvait d’ailleurs très bien être réalisée sans pour autant serpenter lascivement sur les cylindres, car certains candidats ont fait l’épreuve… en marchant carrément dessus ! On a notamment pu voir ça dans la version suédoise de l’émission, avec un candidat qui avait réalisé l’épreuve de cette façon-là en 1994.
Dans la version française, certain(e)s avaient essayé brièvement… mais furent rapidement dissuadé(s) par la co-animatrice, qui insistait sur la dangerosité de cette façon de procéder. Ça aurait pu être crédible… si on ne l’avait pas vu faire ça dans une bande-annonce l’année de son arrivée…
La lutte dans la boue
Autre classique de l’émission, et autre épreuve à avoir fait parler d’elle : la Lutte dans la boue.
Contrairement aux Cylindres, cette épreuve a cependant eu une diffusion plus irrégulière, avec davantage d’interruptions depuis sa toute première apparition en 1990. En 1993, elle était présente sur le Fort, mais non diffusée ; en 2000, elle fut supprimée, avant de revenir l’année suivante à un autre emplacement ; en 2007, elle fut de nouveau supprimée, pour revenir en 2011 ; idem en 2020, pour revenir en 2022.
Les causes de ces suppressions/mises en pause furent variées. En 2000, c’était à cause de la corrosion des murs provoquée par la présence de la boue (la solution fut trouvée en 2001 pour éviter que les murs ne soient touchés) ; en 2007, parce que l’épreuve devenait vieillissante ; et en 2020-2021, parce que l’épreuve n’était pas compatible avec les normes sanitaires en vigueur.
La raison pour laquelle elle ne fut pas diffusée en 1993, en revanche, est plus intéressante : car c’était la direction de la chaîne (d’après les dires de Patrice Laffont, il se serait agi d’Hervé Bourges) qui s’était opposée à sa diffusion, jugeant l’épreuve dégradante pour les femmes. Comme quoi, même à l’époque, elle faisait polémique ! Mais, visiblement, ça ne sera pas allé bien loin, puisque l’épreuve réapparaîtra l’année suivante, sans connaître d’évolution particulière qui l’aurait rendue moins critiquable.
Et comme pour les Cylindres, le problème vient du fait qu’on a vraiment cherché à n’en faire quasiment rien d’autre qu’un moyen de se rincer l’œil pour ces messieurs (du moins jusqu’à récemment), alors que le principe n’est pas inintéressant au-delà de ça.
Ce qu’on avait pourtant réussi à faire dans une version étrangère. Car figurez-vous que dans la version suédoise (encore elle), l’épreuve avait déjà jouée avec un homme, face à un lutteur… en 1992 ! Comme quoi, c’était totalement possible, et que la mainmise féminine n’était pas justifiée !
Bon, comme pour les Cylindres, on aura cependant eu une exception, cette fois-ci en 2002 ; où ce fut le candidat Douglas (de l’équipe de Bruno Salomone) qui fut choisi pour affronter la lutteuse. A nouveau, les candidats étaient désignés par le capitaine d’équipe, ce qui a permis cette configuration-là. Certes, on pourrait se dire que, tant qu’à faire, autant prévoir un lutteur masculin… mais j’imagine que la production ne s’était pas attendue à ce qu’un capitaine d’équipe ne choisisse pas d’envoyer une femme. De toute façon, ça pouvait encore passer, dans la mesure où le gabarit du candidat était plutôt équivalent à celui de la lutteuse.
On aura cependant attendu moins longtemps pour revoir des hommes dans cette épreuve que pour les Cylindres ; puisqu’en 2013, l’épreuve met en place deux nouvelles variantes. Que l’on peut d’ailleurs compter techniquement comme des épreuves à part, ce que font certains fansites de l’émission.
Dans la première, c’est cette fois-ci un lutteur (enfin, plutôt un homme fort, techniquement, parce que son gabarit est beaucoup plus adapté aux épreuves de force qu’à celles d’agilité…) qui est déjà présent dans la cellule ; mais il est assis sur un coffre, dans lequel se trouve la clé. Et pour l’y déloger, on envoie deux candidates.
