La télévision est un média de base très passif. En effet, les diffuseurs s’attendent surtout à ce que vous ne fassiez que la regarder, pour que vous puissiez mieux mettre à leur disposition votre temps de cerveau pour Coca-Cola et les annonceurs, afin de les financer…
Mais ce n’est pas pour autant que ce média n’a jamais tenté de faire « participer » son public d’une certaine façon, surtout dans les programmes où c’est possible de le faire. Bon, cela ne concerne évidemment pas ce que le CSA définit comme les programmes de stock, destinés à pouvoir être rediffusés à n’importe quel moment sans perte de valeur (films, séries, documentaires, etc.) ; en revanche, pour les programmes de flux (destinés, je cite, à être diffusés une seule fois ; après cela, ils perdent leur valeur première), dont les jeux TV font partie, on peut jouer là-dessus.
C’est même d’autant plus tentant qu’ils ont un concept qui pousse le spectateur à pouvoir jouer en même temps ; contrairement à un bulletin météo ou à un match de football, où vous ne pouvez que regarder ce qui se passe.
Néanmoins, avant toute chose, entendons-nous sur ce que je définis comme de l’interactivité, du moins pour cet article.
Car d’une certaine manière, beaucoup de jeux TV permettent au spectateur de participer de son côté, en le faisant réfléchir comme les candidats (à moins que leur concept ne soit 100% passif à ce niveau-là, comme Le mur infernal où on ne peut pas passer le mur en même temps que les candidats, ou Les z’amours qui ne pose que des questions sur la vie de couple des candidats). Lors d’un tirage de lettres dans DCDL, vous vous êtes certainement déjà amusé à essayer de trouver le mot le plus long de votre côté ; ou pendant que le Père Fouras pose son énigme, vous réfléchissiez avec le candidat.
Mais ce qui va m’intéresser ici, ce sont les jeux qui font plus ou moins participer activement le spectateur. Ceux qui sont pensés pour que le spectateur puisse participer d’une façon plus significative, que ce soit pour tenter de gagner quelque chose lui aussi, pour constituer un élément de la mécanique du jeu, voire carrément pour participer à la place des candidats d’une certaine façon.
Et à ce niveau-là, il y a plusieurs façons de faire ; en fait, d’un point de vue purement technique, il existe beaucoup de jeux qui correspondent à au moins l’un des critères que je viens d’énumérer. Mais on va rapidement voir qu’ils ne se valent clairement pas tous, et qu’on va pouvoir en écrémer un bon paquet…
La télé-tirelire
Si vous aimez zapper sur des chaînes de seconde zone dès le matin (enfin, « de seconde zone »… France 3 avait aussi tenté ce genre de programme une fois, avec Décrochez vos vacances…), vous avez sans doute déjà dû avoir affaire avec soit du téléachat, soit des jeux de type « télé-tirelire » où on vous incitait à décrocher votre téléphone pour répondre à une question et tenter de gagner un beau cadeau entre une page de clips et votre horoscope.
Ou, parfois, vous avez pu voir quelque chose de légèrement plus fun et/ou élaboré dans la forme, comme Hugo Délire où vous deviez déplacer un wagonnet en appuyant sur la bonne touche de votre téléphone au bon moment.
Il y avait même une chaîne, JET, qui appartenait au groupe TF1, et dont le but était principalement de proposer ce type de programmes… bon, originellement, elle devait aussi passer des jeux TV plus variés (voire des rediffusions de jeux TV cultes), mais comme la télé-tirelire était plus rentable, elle s’est très vite rabattue là-dessus… enfin, « plus rentable », force est de constater que pas tant que ça, puisqu’un an et trois mois plus tard, la chaîne a dû fermer à cause de pertes financières trop importantes. Comme quoi…
Aucune idée de ce que cette chaîne valait réellement, puisqu’à l’époque je n’avais ni câble ni satellite. J’ai donc dû me fier à des descriptions que j’ai pu lire ça et là…
Bon, je vais passer assez rapidement là-dessus, parce que ce n’est vraiment pas le domaine qui m’intéresse le plus, et que c’est à peine si je considère ce genre d’émissions comme des jeux TV à proprement parler.
Étant donné que le but de ces émissions, c’est surtout de faire téléphoner le public à intervalles réguliers, on meuble le reste comme on peut, avec de la météo, des chroniques, des clips musicaux, ou tout ce qui permet de meubler l’antenne… et franchement, ça me semble vraiment beaucoup trop léger de considérer ça comme du jeu TV. Imaginez si Télématin introduisait un appel téléspectateur toutes les demi-heures pour le faire jouer sur un quiz d’une durée de deux minutes afin qu’il gagne quelque chose… ça ne fera pas de Télématin un jeu télévisé pour autant.
