Bon… on sait que rien n’est éternel, et encore moins les jeux télévisés ; mais s’il y en a un pour lequel ça a dû être à la fois le plus choquant et le plus triste d’apprendre sa suppression, c’est bien Des chiffres et des lettres.
Ce qui est dû notamment à son statut culte ; à sa longévité exceptionnelle, à la fois pour un jeu TV, et pour un programme TV tout court (52 ans, et même davantage si on compte son ancêtre Le mot le plus long comme le même jeu – ce que je fais au passage pour le titre de l’article) ; et, malheureusement, aux circonstances dans lesquelles le programme a dû faire ses adieux.
En effet, outre sa mise au placard progressive et accélérée durant les années 2020 (sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir en temps voulu…), sa fin a été également marquée par le décès de Patrice Laffont, survenu peu de temps avant le tournage de la dernière émission régulière. Patrice Laffont qui fut non seulement le premier animateur du jeu (si on ne compte pas Le mot le plus long cette fois-ci), mais qui en fut également devenu le producteur à partir de l’an 2000. Bref, l’un des visages les plus emblématiques de l’émission, en plus d’avoir eu une carrière très prolifique au sein du PAF, et dont je retiendrai notamment ses rôles dans Pyramide et Fort Boyard.
Originellement, j’avais déjà traité DCDL… mais très partiellement.
En effet, je ne m’étais focalisé que sur la version 2016-2022 ; et mon objectif était alors de traiter le jeu par le prisme de ce qui en a été à mes yeux son aboutissement et sa meilleure version, afin de prouver que le concept n’était pas aussi poussiéreux qu’on pouvait le prétendre, et méritait toujours d’avoir une place dans le PAF 50 ans plus tard.
Cela dit, ce n’était pas inintéressant de revenir sur le parcours complet du jeu (enfin… le plus possible du moins, parce que c’était inenvisageable pour moi de rattraper l’intégralité du programme depuis les années 70 voire 60), pour voir comment on est arrivé à cette fameuse version 2016 ; et comment le programme a su se bonifier continuellement depuis ses débuts dans les années 60, où les jeux n’étaient généralement pas aussi élaborés que ceux qu’on a pu avoir par la suite. Bon, il y aura tout de même eu un petit relâchement lors des dernières années du programme ; mais avant d’en parler, on a du chemin à faire.
Bref, nous voilà partis pour un long chemin, parti de 1965, interrompu pendant deux ans, mais qui aura repris jusqu’en 2024 ; aussi, afin de ne pas faire un bloc indigeste, on va répartir cette rétrospective sur plusieurs articles.
Le mot le plus long (1965-1970)

Commençons par l’ancêtre de DCDL : Le mot le plus long. L’émission fut diffusée de 1965 à 1970, et présentée par Christine Fabréga (qui fut donc la seule animatrice du format, si on ne compte pas les co-animatrices). Et, comme son nom l’indique, elle se focalisait sur le côté “lettres” du jeu. Pour les passionnés de calcul, il faudra attendre encore quelques années.
Toutefois, d’après les archives que j’ai pu en trouver, cette première émission avait déjà connu quelques évolutions en cours de route. On peut le constater aisément, en comparant la première et la dernière émission, qui avaient des règles différentes (même si la dernière semblait être un peu spéciale, puisqu’il s’agissait d’une confrontation entre équipes).
On y retrouve cependant le même principe de base commun.
Le concept
Bon… ai-je vraiment besoin de préciser quel était ce principe de base ? Allez, c’est quand même mon job, donc précisons-le.
Pour chaque tirage, les candidats devront donner le mot le plus long qu’ils pourront trouver, à partir des 7 lettres données.
Tour à tour, les candidats demandent soit une voyelle, soit une consonne. Selon ce qui est demandé, l’animatrice pioche une lettre depuis la pile des consonnes ou des voyelles, puis dispose la lettre piochée sur le plateau de jeu.
Les candidats disposent alors de 45 secondes pour réfléchir de leur côté, et proposer le mot le plus long qu’ils aient pu trouver à partir de ce tirage. En remportant 1 point par lettre du mot proposé, pour le joueur qui a proposé le mot le plus long (son adversaire ne remporte rien si son mot est plus court).

Tous les mots de la langue française sont acceptés, sauf exceptions suivantes :
- Les noms propres ;
- Les mots d’une lettre ;
- Les formes conjuguées des verbes, à l’exception de l’infinitif et des participes ;
- Les onomatopées et les interjections ;
- Les préfixes et les suffixes ;
- Les sigles ;
- Les abréviations ;
- Les symboles chimiques ;
- Les mots mal orthographiés.
Je n’ai pas sorti la liste de nulle part, celle-ci ayant été clairement édictée dans la première émission par Francis Pichon, le premier arbitre du jeu, qui fut remplacé par Max Favalelli à partir de 1966 (ce dernier restera d’ailleurs pour les premières saisons de DCDL en tant que tel, jusqu’en 1984). D’où les précisions pour des éléments auxquels on n’aurait pas pensé, comme les symboles chimiques.
La seule petite différence avec la liste que je viens de mentionner, c’est qu’il précise que les participes passés sont tolérés, sans mentionner les participes présents. Mais comme ils ont fini par être acceptés, je me suis permis de faire cette petite entorse, car cette liste d’interdits n’aura autrement pas évolué avec le temps. Hormis les mots qui n’étaient pas encore entrés dans le dictionnaire à l’époque (comme certains anglicismes), bien sûr.