Ça se passe de commentaires. Mais bon, l’épreuve n’aura été diffusée que 6 fois au total (de 2013 à 2016), et sera rapidement tombée dans l’oubli.
La deuxième variante, c’est la “Double lutte”. Comme son nom l’indique, il y a cette fois-ci un binôme de lutteurs, avec un lutteur (à nouveau, plutôt homme fort…) et une lutteuse ; et deux candidats pour les affronter, un homme et une femme.
Bon, d’un point de vue “épreuve”, c’est pas terrible. En fait, le gros problème, c’est que le suivi devient plus difficile, dans la mesure où on doit suivre deux combats au lieu d’un seul.
En revanche, je devrais me réjouir, dans la mesure où, avec un candidat et une candidate en même temps, l’épreuve devient enfin mixte, pas vrai ?
Eh bien… non, l’épreuve n’en devient pas réellement mixte pour autant.
Car à côté de ces variantes (dont une “sexiste” elle aussi…), la lutte en 1 vs. 1 continue à être jouée… mais toujours avec des combats 100% féminins. En se servant de la Double lutte comme alibi pour dire qu’il y a à présent des hommes qui la font aussi. Pourtant, à ce stade, ça aurait dû être envisageable de faire des luttes 100% masculines.
A nouveau, ça me donne l’impression que la production freine toujours des quatre fers pour rendre l’épreuve réellement mixte, comme s’ils n’avaient toujours pas envisagé de faire une lutte dépourvue de candidates… comme s’il y avait cette peur que le public ne trouve pas intéressante une épreuve avec de la boue, si on n’y met pas une femme dedans.
Et là encore, il faudra attendre 2017 pour que ça arrive… et là encore, j’ai l’impression que la production a fait pire que mieux (du moins dans un premier temps).
Parce qu’en 2017, le seul homme à avoir été envoyé dans l’épreuve (en solo) est Jeremstar ; et en 2018, le seul homme à la faire est Benoît Dubois.
A nouveau, ça m’a donné l’impression que la production a remplacé un cliché sexiste par un cliché homophobe. C’est peut-être moi qui surinterprète ; mais soit c’est vraiment un énorme hasard d’avoir choisi ces candidats-là en particulier pour les deux premières apparitions de la Lutte 100% masculine ; soit les responsables avaient une certaine arrière-pensée quant à ces choix. Je n’aurais probablement pas tiqué là-dessus si on les avait envoyés dans la Double Lutte, ou si on avait eu d’autres candidats pas ouvertement LGBT ; mais là, encore une fois, j’ai eu l’impression que la production n’assumait toujours pas de vouloir rendre l’épreuve réellement dépourvue de tout soupçon discriminatoire.
Cependant, à partir de 2019, la question ne s’est plus posée. Les luttes 100% masculines sont devenues plus fréquentes, sans se poser de questions sur l’orientation des candidats. Comme quoi, même si on a fini par y arriver, il aura fallu du temps…
Bien. J’ai fini de parler de sexisme ; passons à d’autres aspects potentiellement discriminatoires.
Le mutisme des Passe
En 2024, une annonce a été faite par la production : les emblématiques Passe-Partout et Passe-Muraille se verront désormais accorder le droit de… parler. Ce qui n’est pas vraiment une nouveauté, mais j’y reviendrai.
Mais apparemment, la décision aurait été prise un peu en réponse à certaines polémiques sur l’utilisation de personnes de petite taille dans l’émission. En particulier, l’influenceuse Doucka Volarik avait déploré qu’on « utilise des personnes de petite taille qui ne peuvent pas parler » et que la production « zoome sur leurs jambes, leur façon de courir… ».
Ce à quoi les interprètes des Passes avaient répondu que, pour eux, il n’y avait aucun problème ; voire qu’ils s’inquiétaient potentiellement que la “bien-pensance” puisse les faire quitter leur rôle (lien vers l’interview).
Un peu à l’instar de la polémique raciste au sujet de Pyramide soulevée par Quotidien il y a quelques années, où Pépita avait affirmé en réponse à celle-ci qu’elle n’en avait pas souffert lors de cette période-là.