Et puis bon, l’objectif (à peine assumé) de ces émissions reste surtout de faire de l’argent facile, en faisant appeler le public par le biais de numéros surtaxés ; mais pas de proposer du contenu un minimum élaboré.
Alors, oui, ça peut avoir un côté un peu fun pour les participants de tenter des réponses aux questions posées, et pour les spectateurs de voir une certaine progression en attendant que le gros lot soit remporté (par exemple, quand on doit deviner quelle célébrité se cache sous un quadrillage dont on retire des cases à chaque appel)… mais ça reste une recette surgelée, pour laquelle c’est un peu trop facile de la dégainer quand on souhaite meubler son antenne de façon rentable.
La seule chose que je peux un minimum respecter à ce sujet, c’est le fait que ces émissions sont forcément en direct, donc que le diffuseur propose par conséquent un peu de direct… après, si je compare ça à un Télématin qui demande davantage de travail de préparation, là encore ça se fait laminer en termes d’intérêt…
Cela étant, j’aurais bien aimé retrouver des numéros de Allô Quiz, diffusé en fin de matinée sur TF1 au début des années 2000, et qui semblait aller un peu plus loin. En fait, de ce dont je me souviens, c’était effectivement de la télé-tirelire, mais qui meublait son antenne avec du « vrai » jeu TV, cette fois-ci, et qui aurait sans doute mérité que j’en parle davantage…
… sauf qu’apparemment, c’est devenu introuvable, à part une ou deux séquences de bêtisier par-ci par-là, beaucoup trop légères pour que je puisse en déduire comment se déroulait l’émission. Dommage…
Bon, j’avais quand même souvenir d’une émission un peu plus consistante ; mais vu comme ça, sur l’un des rares extraits encore disponibles, Allô Quiz n’a pas l’air de spécialement mieux valoir qu’un bête jeu audiotel. Et à ce propos…
Les jeux audiotel
Quoi ? Techniquement, ça reste un moyen d’impliquer le téléspectateur dans l’émission !
Après tout, on lui pose une question spécifiquement (de préférence qui joue avec les codes du jeu si possible), et on l’incite à envoyer sa réponse par téléphone… ça ne déroge pas aux critères que j’ai établis en introduction, même si ça ne dure généralement pas plus de 30 secondes !
Dans l’idée (à moins de faire quelque chose de plus créatif, on verra ça plus loin), ce n’est guère plus glorieux que la télé-tirelire ; et c’est même encore plus facile à concocter, puisque les émissions sont souvent enregistrées à l’avance, et que ça demande juste à l’animateur de rappeler que ça existe.
Mais soyons francs : ce n’est ni plus ni moins qu’un prétexte pour faire appeler les spectateurs par le biais d’un numéro ou d’un SMS surtaxé, en les appâtant à l’aide d’une question facile… voire pas de question du tout.
D’ailleurs, certains jeux ne se foulent même pas, et se contentent de poser une question qui a déjà été posée durant l’émission, comme TLMVPSP version Boccolini. D’autres sont conscients que la question est stupide, comme TLMVPSP version Nagui (oui, même au sujet du jeu audiotel, c’est tellement facile de taper sur cette émission…), où l’animateur et le public se moquent ouvertement de la réponse stupide parmi les deux proposées. On a même le cas NOPLP, où il faut compléter les paroles d’une chanson qui s’interrompt… et où le public continue à chanter en dévoilant la réponse ! Mais c’est parfaitement normal : pour avoir déjà assisté à l’émission, c’est même encouragé par la production. Comme quoi, on voit bien que ces jeux audiotel ne sont clairement là que pour le fun ; et que quitte à proposer des questions trop faciles, autant les tourner en dérision et assumer leur côté attrape-pigeon…
Ce qui fait que là encore, hors cas particuliers un peu plus intéressants (on va y venir !), je considère à peine ça comme de l’interactivité. Se contenter de poser une question aux spectateurs (voire de ne pas en poser du tout, ce qui revient souvent au même vu à quel point la question prend le public pour des imbéciles…), sans y mettre particulièrement les formes, n’importe quel jeu peut le faire, il n’y a aucun mérite.
C’est d’un drôle, je me fissure de rire.
… mais on peut quand même trouver quelques jeux qui y mettent davantage leur patte, voire qui y apportent un réel intérêt, et qui méritent une mention honorable à ce niveau-là.