Et, naturellement, si un mot est proposé alors qu’il contient des lettres non disponibles, il est refusé.
Bon, je n’ai pas grand-chose à dire de plus sur ce principe. Selon les standards d’aujourd’hui, c’est très basique ; et j’ajouterais également que, rétrospectivement, les tirages de seulement 7 lettres pouvaient rendre la réflexion assez facile, en comparaison de ce qu’on a connu par la suite.
Cela dit, ce n’est pas un mauvais principe non plus, loin s’en faut. J’ai toujours du respect pour les jeux de lettres, de par leur dimension à faire réfléchir aussi bien les candidats que les spectateurs, sans pour autant nécessiter de prérequis aussi diffus que la culture générale (si ce n’est connaître assez de vocabulaire).
Par ailleurs, dans Le mot le plus long, il pouvait également y avoir une certaine dimension stratégique… même si je pense qu’elle était initialement un peu involontaire.
En effet, à l’issue de chaque tirage, les candidats proposent leur mot, et celui qui a le plus long remporte les points.
Puis on retire les lettres qui composent le mot qui vient d’être proposé ; en laissant sur le plateau de jeu celles qui n’ont pas été utilisées. Notons cependant que si personne n’a proposé de mot valable, les 7 lettres du tirage sont alors remplacées par de nouvelles.

Outre le côté stratégique (dont je reparlerai plus loin), cette façon de faire avait quand même un léger inconvénient ; dans la mesure où, le juge arbitre dévoilant après chaque tirage les mots les plus longs qu’il était possible de composer, il est parfois possible de composer ces mêmes mots lors du tirage suivant, pour peu que les quelques lettres piochées soient peu ou prou les mêmes… ce qui ôte un peu l’effort de réflexion dans certains cas.
Le fait de partir sur des tirages indépendants les uns des autres (plusieurs années plus tard) permettra de corriger cet aspect-là.
La première émission
Dans cette première version, la partie commence par un Pile ou face, afin de déterminer quel joueur va commencer.
Par là, comprendre : quel joueur va être le premier à demander une consonne ou une voyelle ; mais ce ne sera pas le seul intérêt.
L’intérêt est également d’être le premier à pouvoir proposer un mot ; et, ensuite, de voir si l’adversaire a une meilleure proposition à formuler ou non. En revanche, de ce que j’ai compris, il faut que cette proposition soit strictement meilleure ; i.e. si le candidat dont c’est le tour propose un mot de 4 lettres, il faut que son adversaire propose impérativement un mot de 5 lettres ou plus pour marquer des points. S’il propose un mot du même nombre de lettres, il ne marque rien.
Au tour suivant, la main passe à l’adversaire, et ainsi de suite.
Et je ne suis pas très fan de cette façon de procéder…
Le problème, c’est que le nombre de points en jeu maximal pour chaque tirage n’est pas le même. Imaginons que les tirages impairs permettent de remporter 6 points maximum, mais que les tirages pairs permettent de n’en remporter que 5 : à supposer que les deux candidats aient un niveau de jeu optimal et trouvent systématiquement les meilleurs mots, celui qui commence aura un avantage conséquent par rapport à son adversaire. Ce qui rend finalement cette façon de procéder plutôt déséquilibrée.
D’un point de vue contemporain, je trouve même cette asymétrie assez choquante, dans la mesure où, de ce que j’en connaissais jusqu’alors, DCDL avait le grand avantage d’avoir une mécanique dans laquelle les duellistes étaient toujours plus ou moins mis sur un pied d’égalité (hormis le choix consonne/voyelle, mais qui reste assez mineur), ce qui renforçait la solidité de la mécanique globale. Finalement, ça n’aura pas toujours été le cas…
Sinon, je parlais plus haut de l’aspect stratégique lié aux lettres restant sur le plateau de jeu : c’est dans cette version, à la mécanique asymétrique, que cet aspect sera le plus notable.
En effet, comme la main passe à l’adversaire pour le tirage suivant, celui dont c’était le tour a tout intérêt à trouver un mot qui utilisera le moins possible les lettres “chères” (i.e. les plus difficiles à placer, comme celles qui valent plus de 4 points de Scrabble comme le H, le Q, le J, le K, etc.). Comme ces lettres resteront sur le plateau de jeu, elles ne faciliteront pas la tâche pour l’adversaire, et réduiront d’autant plus ses chances de former un mot très long.
Et, clairement, c’est l’asymétrie du concept qui peut pousser à jouer ainsi, dans la mesure où il vaut mieux ne pas avoir la possibilité de valider un mot de 4 lettres qu’un mot de 7 lettres, dans le cas de figure où l’adversaire trouverait le mot le plus long.
L’autre élément marquant de cette première version concerne la façon dont les points sont comptés au global.
En effet, un élément notable dans le décor du jeu, c’est l’espèce de plateau triangulaire type jeu de l’oie qu’on peut apercevoir entre deux tirages.
Et, effectivement, c’est bien une sorte de jeu de l’oie ; si ce n’est qu’on remplace les valeurs des lancers de dé par le nombre de points marqués au tirage précédent.
On pourrait se dire que c’est juste une façon un peu originale de présenter les scores, à la place de compteurs plus classiques ; toutefois, ça va un peu plus loin que ça.