Concernant la polémique, je peux comprendre le point de vue de l’influenceuse, qui déplore qu’à cause de l’émission, on ait tendance à surnommer les personnes de petite taille en fonction des surnoms qui leur ont été attribués dans ce contexte. Et ça, très clairement, ça devient vite gavant. Imaginez qu’on vous raconte une blague, que vous ne trouvez déjà pas drôle à la base ; mais qu’en plus de ça, on vous la serine sans arrêt tous les 3 jours… au bout d’un moment, vous avez vraiment envie de frapper votre interlocuteur.
Mais est-ce vraiment la faute de l’émission ? Pour moi, pas vraiment. Le problème vient surtout des gens qui n’ont aucun discernement, ou qui se croient spirituels de faire des blagues complètement éculées, comme le tonton beauf des repas de famille avec ses réflexions ordinairement sexistes.
En revanche, il y a un point sur lequel j’aimerais rebondir : l’aspect “qui ne peuvent pas parler”.
Pour le coup, il y avait bel et bien une raison à ça ; mais elle n’avait aucune motivation discriminatoire. C’était surtout le reliquat d’une certaine période, où quasiment tous les personnages ne pouvaient pas le faire.
En fait, pour être plus précis, Passe-Partout et Passe-Temps étaient dotés de la parole lors des premières saisons de FB. A l’instar d’ailleurs de pas mal d’autres personnages. Toutefois, leurs interventions à ce niveau-là restaient assez discrètes ; et pas spécialement indispensables au déroulement de l’émission. C’était généralement plutôt une façon de proposer quelque chose de convivial.
C’est à partir de 1995 que tous les personnages ont perdu le droit de parler.
Enfin, tous, sauf un : le Père Fouras. Pour lui, c’était pleinement justifié qu’il puisse garder le droit de parler ; autrement, pour poser les énigmes, ça aurait été beaucoup plus compliqué… D’ailleurs, outre le fait de poser les énigmes, le personnage sert également à apporter de l’interaction, et à avoir des bons mots.
En revanche, tous les autres personnages deviennent muets. Passe-Partout et Passe-Temps sont loin d’être les seuls, car on retrouve aussi La Boule, Félindra, et tous les personnages secondaires qui interviennent le temps d’une épreuve ; puis, par la suite, tous les nouveaux personnages, comme Jaba, la Sauvageonne, la Bohémienne, Lumineuse ou Mr Tchan seront également muets. A la rigueur, ils peuvent pousser des cris, mais sans plus.
C’est un parti pris que j’ai trouvé très intéressant.
D’une part, ça soulignait les talents d’acteur des interprètes ; et d’autre part, ça renforçait le côté mystérieux de l’endroit.
Et, surtout, ce qui a fait que ça a fonctionné du tonnerre, c’est que ça a été appliqué de façon systématique. Avec une seule exception clairement identifiable, et qui tirait le meilleur parti de son droit à la parole, la rendant davantage notable.
Sans pour autant que les autres personnages ne s’en trouvent lésés, loin s’en faut. Pour ma part, c’est justement parce qu’ils ne parlaient pas, que je les ai trouvés encore plus mémorables. La Bohémienne avec ses danses, Jaba qui s’amusait à effrayer les candidats, Mr Tchan et son stoïcisme… je pense qu’on aurait vraiment perdu au change si on les avait autorisés à parler.
Au passage, la saison 1 de District Z avait adopté un parti pris similaire, avec uniquement le personnage du Majordome qui interagissait avec les candidats en parlant, tandis que tous les autres personnages étaient muets.
Et ça rendait très bien. J’ai même eu un petit frisson de nostalgie en voyant l’un de ces personnages véhiculer ses émotions uniquement par sa gestuelle et ses expressions faciales. Je vous jure, c’est un aspect qui m’a vraiment manqué dans Fort Boyard depuis les années 2010.