Ainsi, lors de certaines saisons de QVGDM, lorsque le candidat décidait de s’arrêter, l’animateur posait la question qui lui était destinée aux téléspectateurs, qui pouvaient donner leur réponse par SMS dans les 30 secondes qui suivaient. Bon, vu que la question était déjà connue depuis plusieurs minutes, les spectateurs avaient tout le loisir d’aller vérifier la réponse sur Internet depuis un moment déjà… mais j’aime bien l’idée, c’est une bonne façon de rebondir sur ce que propose l’émission.
Je peux également citer La gym des neurones, qui proposait une énigme durant le générique de fin ; celle-ci était rédigée exprès pour le public et n’était pas posée durant l’émission, donc ça incitait à faire réfléchir les spectateurs une dernière fois avant la fin du programme.
Dans Le numéro gagnant, c’était plutôt la façon de pouvoir participer au jeu audiotel qui était amusante, en rebondissant sur les numéros des candidats qualifiés et en demandant à ce que ceux qui peuvent appeler aient le numéro du candidat (ou au moins le deuxième chiffre du numéro du candidat, si celui-ci était à deux chiffres) dans leur numéro de téléphone. Un peu discriminatoire pour ceux qui n’avaient pas ces chiffres dans leurs numéros de téléphone… mais j’apprécie l’idée, on peut dire que cette émission allait jusqu’au bout de son thème.
Ca n’aura duré qu’un temps, mais j’ai apprécié que QVGDM fasse un jeu audiotel en rebondissant sur une question sur laquelle le candidat a abandonné. Ca sort moins de nulle part.
Et certains jeux vont même encore plus loin, en incorporant le jeu audiotel dans la mécanique !
Ainsi, Pyramide (version 1) permettait à un spectateur de jouer avec les Maître-mots, afin de faire gagner 10 secondes supplémentaires au candidat durant sa finale ; et si le candidat la remportait, le téléspectateur gagnait une certaine somme. C’est gagnant-gagnant !
Et Le coffre, dans un autre style, proposait une « finale téléspectateur », au cas où le montant de la cagnotte n’était pas remporté par le candidat finaliste juste avant. Bon, ça fait très « rajout bonus » pas spécialement indispensable, mais ça permet de rallonger un peu le contenu de façon honorable (sans pour autant que ce ne soit un cadeau pour le spectateur, cette finale spécifique demandant tout de même de répondre à 6 questions en moins d’une minute).
Même au sujet du jeu audiotel, Pyramide me surprend positivement. Je n’en demandais pas tant !
Après, même si j’apprécie beaucoup les deux derniers exemples que j’ai pu citer, ils montrent aussi que le mieux qu’un jeu audiotel puisse être, c’est un bonus. Soit pour donner un coup de pouce au candidat, soit en guise de « seconde chance » pour remporter le gros lot.
C’est déjà largement appréciable, mais on ne peut pas faire reposer le concept entier là-dessus.
Mais bon, même si j’ai cité des exemples de jeux audiotel que j’ai appréciés, ça ne veut évidemment pas dire que les jeux en question en deviennent subitement excellents. Même si TLMVPSP avait eu droit à un jeu audiotel plus intéressant, ça ne m’aurait pas particulièrement fait revoir le jeu à la hausse…
En revanche, ça reste des détails vraiment appréciables pour moi, qui essaient au mieux de vraiment impliquer le spectateur, et au pire de minimiser l’évidence du côté « attrape-nigaud », en rebondissant intelligemment sur la mécanique. Et c’est clairement le genre d’approche que j’aurais aimé voir plus souvent que la question évidente qui se contente de casser le rythme à une ou deux reprises.
L’interactivité « indirecte »
En fait, il ne me semble pas qu’il y ait un terme « officiel » pour ça, donc faute d’une meilleure dénomination…
On a vu avec la télé-tirelire qu’on faisait interagir les spectateurs en direct ; on a vu avec les jeux audiotel (du moins les plus élaborés) qu’on les faisait interagir pendant l’enregistrement des émissions (donc pas en direct pour le public) ; et ici, on va voir qu’on les fait « interagir »… en différé. Donc pas directement. Vu comme ça, ça donne l’impression qu’on régresse, en se donnant de moins en moins les moyens nécessaires… mais ce n’est pas pour autant que c’est moins intéressant, au contraire !
Pour montrer ce dont je veux parler quant au fait d’interagir en différé, je vais prendre un exemple simple : Nous sommes tous des spécialistes. Si vous êtes un téléspectateur suisse, on peut également citer C’est ma question, qui repose sur le même principe.
Ici, on a un jeu qui se targue de faire participer ses spectateurs, en leur proposant de s’enregistrer par smartphone, avec une question qui sera posée aux candidats. Le spectateur s’enregistre, envoie sa participation via une application, puis lors du tournage de l’émission, sa participation est diffusée. Pas besoin donc d’être disponible le jour du tournage, le spectateur peut envoyer sa contribution quand il veut, et la production peut l’utiliser quand elle le souhaite elle aussi.