En effet, la subtilité, c’est que lorsqu’un candidat tombe sur une case impaire (indiquée en noir), il doit en plus répondre correctement à une question posée par le juge arbitre pour pouvoir rester sur la case en question. En cas de bonne réponse, le candidat peut rester sur la case ; en revanche, en cas d’erreur ou de réponse non donnée, il doit retourner sur la case où il était précédemment.

Je vous avoue que ça m’a un peu pris par surprise ; car je ne m’attendais pas à ce que cette première version soit aussi “élaborée” dans son concept, surtout par rapport à ce qu’on a eu par la suite ! D’autant plus qu’à ma connaissance, une fois ce jeu de l’oie supprimé, plus rien n’y fera allusion par la suite dans le reste de l’histoire du jeu.
Dans l’idée, j’ai envie de dire pourquoi pas. Je reconnais que ça permet d’éviter la monotonie d’avoir un format qui se contenterait juste d’aligner les tirages de lettres ; mais, tout de même, la sanction en cas d’erreur lorsqu’on est sur une case noire reste un peu sévère. Ne pas pouvoir avancer de 5 ou 6 cases à cause de ça, alors que le candidat a réussi au préalable à trouver un mot suffisamment long… c’est un peu dommage.
En outre, je n’ai pas précisé non plus sous quelle forme était la question posée au candidat sur le case noire ; et pour cause, la nature de celle-ci a changé en cours de route.
Originellement, il s’agissait d’une question de culture générale ; par exemple, donner la date d’une bataille célèbre ou chanter un couplet de la Marseillaise. Et… mouais. Je me doute que le jeu devait encore un peu se chercher au départ ; mais tout de même, ça m’a paru un peu hors sujet. On verra dans l’article suivant comment DCDL aura réussi à introduire de la culture générale d’une manière qui soit davantage dans son état d’esprit.
En tout cas, la production a dû se dire elle aussi qu’il y avait sans doute moyen de trouver quelque chose qui soit dans le thème du jeu ; aussi, quelques années plus tard, cette question de culture générale a été remplacée par un mini-jeu basé sur la langue française. Mini-jeu pris parmi plusieurs concepts (liste sans doute non exhaustive) :
- Trouver un mot à partir d’une définition, ainsi que quelques lettres déjà placées (i.e. un proto-Slam) ;
- Trouver un mot qui permet de former deux nouveaux mots à partir de deux mots existants (i.e. le Mot manquant du Grand concours) ;
- Trouver un mot qui correspond à deux définitions différentes (i.e. les énigmes à double-sens de la Roue de la fortune) ;
- Remettre les lettres d’un mot dans l’ordre (i.e…. ben, une anagramme, quoi) ;
- Dire si un mot est masculin ou féminin.
Finalement, on peut voir ça comme une esquisse de quelque chose qui apparaîtra dans les années 2000 ; mais qui sera joué différemment, cette fois-ci par les deux candidats en même temps. D’ailleurs, certains de ces concepts auront été repris tels quels par DCDL… plus de 50 ans plus tard ! Comme quoi…



Enfin, c’est un détail relativement mineur ; mais, dans cette première version, les 45 secondes de réflexion démarrent dès que la première lettre est dévoilée. Ce qui est, il me semble, là encore très spécifique à ce premier jet ; puisque, par la suite, le chronomètre ne démarrera qu’une fois la dernière lettre dévoilée.
Dans un sens, ce n’est pas forcément injustifié de considérer le tirage dans le temps de réflexion. En effet, les candidats peuvent déjà commencer à réfléchir à un mot, même sans forcément avoir toutes les lettres à disposition.
Le seul point sur lequel ça m’embête un peu, c’est sur le fait que ça dépend donc grandement de la vitesse à laquelle les candidats vont demander consonne ou voyelle, ainsi que celle à laquelle l’animatrice va piocher les lettres. Vu comme ça, ça ne fait effectivement pas très propre, et je pense que le fait de démarrer le chrono à l’issue de la pioche sera finalement plus équitable…
Mis à part ça, je n’ai pas grand-chose de plus à dire au sujet de cette mouture du programme. Aussi, passons à la dernière émission…
La dernière émission
La dernière émission était la finale d’un tournoi ; dont les règles différaient clairement de la première.
Dans cette dernière émission, le Pile ou face en début de partie est maintenu ; toutefois, il ne sert plus qu’à décider quel candidat demandera consonne ou voyelle en premier.
En effet, on se passe désormais de mécanique au tour par tour ; et si les deux candidats trouvent un mot valant le même nombre de points, ils remportent tous les deux le nombre de points en question. C’était le meilleur parti à prendre ; et je suis clairement satisfait que l’émission ait continué à procéder ainsi par la suite.
Par ailleurs, notons que ça rend également caduque l’idée de jouer “stratégiquement”, puisque les candidats jouent désormais dans les mêmes conditions. Il n’y a donc plus spécialement d’intérêt à garder les lettres chères exprès pour le tour suivant.
Notons également qu’à partir de là, les candidats doivent marquer le mot qu’ils veulent soumettre, avant de le remettre à la présentatrice ; alors qu’auparavant, ils le disaient juste oralement.
C’est d’ailleurs davantage cohérent avec l’évolution des règles, afin de s’assurer que chaque candidat avait bien un mot à proposer, en ne se contentant pas de répéter celui qui vient d’être dit par son adversaire.