Bref, à nouveau, vous voyez où je veux en venir : la décennie 2010 a encore fait n’importe quoi, comme d’habitude. Bon, dit d’une façon moins péremptoire : elle a fini par délaisser ce parti pris, et opter pour une autre approche artistique. Du moins, si on peut appeler ça une approche artistique…
Ainsi, en 2011, trois nouveaux personnages apparaissent ; dont deux qui parlent.
Le premier est Luciole, qui apparaît exclusivement dans le cadre de la Cellule Interactive. Sa parole est cependant limitée, elle se contente d’expliquer de façon robotique le principe de l’épreuve, puis une fois celle-ci lancée, elle disparaît. Ce n’est pas spécialement gênant, dans la mesure où ça reste des séquences pré-enregistrées.
Le second est Blanche, qui gère la nouvelle partie intermédiaire, et qui présente les défis que les candidats devront relever. Ça a pu être choquant au début… mais, finalement, ça pouvait encore passer. C’est le fait de la cantonner uniquement à cette partie du jeu, dans un endroit qui semble totalement à part, qui fait qu’on peut encore accepter cette entorse au mutisme.
Bref, en 2011-2012, on commençait à sortir doucement de la règle du mutisme pour tout le monde (hors Père Fouras) ; mais ça pouvait encore passer. Les personnages muets restaient encore suffisamment présents pour qu’on puisse tolérer quelques exceptions clairement identifiées.
C’est en 2013 que les choses ont commencé à se gâter, avec… l’apparition des personnages incarnés par des people.
Grrrr… bon, avant de réciter le dictionnaire des gros mots (parce que je trouve que c’est vraiment la pire évolution que le programme n’ait jamais eue), je précise toutefois que mon problème ne vient pas du fait que les personnages introduits depuis 2013 sont quasi-systématiquement devenus parlants. C’est un parti pris qui est juste décevant et moins porteur en comparaison de l’approche opérée en 1995-2010 ; mais pas affreux en soi.
En revanche, l’énorme problème, c’est que ces nouveaux personnages ne répondent à aucune approche artistique valable. Mais vraiment, absolument aucune. Pour la majorité d’entre eux, on assume totalement que ce sont des célébrités, en les faisant parfois jouer sous leur propre identité, comme s’ils avaient juste vu de la lumière et étaient entrés dans la pièce comme ça.
Bref, vous pouvez oublier le côté mystérieux du Fort et de son univers, parce qu’il vient complètement de passer aux chiottes (désolé du terme, mais vraiment…) avec une décision pareille.
Mais c’était le but recherché par la production, nettement plus soucieuse de faire du buzz avec ce genre de personnages, que d’avoir une véritable approche artistique.
Or, désolé, mais moi, je ne regarde pas FB pour voir des people faire leur one-man-show pendant des épreuves qui ont été taillées sur mesure pour eux, et qui foutent complètement en l’air la diégèse de l’émission, parce que la production juge que son public est incapable de s’y intéresser sans ça.
BREF. Pour en revenir au sujet, le problème, c’est que la gestion des personnages s’est faite à deux vitesses.
On a certes continué à avoir des personnages muets, car leur rôle ne justifiait pas de les faire parler (en particulier les différents lutteurs) ; en revanche, ils passaient nettement plus au second plan, par rapport aux personnages parlants davantage mis en valeur.
Et c’est malheureusement valable pour les personnages “historiques” restés muets. Bon, certes, Passe-Muraille a été bien plus mis en avant depuis 2011 (et pas que pour le mieux…) ; mais il est resté muet. Quant aux autres, soit ils sont restés muets eux aussi, soit ils sont… morts (RIP La Boule).
En fait, on sent qu’à l’exception de Passe-Muraille là encore, ces personnages n’intéressent plus vraiment la production, qui préférait mettre l’emphase sur ses nouveaux personnages people. De fait, ils sont restés dans leur jus, sur la même ligne de conduite que celle qu’ils ont toujours eue.
Manque de chance, il a fallu que ça tombe notamment sur les personnes de petite taille ; ce qui fait que, pour quelqu’un qui suit l’émission depuis peu, et qui n’a pas tout l’historique que je viens de citer, ça peut passer pour un aspect discriminatoire.