Bon, j’ai fait toute une critique de NSTDS, dans laquelle je déplorais que ça n’allait pas plus loin que ça, étant donné que c’était l’argument de vente du jeu… mais pour C’est ma question, c’est encore pire, étant donné que ce jeu-là ne repose réellement que sur cet aspect-là (au moins, même si NSTDS n’exploite pas davantage les questions posées par les spectateurs, il s’accompagne d’une mécanique globale plus créative), et que sa mécanique serait autrement ultra plate si on faisait poser les questions directement par l’animateur plutôt que par le public.
Mais là où je veux en venir, c’est que même si ça apporte un côté convivial au jeu, ça tend aussi à devenir un peu un effet de manche pour moi, étant donné que ça n’a rien de spécialement extraordinaire, surtout si on n’en fait rien de spécial.
Sinon, autant faire comme DCDL, qui propose aux spectateurs d’envoyer ses idées de Duels à la production, et qui mentionne juste avant que le duel ne soit joué le nom de celui qui l’a envoyé. On n’a certes pas forcément sa photo (quoique, ça peut arriver qu’on ait un magnéto… mais c’est moins fréquent, et on en a rarement plus d’un par émission), mais il y a déjà de quoi avoir une certaine satisfaction à l’idée d’avoir pu contribuer au jeu. Et surtout, c’est moins pompeux que l’approche à la NSTDS.
Au passage, je ne compte d’ailleurs pas faire de critique de C’est ma question. Le jeu se regarde et passe correctement ; mais vraiment, hormis le gimmick des questions posées par tout le monde, la mécanique n’a rien de spécialement intéressant à traiter. NSTDS m’aura davantage inspiré personnellement.
Mais à ce niveau, ça reste plus intéressant que le spectateur puisse potentiellement remporter quelque chose et être un véritable acteur du jeu. Ce qui est possible, même de façon indirecte ; ne serait-ce qu’en donnant un enjeu à la question que le spectateur va poser.
C’est ce que fait d’ailleurs Face à la bande, dont le concept repose sur le fait que, si les candidats présents sur le plateau (oui, ce sont des people, mais bon…) n’arrivent pas à répondre aux questions posées, les spectateurs remportent alors de l’argent. Ca donne davantage d’intérêt au fait que les questions soient imaginées par les spectateurs.
Mais bon, autant ça paraît une bonne idée sur le papier… autant en pratique, mieux vaut ne pas baser son jeu entièrement là-dessus, au risque de devenir très vite très répétitif. C’est d’ailleurs pour ça que Face à la bande n’a finalement pas duré très longtemps, nonobstant quelques ajustements de mécanique en cours de route…
Et dans le même genre, je pourrais aussi citer Trivial Pursuit: America Plays, qui était légèrement plus élaboré, mais dont la mécanique globale restait trop classique en dehors de cette spécificité pour susciter l’intérêt sur le long terme.
D’ailleurs, au sujet de Trivial Pursuit: America Plays, c’était pas un peu une diversion par rapport au matériau de base ?
Et au passage, après quelques investigations, je me suis rendu compte que ce genre de concept existait déjà… dans les années 70, alors que la TV était encore en noir et blanc et qu’on parlait encore d’ORTF !
En effet, c’était le concept de Réponse à tout, jeu créé par Henri Kubnick, et diffusé du 3 janvier 1972 au 2 avril 1982 sur la première chaîne de l’ORTF (puis sur TF1). Dans ce jeu, les candidats choisissent un « spécialiste », qui va poser une question via un magnéto ; si le candidat trouve la réponse, il remporte de l’argent ; sinon, son adversaire a la possibilité de donner une réponse ; et si personne ne la trouve, l’argent revient au « spécialiste ».
Comme quoi, ce genre de concept ne date vraiment pas d’hier, en fait.
En fin de compte, je pense que là encore, c’est le genre d’idée qui gagne à n’être appliquée que de façon partielle.
Ainsi, Pyramide version 1 (encore elle !) proposait, via son fameux choix entre Mironton et Barjabulle, de faire jouer un spectateur avec une liste de 5 mots, spectateur qui remporte un cadeau si les candidats n’arrivent pas à tous les trouver. Oui, je sais, je triche un peu, puisqu’il s’agit d’un membre du public, physiquement présent sur le plateau, et intervenant donc directement et pas en différé… mais ça n’aurait rien changé si la liste avait été envoyée par un téléspectateur en amont, finalement.