Pour le reste, le jeu de l’oie est abandonné, au profit d’un système de points plus classique. Exit également les questions de culture générale, le jeu se focalisant pleinement sur les tirages de lettres.
Ce qui, au final, rend le jeu un peu plus solide qu’à ses débuts ; mais également beaucoup plus basique, puisqu’il se contente désormais de jouer des tirages de lettres tout du long. C’est d’ailleurs là que je regrette un peu la suppression du jeu de l’oie, qui permettait de varier un peu plus les plaisirs, en attendant l’introduction des chiffres.
Par conséquent, la fin du jeu n’est plus décidée par un nombre de points maximal à atteindre, mais par le chronomètre global de l’émission.
Oui, l’émission ne devant pas dépasser 30 minutes, elle avait droit à un chronomètre global qui déterminait à quel moment celle-ci devait prendre fin. Une sonnerie (assez emblématique) intervenait une première fois à 5 minutes de la fin du chronomètre, puis une seconde fois pour dire que le temps total était écoulé. Et à partir de là, plus aucun mot ne pouvait être validé ni rien : dès que ça sonne, on dévoile le gagnant, puis on dit au revoir aux spectateurs, point final !
Même si on aura retrouvé ce genre de technique pour abréger la partie dans des jeux plus récents (comme La roue de la fortune dans ses versions TF1, Fort Boyard ou La carte aux trésors version Augier), c’était une façon de faire assez datée, et pas forcément la plus élégante. En effet, une partie du Mot le plus long n’étant pas jouée comme un match de football, on ne prend pas en compte le temps additionnel dû aux aléas de la partie ; et il suffit par exemple que le juge arbitre s’éternise un peu sur quelques explications pour que ça grignote du temps de jeu…
Après, ça n’a rien de très frustrant non plus ; mais c’est juste que le système employé plus tard par la suite, se basant sur le nombre de tirages plutôt que sur un chronomètre global, me paraît plus propre. Mais pour ça, il faudra attendre encore un peu…
Conclusion
Oui, honnêtement, je préfère ne pas attribuer de note au Mot le plus long ; parce que si je devais le faire avec mes critères “objectifs” d’aujourd’hui, je ne lui rendrais pas vraiment service.
Car outre les considérations sur le rythme et la mise en scène typiques de l’époque, si ce concept pouvait être tout à fait acceptable pour les années 60, aujourd’hui il paraît surtout un peu désuet tel quel (même si je prends plaisir à voir le côté plus classieux des intervenants de l’époque, comme pour beaucoup de jeux plus anciens).
Je note quand même qu’il y avait une volonté notable au départ de proposer un concept un peu plus poussé, qui ne se contentait pas juste d’aligner des anagrammes.
Toutefois, on sent que ça essuyait encore un peu les plâtres, et que des ajustements restaient à effectuer. En effet, j’ai du mal à voir comment ce premier jet, pris tel quel, aurait pu perdurer pendant encore 50 ans.
Mais bon, il fallait bien commencer quelque part ; et à ce titre, je pense qu’il fallait aussi considérer Le mot le plus long comme quelque chose d’encore assez expérimental. Une expérimentation qui aura d’ailleurs permis de poser quelques bases et éléments emblématiques de l’émission, comme le choix consonne/voyelle, la présence d’un juge arbitre, ou encore la sonnerie de fin d’émission ; et qui aura très probablement inspiré de façon plus indirecte d’autres nouveautés ultérieures.
Ce qui place donc Des chiffres et des lettres totalement dans la continuité du Mot le plus long ; et à présent que je viens de traiter l’ancêtre, parlons plus en détail de l’héritier…
Des chiffres et des lettres (1972 – 1999)
En 1972, Le mot le plus long revient sur la deuxième chaîne de l’ORTF ; mais sous un autre nom, qui va mettre l’accent sur la principale nouveauté qui y sera impulsée. Bien évidemment, cette émission va alors s’appeler Des chiffres et des lettres.
Le compte est bon
Si le « Mot le plus long continue » d’apparaître fréquemment dans l’émission, il est désormais accompagné par « Le compte est bon ».
Dans ce mini-jeu, les candidats ont à leur disposition six nombres donnés tirés au sort (parmi les nombres entre 1 et 10, 25, 50, 75 et 100) et la possibilité de les additionner/soustraire/multiplier/diviser pour parvenir à obtenir un nombre à trois chiffres donné. Il n’est pas obligatoire d’utiliser les six nombres ; toutefois, chaque nombre de départ ne peut être utilisé qu’une seule fois.
Par exemple, pour obtenir 383 à partir du tirage : 3 – 25 – 4 – 8 – 7 – 1 ; on peut faire :
- 25 x 3 = 75
- 4 + 1 = 5
- 75 x 5 = 375
- 375 + 8 = 383
À l’instar du Mot le plus long, ce mini-jeu bénéficie lui aussi d’un temps de réflexion, durant lequel les deux candidats planchent sur le calcul.
Pour le moment, ce Compte est bon est représenté relativement timidement par rapport au Mot le plus long : en effet, le programme alterne alors deux salves de Mot le plus long avec un Compte et bon. Par conséquent, le Compte est bon n’occupe que 33% du programme, vs. 67% pour le Mot le plus long. Notons que je parle en termes de structure de jeu ; car en durée, le temps de réflexion alloué au Compte est bon est plus élevé.