En revanche, si l’émission n’avait pas dévié de son parti pris artistique de 1995-2010 à ce sujet, ou qu’elle n’avait pas géré ses personnages en mode deux poids deux mesures, il n’y aurait rien eu de choquant quant au fait d’avoir des Passe muets.
Bref, pour moi, c’est clair que la production ne cherchait pas la polémique à ce sujet. Tout comme pour le cas suivant, d’ailleurs…
L’Asile (ou Cellule capitonnée)
En 2017, une nouvelle épreuve apparaît sur le Fort (parmi d’autres) : l’Asile. A ne pas confondre avec l’épreuve du même nom de 2001-2006, qui avait un principe très différent (et un décor moins poussé, détail qui a probablement son importance comme on va le voir).
Dans cette épreuve (de 2017, donc), le candidat est d’abord équipé d’une camisole par Passe-Muraille ; puis pénètre dans une salle au décor renversant, inspiré de l’image que les films aiment donner d’un hôpital psychiatrique lugubre.
La camisole a son importance, dans la mesure où le but de l’épreuve, c’est que le candidat se débrouille pour introduire des boules dans des fentes prévues à cet effet, sans utiliser ses mains. Le décor, quant à lui, est surtout là pour l’immersion, comme c’est devenu courant depuis 2011.
Mais dès le lendemain de la première diffusion de l’épreuve, une polémique éclate. En effet, par le biais de cette épreuve, l’émission a été accusée de stigmatiser les personnes hospitalisées en psychiatrie ; et différents collectifs (SOS Psychophobie, l’Unafam) ont appelé à retirer l’épreuve.
Ce qui a été notamment reproché à celle-ci, c’est le fait d’avoir présenté une chambre d’isolement comme un jeu ; alors qu’il s’agit d’une pratique encore courante, et que certaines personnes ont déjà connu ça, en en gardant parfois un souvenir traumatisant.
Notons au passage que Danse avec les stars a également fait l’objet d’une polémique similaire, deux ans plus tard, en proposant une chorégraphie exécutée dans un décor semblable. Comme quoi, il ne s’agissait pas de taper gratuitement sur FB.
Dans un premier temps, afin de calmer la polémique, la production a modifié les apparitions suivantes de l’épreuve en post-production, pour en retirer les aspects jugés les plus problématiques. L’épreuve est alors renommée « Cellule capitonnée », l’aspect délabré de la cellule est minimisé, les allusions à la médecine psychiatrique sont retirées du montage.
Mais ça ne suffira toujours pas. Ainsi, la production va vraiment tenter de faire oublier cette épreuve par la suite. Alors qu’elle met régulièrement des extraits de l’émission sur son compte Youtube, aucun d’entre eux ne mentionnera cette épreuve-là ; et dans les futures rediffusions des émissions concernées, l’épreuve sera tout simplement coupée au montage, remplacée par un petit magnéto bricolé à l’arrache pour justifier que l’équipe a remporté une clé en plus ou qu’un de ses membres a été envoyé en prison.
Quant à l’épreuve elle-même, la production tentera de la rethématiser complètement dès l’année suivante (sur l’univers du théâtre et de l’illusion) ; mais elle ne sera pas convaincue par cette nouvelle version, et l’épreuve sera supprimée définitivement en 2019.
Je ne vous cache pas que toute cette histoire m’a pas mal énervé.
Déjà, parce qu’en dépit de la polémique, cette épreuve était (de loin !) la meilleure nouveauté de la saison 2017 (et pas juste par rapport à son décor et son ambiance, mais également de par son concept, nettement plus intéressant que le taureau mécanique ou la descente à skis arrivés en même temps…) ; tout le reste oscillant du médiocre au particulièrement inepte…
En outre, voir que le bad buzz a concerné cette épreuve-là en particulier, alors que d’autres l’auraient bien plus mérité à mon sens (j’y reviendrai), je me suis vraiment dit que le public avait de la dans les yeux et se trompait de polémique.