Et une seule manche pour ce genre d’idée, c’est finalement suffisant. Après tout, Pyramide a une mécanique suffisamment riche par ailleurs pour meubler le reste de l’émission sans y faire appel.
Cela étant, dans cette partie-là, j’ai surtout cité des jeux dans lesquels les spectateurs s' »opposaient », d’une certaine façon, aux candidats… mais peuvent-ils au contraire les aider ? La réponse est bien évidemment oui.
Les jokers
Tout est dans le titre : ici, l’interactivité permet aux candidats d’être aidés par les téléspectateurs. C’est un peu la même idée que le jeu audiotel de Pyramide (dont j’aurais presque pu parler ici), mais sans spécialement y dédier une « manche » à part entière.
Dans cette catégorie-là, on peut citer QVGDM.
Mais attention, ce n’est pas ce à quoi vous pensez. Oui, en entendant « QVGDM », et en pensant « téléphone », vous avez certainement dû avoir le Coup de fil à un ami en tête… mais ce n’est pas tout à fait de ça dont je voulais parler. En effet, je ne considère pas vraiment ça comme de l’interactivité, puisque le candidat décide de faire appel à l’une de ses connaissances ; donc à moins d’en faire partie, n’espérez pas avoir Jean-Pierre Foucault au bout du fil, puisqu’on n’appellera pas n’importe qui.
Non, en fait, je pensais plutôt à… la version confinée de QVGDM (sigh !). Oui, celle où le gain maximal n’était que de 300 000 euros, et où tout le prestige originel de l’émission était réduit en miettes en voyant les candidats et l’animateur par webcam…
Version confinée oblige, le joker du vote du public ne pouvait pas être utilisé, pour des raisons évidentes. La production avait alors eu l’idée de le remplacer par un joker téléphonique, où le candidat pourrait avoir l’avis d’un spectateur tiré au sort (inscrit au préalable bien sûr). Ce qui aurait pu être une idée intéressante dans l’absolu… si on n’avait pas déjà deux autres jokers consistant à demander un avis tiers (à un ami ou à l’animateur), et si on avait poussé le concept un peu plus loin en permettant de choisir entre différents interlocuteurs, par exemple par rapport à leur métier, pour aider à choisir celui qui serait le plus apte à aider à répondre… bon, je sais que cette version avait dû être bricolée à l’arrache, et qu’ils n’ont pas spécialement eu le temps ni l’envie de pousser le concept plus loin, mais ça reste du potentiel gâché…
Et en parlant de jeu où on fait appel à des gens désignés par leur métier… reparlons donc du Coffre.
La mécanique de ce jeu repose sur le fait de demander de l’aide à des interlocuteurs, moyennant finances (ce que QVGDM ne faisait d’ailleurs pas, mais bon vu leur budget…). Interlocuteurs qui sont présents sur le plateau ; mais qui peuvent l’être aussi par téléphone, après tout. Et ça tombe bien, c’est ce que le jeu a fait.
C’est pour moi un autre bon moyen de rendre le jeu interactif ; même si j’imagine que pour devoir rester au bout du fil pendant 40 minutes, en n’étant pas forcément régulièrement sollicité, il faut avoir de la patience… après, ça peut être rentable, c’est déjà arrivé qu’un participant par téléphone gagne 3 000 euros dans ce jeu !
Le seul problème que j’avais avec Le coffre à ce niveau-là, c’est qu’on pouvait assez facilement oublier l’existence des négociateurs téléphoniques, puisqu’hormis la présentation en début d’émission et les récapitulatifs des gains entre chaque manche, on n’avait pas de preuve « visuelle » de leur présence.
Sinon, comme vous pouvez le constater, en VO, il y en avait huit, ce qui me semblait un peu trop personnellement… heureusement que la VF s’est limité à quatre.
Les jeux qui permettent de jouer chez soi
Bon, tout ce que j’ai dit jusqu’ici, c’est bien beau ; mais j’imagine que ce qui vous intéresse, ce ne sont pas des jeux où on apporte sa petite contribution, mais surtout des jeux qui proposent réellement de jouer chez soi, à part entière, avec un concept basé entièrement là-dessus !
A ce niveau-là, je vois deux ou trois exemples notables (… voire trois, j’y reviendrai).
Le premier exemple est Qu’est-ce que je sais vraiment ?, jeu diffusé sur M6 en direct et en prime-time de 2014 à 2016.