Toutefois, cet ajout vient changer la donne d’une façon assez considérable. Car, outre le fait de casser la monotonie des anagrammes, l’émission joue désormais avec un aspect très complémentaire, qui sollicite d’autres qualités, et qui demande aux candidats d’être un peu plus “complets”.
Et puis, surtout, ce “Compte est bon” rend le jeu original à deux niveaux.
Premièrement : autant on peut citer pas mal de jeux qui recourent aux anagrammes (ou qui sont basés sur les lettres de façon générale) ; autant ceux qui sont basés sur le calcul et les mathématiques ne sont vraiment pas légion. Le plus souvent, le mieux qu’on puisse espérer de la part d’un jeu TV pour qu’il s’intéresse aux mathématiques, c’est une question par-ci par-là, comme n’importe quelle question de culture générale lambda.
Autrement, on peut également citer des jeux comme Réveillez vos méninges, Le dernier cercle ou 1000 Heartbeats outre-Manche, où le calcul a pu faire l’objet d’une manche ou d’une thématique à part entière ; mais en restant toutefois assez partiel par rapport à l’intégralité de l’émission. Pour RVM et LDC par exemple, ça ne représentait qu’environ 12% du contenu global de l’émission, soit moitié moins que DCDL pré-2011.
En outre, ces jeux-là ne testaient vraiment que les capacités de calcul des candidats ; tandis que le Compte est bon de DCDL (et c’est mon « deuxièmement ») va au-delà d’un simple calcul mental (ou plutôt écrit, les candidats ayant droit à un brouillon – l’informatique n’étant arrivée que bien plus tard dans le jeu). En effet, ici, on demande également au candidat un certain processus de réflexion et de logique ; car c’est tout un raisonnement qu’il faut élaborer pour parvenir à un résultat donné.
Ce qui implique notamment la connaissance de règles de calcul, comme les critères de divisibilité, afin de voir si on peut atteindre un résultat par un certain type de calcul.
Et franchement, rien que pour ce processus de réflexion mathématique, et parce qu’aucun autre jeu n’a fait mieux depuis à mon sens, ce Compte est bon pouvait justifier à lui seul le côté intemporel de DCDL.
Bon, cependant, je pense qu’il n’aurait pas fonctionné à lui seul, et qu’on en aurait fait le tour un peu trop vite si ça avait été le cas ; aussi, c’est bien que l’émission ait reposé sur la dualité chiffres/lettres.
Question d’ambiance
Une chose que j’apprécie avec ce jeu, c’est qu’il a tout de même su garder un certain côté sérieux et studieux au fil du temps. Bon, il se permet quand même parfois certaines légèretés (en plus de 50 ans, il a quand même eu droit à des séquences de bêtisier, ou à des poissons d’Avril un peu kitsch), mais ça reste gentillet. En termes dé désacralisation intrusive, on a connu très largement pire, en particulier dans les années 2010 (Le grand concours, QVGDM…).
Ce à quoi certains répondraient que le jeu en devient assommant… certes. Je conçois tout à fait que ce n’est pas un jeu qu’on regarde pour s’ambiancer, et que l’image « vieillotte » que certains en ont vient essentiellement de là. Ce à quoi je répondrais que certains jeux qui se voulaient ambiancés n’ont pas spécialement mieux vieilli (par exemple, L’académie des 9 n’est plus un programme particulièrement susceptible d’attirer un public plus jeune) ; et, surtout, que ce n’est qu’une question de goûts, et que si vous n’aimez pas les jeux plus sérieux, il n’y a rien de mal.
Bon, on me répondra : « Oui d’accord, mais pas à ce point-là non plus. Prends Questions pour un champion par exemple, ok c’est un jeu très académique lui aussi, nécessitant une culture assez poussée, pourtant Julien Lepers mettait de l’ambiance ! »… ce à quoi je pourrais répondre que la version de Samuel Étienne paraît moins dynamique en comparaison, mais que ça ne l’a pas empêchée de perdurer pour autant.
Bref. De toute façon, c’est une ambiance qui reste recherchée, voire revendiquée, par le jeu.
Déjà, parce que c’est mieux d’être au calme pour que les candidats puissent réfléchir aux différents tirages ; mais aussi parce que le jeu a un côté interactif.
Car ce jeu incite son public à réfléchir en même temps. Ce qui est certes le cas de pas mal de jeux où on peut jouer en même temps que les candidats ; mais ici, c’est d’autant plus marqué avec ces longs temps de réflexion, où le spectateur ne sera pas interrompu par un candidat qui donnera la bonne réponse au buzzer. Et cette façon d’encourager la réflexion n’est pas si répandue que ça dans les jeux TV.
Bon, après, je reconnais que c’est un peu à double tranchant ; car un spectateur qui n’a pas envie de réfléchir sur les différents tirages risque par conséquent de s’ennuyer. Là où d’autres jeux peuvent se suivre indépendamment de leurs processus de réflexion éventuels, en jouant par exemple sur des règles génératrices de suspense, un rythme plus soutenu, ou une ambiance plus marquée (même si certains jeux en abusent un peu trop…).
Ce à quoi je répondrais que, même si l’ambiance du jeu n’a pas de quoi faire sauter au plafond, on a tout de même des émissions qui arrivent à rester vivantes d’une certaine manière.