Et puis… voir des candidats restreints dans cette épreuve pose problème, mais pas dans la Boyard Academy, où ceux-ci se prennent également des baffes en plus d’être sanglés à un siège ? Ce n’est pas un peu du deux poids, deux mesures ? Ou c’est vraiment le décor capitonné qui posait problème avant tout ?
Bon, cela dit, je dis « le public » ; mais en réalité, ce sont surtout les personnes ainsi que les associations qui se sont senties concernées qui ont manifesté leur mécontentement ; et les médias qui l’ont relayé.
A ce niveau-là, je peux comprendre que l’épreuve leur ait posé problème.
Toutefois, je reste sincèrement convaincu que, sur ce coup-là, la production n’avait pas pour intention d’humilier qui que ce soit. Contrairement à d’autres cas de figure sur lesquels je reviendrai…
Le fait est que la thématisation poussée des épreuves est un peu devenue leur marque de fabrique depuis quelques saisons ; mais elle sert surtout à donner un plus grand sentiment d’immersion dans des univers fictifs. Ici, en l’occurrence, ça cherchait davantage à reproduire l’ambiance d’un asile ; mais d’un asile fictif, de l’image délabrée qu’on pouvait trouver dans les films. Films qui n’ont jamais été à prendre pour argent comptant pour se faire l’image mentale d’un hôpital psychiatrique. D’ailleurs, la productrice a répondu que l’inspiration derrière l’épreuve venait surtout du personnage du Joker, issu de l’univers de Batman.
Bon, après, je souligne quand même les efforts réalisés par la production pour atténuer la polémique et édulcorer les détails les plus gênants de l’épreuve… du moins, dans un premier temps. Je suis en revanche beaucoup moins fan de la censure qui a été opérée par la suite.
Lors de la diffusion de la saison en cours, la production ne pouvait tout simplement pas couper l’épreuve au montage purement et simplement. Manque de chance, c’était une épreuve au scénario binaire : soit le candidat gagnait la clé, soit il finissait prisonnier. Dans les deux cas, ça a un impact sur la suite du parcours. Si on avait coupé l’épreuve au montage, on l’aurait remarqué, car l’équipe aurait eu une clé en plus ou un candidat en moins sans que ce ne soit justifié. Donc le mieux qu’elle pouvait faire, avec les délais restreints dont elle disposait, c’était d’atténuer les aspects problématiques.
En outre, la rethématisation de l’épreuve dès l’année suivante était également une bonne chose, afin de préserver un concept d’épreuve intéressant, tout en ne provoquant plus de polémique. En revanche, ce fut dommage que la production n’ait pas trouvé de solution pour remplacer la camisole par un accessoire équivalent ; car l’épreuve sera beaucoup moins bien exécutée… ce qui aura pour conséquence sa suppression l’année suivante.
En ce qui concerne la censure qui a suivi, en revanche, ça me dérange davantage.
Comme je le disais, pour les rediffusions qui ont suivi, cette fois-ci, l’épreuve a été tout simplement coupée au montage, et remplacée par des magnétos bricolés à l’arrache pour justifier que l’équipe a gagné une clé ou perdu un candidat.
Bon, certes, on peut louer l’effort de justifier la situation (plutôt que de juste couper l’épreuve, sans expliquer pourquoi l’équipe a soudainement une clé en plus ou un candidat en moins) ; en revanche, l’émission perd en crédibilité (déjà qu’elle en avait perdu pas mal depuis quelques années…), en insinuant que le Père Fouras offre des clés supplémentaires ou emprisonne les candidats sur un coup de tête. Ça renvoie surtout l’impression que la production se torche avec les aspects sérieux du programme.
Certes, je comprends que la production ne soit pas fière de son bad buzz, et qu’elle cherche à ménager les concernés. Mais ce n’était vraiment pas la meilleure façon de réagir. Parce que si on avait dû faire ça avec tous les aspects polémiques dont j’ai parlé depuis le début de l’article, ça aurait fait une censure tellement conséquente que ce serait devenu plus simple de ne plus du tout rediffuser les émissions, voire d’arrêter le programme purement et simplement (eh, rien que la présence continue des Passes suffit à générer une polémique, donc bon…).