Tout l’intérêt du jeu était de poser des questions (60 pour être plus précis), tout en permettant aux téléspectateurs d’y jouer en même temps, via leur application 6play. Ca me fait d’ailleurs doucement marrer de voir M6 s’être targuée de mettre en avant les « nouvelles technologies », alors qu’à côté de ça ils font tout pour mettre des bâtons dans les roues aux moyens alternatifs de regarder leurs antennes hors diffusion TNT, et que leur service de replay et de visionnage en live est pénible d’utilisation (je le surnomme même « 6plaies », c’est vous dire)… mais passons.
Bon, autant vous le dire tout de suite : en dehors de son interactivité, le jeu n’avait pas grand intérêt, et pouvait se résumer à un jeu de culture générale classique, auquel on aurait rajouté en bonus le fait de pouvoir participer de son côté. Mais hormis le fait de pouvoir élaborer des statistiques sur le taux de réussite des différentes catégories de population… ce système n’apportait rien du tout, étant donné que le style de questions posé était très classique.
En fait, imaginez si Des chiffres et des lettres proposait une application qui vous permet de jouer en même temps que les candidats pendant les tirages de chiffres et de lettres… est-ce que ça changerait radicalement votre expérience de visionnage ? Je ne le pense pas… et bien là, c’est pareil. Vous n’avez pas besoin d’un smartphone ou d’une tablette entre les mains pour « interagir » avec les questions posées (et encore, ce serait même davantage intéressant pour DCDL que pour QECQJSV, puisqu’une telle application vous permettrait de jouer en conditions réelles avec des calculs simplifiés comme pour les candidats…).
Et sinon, il ne fallait pas non plus espérer un gain quelconque en ayant le meilleur résultat, pourquoi faire après tout… ça aurait au moins pu être une nouvelle façon XXL de faire un jeu audiotel, mais non. Après, j’imagine que comme la participation via 6play était gratuite, ça n’aurait pas été aussi rentable pour M6 qu’un bon vieux SMS surtaxé.
Même le générique de l’émission était assez planplan, et disait en gros « Jouez depuis votre canapé ! ».
Le second exemple est Jouons à la maison, diffusé sur France 3 de 2020 à 2021.
Bon, c’est un cas très particulier, dans la mesure où il n’est pas « interactif » de la même manière que ne l’est QECQJSV. Le but est de pouvoir jouer de chez soi… mais les candidats restent quand même « castés » d’une certaine manière. En fait, au lieu d’avoir à faire le déplacement sur un plateau TV, on les fait jouer de chez eux, via une webcam.
Disons-le honnêtement : c’était du bouche-trou qui a été fait faute de mieux dans un contexte Covidé où on ne pouvait pas trop faire autrement. Avec tous les protocoles de distanciation sociale, de port de masque, de plexiglas de partout, etc. ça pouvait être très pénible de tourner des jeux TV (en fait, c’était juste très pénible de tout simplement tenter de profiter de la vie tout court durant cette période de m… bon, calmons-nous) ; et par conséquent, il faut surtout prendre JALM comme une opportunité d’avoir du contenu télévisuel inédit, aussi peu ambitieux fût-il, durant une période où c’était difficile d’espérer mieux.
Et à ce titre… ça y parvient à peu près. Mais bon, il faut vraiment garder à l’esprit que cette émission intervenait dans un contexte de diffusion très particulier, pour lequel elle avait été conçue sur mesure ; et qu’au-delà de ça, une fois le contexte parti, ce programme n’avait quasiment plus d’intérêt. Tout comme la version confinée de QVGDM, finalement…
Au passage, c’était TRÈS perturbant, comme jeu, puisque les questions portaient sur « Selon les Français… » et qu’il fallait répondre la réponse la plus citée, et non la bonne réponse.
Car, oui, l’État de Washington (à ne pas confondre avec Washington D.C., où se trouve la capitale) est bien bordé par l’océan Pacifique… mais là, la question est de se dire si les Français le savent ou non. Donc comme la plupart des gens se font avoir et confondent les deux, il faut bel et bien répondre l’océan Atlantique.
Pas sûr que ce jeu contribue réellement à rehausser le niveau de connaissance des gens dans ces circonstances, s’il faut délibérément répondre quelque chose de « faux »…
… mais à part ça et le gimmick de jouer chez soi, absolument rien de particulier question mécanique de jeu, et là encore pas de motivation pour que j’y consacre une critique à part entière.