Rien que le fait de disposer de plusieurs interlocuteurs sur le plateau permet d’avoir de bons échanges et de la vie à l’antenne, et conférer au jeu une ambiance qui lui est propre. Interlocuteurs qui deviendront cependant moins nombreux au fil du temps, notamment à cause du passage à l’informatique qui aura rendu certains postes inutiles (tirage au sort des chiffres ou des lettres, écriture au tableau du processus de calcul…) ; mais qui seront tout de même restés au minimum au nombre de trois, avec un animateur et deux juges-arbitres (un pour les chiffres, un pour les lettres).
Mieux : quand ces interlocuteurs ont une certaine alchimie, ça n’en rend l’émission que plus intimiste ; et on sent qu’une partie du public est restée très attachée à ce côté-là. Et à ce niveau-là, le jeu s’en est majoritairement très bien sorti ; mais il aura tout de même eu des périodes moins prolifiques.
Mais commençons déjà par énumérer les changements au niveau des incarnations que le jeu aura connu à cette période-là.
Ainsi, le rôle d’arbitre des chiffres était initialement tenu par Fabien Buhler ; mais en 1975, à la demande d’Armand Jammot, il est remplacé par Bertrand Renard, qui venait de se distinguer en tant que candidat, en ayant remporté 12 matches d’affilée (soit le maximum possible de l’époque, le système de champion étant alors limité à 12 victoires). Et vu qu’il est resté jusqu’en 2022, on peut donc dire que c’est lui qui détient le record de longévité à la (co-)présentation du jeu, avec près de 47 ans à l’antenne sans interruption !
Pour l’arbitrage des lettres, Max Favalelli reprend le rôle qu’il avait tenu dans Le mot le plus long, pour se retirer en 1984 ; il fut remplacé par Jo Frachon, qui était alors verbicruciste pour France Dimanche (et Compagnon de la Chanson, mais N’oubliez pas les paroles n’existait pas encore à cette époque), resté jusqu’en 1986 ; puis par Arielle Boulin-Prat, alors professeure de lettres, qui sera restée jusqu’en 2022 (modulo un remplacement ponctuel par Jacques Capelovici en 1990).
Côté animation, en revanche, il y a eu un peu plus de remous. Patrice Laffont tient le rôle jusqu’en 1989 (modulo quelques remplacements ponctuels par Bernard Étienne en 1984) ; puis est remplacé par Laurent Cabrol, qui restera deux ans ; puis par Max Meynier, qui tiendra seulement neuf mois. À partir de la rentrée 1992, c’est Laurent Romejko qui prend la place ; pour ne finalement la quitter… qu’une fois l’émission déprogrammée, en 2024.
Par ailleurs, on peut également citer quelques rôles comme celui de Marie-Noëlle Bocquillon ou Dany Roig, qui consistait à placer les éléments de la partie “chiffres” sur un tableau métallique. Rôles qui auront disparu en 2000, en laissant uniquement l’animateur et les arbitres sur le plateau.


Bref, tout ça pour dire que, parmi tous les noms que je viens de citer, tous n’auront pas laissé la même marque ; et que, finalement, c’est le trio Laurent Romejko/Bertrand Renard/Arielle Boulin-Prat qui aura connu la meilleure longévité, avec 30 ans à la tête du jeu !
Et quand je disais que l’alchimie entre l’animateur et les co-animateurs était importante, il suffit de citer la période Max Meynier qui a précédé. En effet, dans une interview, Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat avaient précisé qu’ils n’en avaient pas gardé un bon souvenir, car l’animateur avait tendance à les oublier, ce qui se faisait ressentir au niveau de l’ambiance. Et le public semblait d’accord avec eux, puisque les audiences ont connu une chute à ce moment-là, entraînant celle de Max Meynier par la même occasion. J’ai eu l’occasion de rattraper une émission de cette période-là… je ne l’ai pas trouvée affreuse, mais disons qu’en effet, l’alchimie semblait faire un peu défaut, et que Max Meynier était assez bavard, donc j’imagine que ça leur laissait moins de place.
Et enfin, pour conclure sur le côté intimiste, parlons rapidement du public.
Bon, en ce qui concerne la période qui nous intéresse pour le moment, je n’ai pas grand-chose à dire ; si ce n’est que sa présence donnait un supplément d’interactivité et de convivialité au format. Ça arrivait même qu’on demande à des membres du public s’ils avaient un meilleur résultat que les candidats !
Mais cet élément d’ambiance n’aura malheureusement pas duré indéfiniment, les années 2010 ayant décidé de s’en passer (on en reparlera l’article suivant).
La structure globale (jusqu’en 1993)
Comme on l’a dit plus haut, une émission de DCDL de l’époque se compose de 12 tirages au total, dont 8 de lettres et 4 de chiffres.
Dans un premier temps, l’émission a démarré par un tirage de lettres, suivi d’un tirage de chiffres, suivi de deux tirages de lettres, puis d’un tirage de chiffres, etc.
En revanche, dans sa structure, elle restait finalement assez proche du Mot le plus long (néanmoins sans le plateau type jeu de l’oie et les questions de culture générale) ; en particulier, le côté « tour par tour » restait toujours présent.
Ainsi, en début de partie, on tire au sort le joueur qui a la main pour le premier tirage ; puis on alterne à chaque tirage. Avoir l’avantage signifie marquer les points, si d’aventure on a la meilleure proposition sur le tirage : i.e. pour le Mot le plus long, un mot plus long ou de même longueur que celui de l’adversaire ; et pour Le compte est bon, un compte exact ou un compte approchant plus proche de celui de l’adversaire.