La meilleure chose, à mon sens, aurait été de maintenir la diffusion de l’épreuve (même sous sa forme édulcorée) ; mais en rajoutant un bandeau ou un message indiquant clairement les aspects problématiques de la mise en scène.
Ce qui aurait permis au public qui découvre le programme via ces rediffusions de comprendre la polémique qu’il y a eue, et d’expliquer que le décor de l’épreuve n’est en rien l’image d’une réalité ; plutôt que de donner l’impression que FB est une émission aux règles foutraques qui peuvent survenir sur un coup de tête (ce qu’elle est certes devenue, mais n’enfonçons pas le couteau dans la plaie…).
D’autant plus qu’en matière d’atteinte à la dignité humaine, le cas suivant m’a semblé beaucoup plus problématique…
L’atteinte à la dignité humaine
On va terminer par un cas très particulier, dans la mesure où il n’a, à ma connaissance, pas ému les médias, les associations, etc. ; bref, il n’y a pas eu de polémique à ce sujet à proprement parler. Tout au plus, ça a été évoqué dans certains rapports du CSA (devenu Arcom par la suite), mais ça n’a pas empêché l’émission de continuer dans cette voie-là.
Mais pour moi, c’est devenu le véritable problème de l’émission, en particulier durant les saisons 2010-2020 ; et je ne pouvais pas passer outre ce sujet-là.
Vous savez, si je devais faire un top 20 des épreuves de FB que je déteste le plus, 98% d’entre elles seraient issues des décennies 2010-2020 (oui, pas 100% non plus, parce que les saisons pré-2010 n’étaient pas totalement exemptes de casseroles non plus).
Entre les épreuves qui ne servent qu’à générer des gamelles (Ski, Rodéo-dino…), les hors-sujet (Mâts suspendus, Plateau 215…), celles qui impliquent des personnages people lourdingues (Boyard Academy, Restaurant…), et les délires sous crack (Slaïme, Bal des Bodins…), j’ai clairement l’embarras du choix…
Mais s’il y a bien un type d’épreuve qui me fait sortir de mes gonds, ce sont celles qui font office d’humiliation totalement gratuite pour le candidat.
Ce type d’épreuves correspond généralement aux fois où le candidat a davantage tendance à subir le concept qu’à en être proactif.
J’ai déjà évoqué certaines épreuves animalières comme le Brancard ou le Spa, qui rentrent dans cette catégorie ; mais ce ne sont pas les seules.
Parmi celles-ci, on peut également rajouter les épreuves de type « punition ». Elles consistent généralement en un quiz, où l’on pose des questions aux candidats, et où celui-ci se retrouve puni lorsqu’il donne une mauvaise réponse (… ou gratuitement). Dans cette catégorie d’épreuves, on retrouve notamment la Boyard Academy version Éric Fouras, le Slaïme, et le Willymix version 1 ; où, en cas de mauvaise réponse, le candidat se prend respectivement dans la tronche une baffe, du slime, et des jets d’immondices.
Et je rajouterais également des cas plus ponctuels, comme le Willymix version 2 (sur lequel je me suis déjà copieusement énervé dans mon article sur les épreuves de dégustation), ou encore la variante de la Cabane du trappeur où on demande au candidat de fouiller dans les entrailles d’un poisson mort pour trouver la clé.
Outre le fait que ces épreuves sont profondément affligeantes, c’est surtout leur côté malsain qui me dérange particulièrement.
Parce que non seulement les concepts en soi sont déjà malsains, mais leur mise en scène ne fait qu’empirer les choses, en faisant passer les punitions pour quelque chose de « drôle », alors que ça devrait plutôt susciter de l’indignation. Car on ne rit pas avec le candidat, on se moque vraiment de lui, comme si on était en train de regarder N’oubliez pas votre brosse à dents. Bref, ça en devient du bizutage.
Prenez par exemple les épreuves de type « punition ».
Bon, j’avais déjà vu ça dans C’est quoi ce jeu ? (un jeu de Canal+ assez stupide tombé dans l’oubli), où ça faisait l’objet de la première manche (le candidat se prenait une baffe de la part de son chapeau en cas de mauvaise réponse). Mais dans ce contexte, ça pouvait encore passer, parce que l’ambiance restait légère, et la baffe rapide.