Et… à ma connaissance, il n’y a rien eu d’autre de spécialement notable dans le genre. Bon, j’aurais pu citer Tout le monde peut jouer, qui était lui aussi diffusé sur M6 comme QECQJSV, dont j’ai appris l’existence il y a peu, qui semble être totalement tombé dans l’oubli, et dont il semble devenu impossible de pouvoir retrouver des archives… mais dont le titre en dit déjà long. N’ayant pas pu regarder un épisode, je ne pourrais pas me prononcer dessus ; mais vu que c’était diffusé sur une case assez confidentielle, un peu comme les programmes de télé-tirelire de M6, ça m’étonnerait fortement que ce fut une pépite injustement oubliée…
En fait, ces jeux souffrent un peu du syndrome NSTDS, où on fait de l’interactivité un argument marketing… sans l’exploiter davantage. Ce qui fait que, passé l’effet de curiosité lié à cette « nouvelle » façon d’interagir, le jeu n’a en soi plus grand intérêt. En somme, c’est un peu comme Que le meilleur gagne : ça avait sans doute quelque chose d’original de faire jouer un très grand nombre de personnes en même temps au départ… mais à la longue, ça ne l’est plus ; et le fait de reposer sur une mécanique bateau en dehors de ça n’aide pas à maintenir l’attention sur le long terme.
Après, je parle surtout d’un point de vue spectateur, car j’imagine que ces jeux sont autrement plus intéressants lorsqu’on y participe, car on s’y sent plus investi. Et, oui, à ce niveau-là, l’intention reste tout à fait louable.
Mais bon, en fin de compte, l’intérêt premier du jeu pour son public, ça reste surtout celui d’être regardé. S’il faut « forcer » le public à y jouer pour y trouver de l’intérêt, il y a un petit problème ; car même si je trouve très bien qu’une émission fasse « participer » son public (au sens très large, par exemple en faisant réfléchir à un Compte est bon pendant une émission de DCDL), ça doit rester du bonus.
Et à ce niveau-là… je suis désolé pour Qu’est-ce que je sais vraiment ? ou Jouons à la maison ; mais en dépit de leur interactivité, leurs mécaniques restent très banales, et pourraient même être jouées sans leur côté interactif que ça ne changerait pas grand-chose, si ce n’est qu’on s’apercevrait encore plus vite de leur platitude. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai un peu hésité à parler de mon troisième exemple, qui est la version confinée de Septante et un. Et tout est dans le « confinée », puisqu’il s’agissait avant tout d’une adaptation technique Covid-friendly d’un jeu existant plutôt que d’une réelle nouveauté. Et contrairement à Jouons à la maison qui était fait avec le même genre d’intentions (proposer un jeu Covid-friendly), on n’en a pas fait un « argument de vente » cette fois-ci…
Cela étant, je ne dis pas non plus que ces jeux sont mauvais ou complètement inintéressants, loin s’en faut. Ils sont tout à fait regardables, on peut tout à fait passer un bon moment dessus, et même potentiellement trouver un peu de fun à y jouer depuis chez soi. C’est juste que leur gimmick n’en font pas subitement des jeux plus ambitieux qu’ils ne le sont réellement.
Ce qui me fait donc me demander, à ce stade de ma réflexion : est-ce que l’interactivité avec le public est un argument de vente suffisamment solide ?
Depuis le début, ma conclusion semble être qu’elle est surtout intéressante quand on l’exploite par petites touches ; mais que dès qu’on base entièrement notre jeu là-dessus, ça n’est finalement pas aussi extra qu’on ne l’imaginait, et que notre jeu n’a pas vocation à faire long feu passé l’effet de curiosité…
Et bien… il y a encore un exemple que je n’ai pas traité, et qui semble être l’exception qui confirme la règle, d’une certaine manière.
Le cas de L’or à l’appel
Bon, je ne vais pas en parler trop en détail, car j’ai prévu d’en faire une critique à part entière ; mais ce qui est intéressant ici, c’est le fait que tout ce jeu a été pensé dans sa mécanique pour faire appeler les téléspectateurs, sans pour autant que ce ne soit une vulgaire télé-tirelire. Même si j’imagine que pour TF1, ça devait tout de même être bien rentable d’avoir autant de gens qui essaient d’appeler pour tenter de gagner quelque chose… mais au moins, on y a davantage mis les formes.
Pour résumer : l’émission était en direct, et 95% de l’émission avait pour but de dévoiler un numéro auquel les spectateurs devaient tenter d’appeler, pour pouvoir répondre à une question, et tenter de remporter le gros lot en cas de bonne réponse.
Le numéro était progressivement dévoilé par les candidats sur le plateau, qui réalisaient des mini-jeux afin de dévoiler les chiffres le composant.
Il manque quelques chiffres, il va falloir jouer avec un peu de chance.
En fait, ce qui était vraiment ambitieux avec ce concept, c’est qu’il a à la fois nécessité des moyens conséquents (gestion du direct, partenariat avec France Télécom pour avoir un standard adapté), et adopté une mécanique originale dont la finalité est de permettre aux spectateurs de pouvoir jouer.