Le nombre de points remporté dépend du nombre de lettres du mot pour les tirages de lettres ; quant au Compte est bon, un compte exact rapporte 6 points et un compte approchant 4 points. Mais dans tous les cas, seul un joueur remporte les points.
Notons toutefois que le nombre de points en jeu a évolué au fil du temps, en fonction de l’augmentation de la difficulté. D’une part, car les temps de réflexion ont été un peu raccourcis en cours de route ; et d’autre part, car le nombre de lettres des tirages de Mot le plus long a augmenté, passant de 7 à 8 lettres quelques mois après le lancement du jeu, puis de 8 à 9 lettres en 1982.
Aussi, pour que les deux types de tirages restent à peu près équitables dans leurs enjeux, lors du Compte est bon, un compte exact vaudra 9 points, et un compte approchant 6 points.

(En revanche, faites attention à votre moteur de recherche, parce que le mien me met autre chose que des définitions comme résultats…)
Par ailleurs, les matches sont joués selon un principe d’aller/retour ; et un candidat qui remporte le plus de points au cumulé remporte la partie, et reste champion, dans une limite de 12 victoires.
Étant donné que j’ai grandi avec la version des années 90 (qui a réformé ce système de comptage des points), voir un système aussi asymétrique m’a plutôt choqué ; et ce, d’autant plus que dans la dernière émission du Mot le plus long, on avait vu qu’il était possible de faire un système symétrique, où les deux candidats pouvaient marquer des points sur un même tirage, même avec les moyens plus réduits de l’époque (où les candidats n’utilisaient qu’un papier et un crayon pour étayer leurs réflexions). On régresse donc un peu ; et je ne comprends pas trop pourquoi.
À moins que d’un point de vue technique, ce ne soit l’introduction du Compte est bon qui aurait rendu un peu plus délicat le fait de rendre les copies simultanément. En fait, à l’époque, les candidats notaient surtout leurs réflexions sur le papier ; mais celles-ci prenaient tout leur sens une fois exposées à l’oral. Bref, je ne suis pas sûr que ça aurait été très lisible de tendre à l’animateur deux brouillons, pour qu’il comprenne lui-même où les candidats voulaient en venir.

Ici, notamment, le 900 a été obtenu en multipliant 50 par la somme de 10 et de 8 (on a bien indiqué l’utilisation de ces chiffres avec les traits présents juste en-dessous, mais pas la façon dont ils ont servi).
Toujours est-il qu’à l’instar du Mot le plus long de l’époque, ça posait un problème d’équilibrage.
En effet, ça aurait sans doute pu passer avec uniquement des tirages parfaits, où chaque Mot le plus long aurait été du nombre de lettres maximal, et où chaque Compte est bon aurait garanti un résultat exact ; mais là, rien ne garantissait qu’il était possible d’obtenir le maximum de points à chaque tirage.
De fait, à niveau égal et optimal pour les deux candidats, un joueur qui sera globalement le plus tombé sur des mauvais tirages de chiffres ou de lettres remportera moins de points que son adversaire, tout simplement car il lui était impossible à chaque fois de remporter le maximum.
Néanmoins, plus de 20 ans plus tard, une nouveauté assez conséquente permettra de résoudre ce problème.
La structure globale (à partir de 1994)
1994 marque le passage de l’émission à l’informatique ; et c’est désormais l’ordinateur qui se charge de proposer les tirages de chiffres et de lettres. Les candidats, eux, doivent désormais saisir leur réponse sur ordinateur eux aussi.
Bon, certes, l’émission perd un peu le côté “artisanal” qu’elle avait jusqu’alors ; mais au bout d’un moment, c’était inévitable. Je ne dénie pas le fait que ça pouvait avoir un certain charme de voir les lettres être tirées au sort en piochant des cartes, ou de voir la co-animatrice lancer le compte à trouver d’un geste de la main… mais avouez que si ça avait toujours été le cas en 2022, on aurait trouvé ça un peu trop désuet. Quoique, la version britannique Countdown n’y a pas renoncé, ce qui ne l’a pas empêchée de continuer.

Ça a moins de charme que le tableau noir ; mais les explications sont plus claires.
Mais, surtout, cette nouveauté permet aux candidats de valider leurs résultats de façon plus carrée qu’avec un brouillon ; de fait, on peut les vérifier indépendamment l’un de l’autre ; et, par conséquent, on peut (enfin !) accorder des points aux deux candidats en cas d’égalité sur un même tirage !
Pour moi, c’est à partir de là que le jeu s’est véritablement rôdé au niveau de sa mécanique ; et j’exagère peut-être un peu en disant ça, mais je dirais même que c’est l’un des systèmes les plus équitables et impartiaux que je n’aie jamais vus dans un jeu TV.
Bon, là, c’est une réflexion plus générale que je me fais au sujet des jeux TV. En effet, même avec la meilleure volonté du monde, il est très difficile pour un jeu de garantir une équité parfaite entre les différents candidats. Souvent, car ceux-ci ne jouent pas dans les mêmes conditions, avec des questions potentiellement différentes, ou des règles qui impliquent une certaine asymétrie. Et je pourrais être un peu tatillon sur le fait que la plupart des jeux impliquant de la culture générale, les candidats ne sont généralement pas tous logés à la même enseigne à ce sujet. J’en avais d’ailleurs parlé dans un article à part entière.