Dans le cas des épreuves de FB, en revanche, la mise en scène est beaucoup plus malsaine. On montre un personnage ouvertement sadique, qui prend du plaisir à malmener les candidats. Candidats qui sont le plus souvent immobilisés dans les épreuves en question. Vraiment, on met l’emphase sur le sadisme, en insinuant qu’on devrait trouver ça drôle.
Désolé, mais non. C’est juste nocif. Ça me donne surtout envie de mettre le personnage qui inflige ça aux candidats à leur place.
Alors bon, vous allez peut-être me rétorquer que tout ça, ce n’est pas si grave, que ça ne dérange que moi, et que ça n’a pas vocation à susciter une polémique. Un peu comme pour tout ce que j’ai déjà cité dans cet article, pour ceux qui ne sont pas spécialement réceptifs à ces enjeux-là.
Mais ce serait oublier la cible principale du programme : la famille. Et en particulier le jeune public. Jeune public qui est assez influençable, et qui n’a pas forcément le recul pour comprendre en quoi ce qu’il regarde peut être potentiellement malsain.
Mine de rien, le fait d’avoir rendu la Lutte dans la boue et les Cylindres quasi-exclusivement féminins pendant plus de deux décennies, ça pouvait leur renvoyer le message que c’était « normal » de n’y envoyer que des femmes, et que ces épreuves servaient à se rincer l’œil. Les Passes incarnés par des personnes de petite taille, ça pouvait renvoyer une image très stéréotypée de celles-ci. Le décor d’asile de la Cellule capitonnée, ça pouvait renvoyer une image dégradante des maladies mentales. Même si ça pouvait être involontaire de la part de la production la plupart du temps.
Donc, dans cette optique, tout ce que j’ai pu reprocher dans ce paragraphe n’est pas plus illégitime que les différentes polémiques susmentionnées.
Cela dit, pour rester logique avec mon paragraphe sur la Cellule Capitonnée, je n’appelle pas non plus à la censure pure et simple de ces épreuves pour les numéros déjà tournés. A nouveau, c’est surtout de la transparence, et une page de contextualisation que je souhaite, afin d’expliquer les problèmes de ces épreuves.
Alors, oui, pour la production, ce serait reconnaître ouvertement qu’elle a gaffé, en proposant des épreuves qu’elle n’aurait jamais dû proposer. Mais bon, c’est ce qu’elle avait déjà plus ou moins fait avec la Cellule capitonnée, d’une façon encore plus radicale.
Conclusion
En somme, Fort Boyard a toujours plus ou moins été une émission assez critiquable, sur des aspects qui ont eu tendance à évoluer avec le temps. Je suis certes plutôt content que certains aspects problématiques du programme aient été remis en cause ou gommés avec le temps ; mais d’un autre côté, je suis vraiment navré que d’autres se soient installés ou aient empiré en contrepartie ; ou alors que certains défauts qui n’en étaient pas pour moi aient été soulevés et aient pu influer négativement sur certains aspects de l’émission.
Après, est-ce que toutes ces polémiques devraient vous empêcher d’aimer le programme ? Je dirais que non. Jeter à la poubelle plus de 30 ans d’émission à cause d’aspects qui ont mal vieilli ou qui peuvent être dérangeants, ce serait vraiment dommage, compte tenu de toutes les qualités de l’émission qui ont pu être valorisées en contrepartie.
Il faut surtout recontextualiser autant que faire se peut le visionnage, et essayer de passer outre les problèmes ; ou, si on juge qu’ils n’en sont pas, être conscient qu’ils peuvent être considérés comme tels.
Cela dit, vous avez également tout à fait le droit de détester l’émission par rapport à ces aspects-là, si vous vous sentez vraiment impliqué dans les causes défendues. Ce qui est d’ailleurs mon cas depuis quelques temps, à cause du paragraphe “bonus” que j’ai évoqué en dernier.
Bref… l’émission idéale reste encore à inventer.