Alors, certes, QECQJSV était aussi en direct, et avait dû nécessiter lui aussi un certain dispositif (la mise en place de l’application) ; donc niveau ambition, il y avait là encore quelque chose. Mais le but de sa mécanique n’était pas de permettre à un spectateur de pouvoir jouer ; le but de sa mécanique restait tout simplement d’avoir le plus de bonnes réponses aux questions posées. Le fait que les téléspectateurs puissent jouer n’était qu’un bonus pour pouvoir établir des statistiques et mieux vendre l’émission ; mais sans ça, l’émission restait regardable indépendamment de cet aspect-là.
LOALA, en revanche, est un jeu dont la mécanique était véritablement conçue pour arriver à cette finalité-là. Retirez la possibilité pour un téléspectateur d’appeler à la fin de l’émission, et le jeu perd quasiment tout son sens, puisque ça servirait à quoi de dévoiler un numéro de téléphone si personne ne peut appeler ?
A ce niveau-là, LOALA fait d’ailleurs vraiment office d’OVNI télévisuel, à mon sens, dans la mesure où c’est à ma connaissance le seul jeu à avoir établi et utilisé ce genre de formule. Je n’ai vraiment aucun autre exemple de jeu semblable dans ses ambitions et ses enjeux qui me vienne en tête.
Et pour cause : à mon avis, ce genre de concept ne pouvait être réussi qu’une seule fois. Certes, d’autres jeux auraient tout à fait pu adopter une mécanique semblable (enfin, si leurs diffuseurs avaient les ambitions et le budget pour, bien sûr) ; mais je pense que, fatalement, ils auraient fini par trop ressembler à LOALA, au point de juste faire de la redite, et à ne pas autant marquer les esprits que celui-ci.
Conclusion
Bien qu’il puisse être intéressant pour un jeu de proposer à son public de participer, voire d’avoir un impact sur le déroulement de la partie, ce n’est toutefois pas une recette magique pour le rendre subitement plus intéressant.
L’idée reste très louable quand on la propose davantage par petites touches : soit en tant que contenu bonus additionnel pour l’émission, soit en tant que joker ou moyen d’obtenir un bonus pour les candidats.
En revanche, faire reposer tout le concept de son programme sur l’interactivité avec le public est largement plus risqué ; dans la mesure où si le programme attirera du monde dans un premier temps, il va très probablement lasser rapidement son public passé l’effet de curiosité, à moins d’avoir un concept en béton qui puisse être apte à tenir dans le temps ; ce que L’or à l’appel avait d’ailleurs plus ou moins, mais il était davantage l’exception que la règle.
Bref… en l’état, c’est assez difficile pour moi de considérer l' »interactivité » comme le futur des jeux TV, dans la mesure où elle apporte un côté surtout cosmétique dans les exemples les plus récents.
En fait, c’est assez ironique, dans la mesure où, depuis les années 2010, nous sommes rentrés dans une époque où nous sommes de plus en plus connectés, où les technologies en matière de communication se sont démocratisées et peaufinées, et durant laquelle les possibilités paraissent bien plus larges qu’auparavant… mais la plupart du temps, ce qu’on en fait, c’est juste plus ou moins faire jouer le téléspectateur dans les mêmes conditions que sur un plateau, ou lui faire poser les questions en « direct » à la place de l’animateur. Ce qui, dans le premier cas, fait un peu « gadget » ; et qui, dans le second, se faisait déjà auparavant avec des moyens de communication plus rudimentaires, comme le téléphone ou le courrier.
Et bizarrement, les exemples d’interactivité que j’ai trouvé les plus pertinents d’un point de vue conceptuel datent de l’époque où la possession d’un simple téléphone suffisait. Pyramide et L’or à l’appel qui datent des années 90, Le coffre qui date de 2003… et qui proposent pourtant des façons d’interagir avec le programme plus originales et mieux incorporées à leurs mécaniques respectives qu’un Face à la bande ou un Qu’est-ce que je sais vraiment ? qui datent de 2014, un Jouons à la maison qui date de 2020, ou un Nous sommes tous des spécialistes qui date de 2022. Ca laisse songeur, n’est-ce pas ?
Mais bon, peut-être qu’à l’avenir, de nouvelles tentatives fleuriront, et seront davantage convaincantes ; en gardant à l’esprit que l’interactivité ne doit pas juste être un gadget montrant qu’on est à la page, mais doit être utilisée pleinement dans la mécanique du jeu pour susciter un réel intérêt. Autrement, on peut aussi se contenter de la proposer en bonus, mais sans ressentir le besoin de fanfaronner à ce sujet…