Mais ici, on a deux candidats qui jouent exactement dans les mêmes conditions ; et peu importe d’ailleurs si le mot le plus long possible d’un tirage ne fait que 4 lettres, ou si on n’a que des comptes approchants possibles. Au final, comme les conditions restent les mêmes pour tout le monde, si un tirage est difficile pour nous, il le sera aussi pour l’adversaire ; et si l’adversaire a trouvé le meilleur résultat possible pour un tirage, rien ne nous empêche de le trouver de notre côté non plus. Et dans tous les cas, le nombre de points attribué restera juste.
Cependant, on n’est pas encore tout à fait arrivé au système dont on aura véritablement l’habitude à partir des années 2000 ; car cette version des années 90 a également une spécificité supplémentaire dans sa façon de compter les points (spécificité qui n’existera plus à partir de l’an 2000).
En effet, ici, le nombre de points en jeu est plus « fixe », et ne dépend plus (à une exception près) de la performance du candidat sur un tirage. Comprendre par là que, pour un tirage de lettres, un mot à 6 points peut rapporter autant qu’un mot à 8 points ; ou qu’un compte approchant peut valoir autant qu’un bon compte, même si le bon compte existait pour ce tirage.
Et pour ça, on compare juste les résultats des deux candidats.
Pour un tirage de chiffres : si les deux candidats trouvent le bon compte, ou un compte approchant équivalent, ils remportent tous les deux 2 points ; quant aux lettres, s’ils trouvent un mot faisant le même nombre de lettres, ils remportent 2 points aussi.
En revanche, si leur performance n’est pas équivalente (i.e. si l’un a un mot plus long que l’autre, ou si l’un a un compte approchant plus proche du résultat que son adversaire), seul le meilleur des deux remporte 2 points…
… à une exception près. En effet, dans le cas plus spécifique ou seul l’un des deux candidats a trouvé un compte exact (dans le cas de figure où celui-ci existe) ou un mot de 9 lettres (s’il en existe un là encore), il remporte alors 3 points au lieu de 2.

Alors… bon, depuis le temps, j’ai clairement plus l’habitude du système “1 lettre = 1 point” ; aussi, vu comme ça, ce système peut paraître un peu bizarre. Mais il n’est pas dénué d’avantages pour autant, comme on va le constater.
Déjà, pour moi, le principal avantage de ce système, c’est qu’il permet de juger le Mot le plus long et le Compte est bon d’une façon strictement équitable. En effet, les scores possibles pour le Compte est bon étaient de 0, 6 et 9 points ; mais ceux du Mot le plus long étaient variables. On notera également que cette équité va jusqu’à respecter l’existence du résultat optimal, en n’attribuant le score maximal que lorsque celui-ci existe et est trouvé.
L’autre avantage, c’est que les scores obtenus par les candidats ne dépendent plus forcément des tirages (hormis pour l’existence d’un compte exact ou d’un mot à 9 lettres), ce qui fait qu’ils subissent un peu moins le côté aléatoire de ceux-ci.
En revanche, la seule chose avec laquelle j’ai un petit peu de mal, c’est sur l’obtention potentielle des 3 points ; qui est soumise à deux conditions, comme dit plus haut.
Avec, pour commencer, le fait qu’il est impossible d’obtenir 3 points avec une égalité ; alors que les deux candidats ont pourtant trouvé un résultat optimal tous les deux. C’est un peu dommage de ne pas le récompenser dans ce cas-là… même si ça ne change pas grand-chose non plus, puisque l’écart entre les deux candidats restera le même.
Et l’autre condition, c’est l’existence du tirage optimal (compte exact ou mot de 9 lettres), qui n’est jamais garantie ; et qui, à la louche, doit peut-être arriver un petit peu plus souvent pour les chiffres que pour les lettres.
Mais bon, ça reste du chipotage avancé. En l’état, le comptage des points de la formule 1994 reste tout de même le plus proche de l’idéal d’équité que le jeu a cherché à atteindre ; et, finalement, ça ne m’aurait pas spécialement choqué que ce système perdure par la suite.
Après, peut-être avait-il aussi le léger inconvénient de favoriser les égalités en fin de partie.
En outre, je reconnais qu’on peut aussi préférer le système plus modulaire « 1 lettre = 1 point » ou « un compte approchant qui ne constitue pas la meilleure solution rapporte moins », pour mieux récompenser la difficulté de trouver des résultats optimaux, plutôt que de juste comparer avec ce que l’adversaire a fait.
D’autant plus à présent qu’on a abandonné le système de tour par tour pour compter les points, et qu’il n’y avait donc plus d’inégalités potentielles à ce niveau-là, avec des candidats qui seraient tombés sur des tirages plus pourris que ceux de leurs adversaires.

Conclusion
Si Des chiffres et des lettres a encore dû essuyer quelques plâtres laissés par Le mot le plus long, et qui n’étaient pas encore tout à fait secs ; le format aura tout de même su évoluer pour proposer une mécanique plus solide, et se faire une place dans le PAF avec une mécanique finalement restée assez intemporelle, une ambiance qui lui est propre, et des figures cultes à la présentation (malgré quelques remous en cours de route). Bref, toute cette période aura servi à définir des bases solides, sur lesquelles les versions suivantes auront ajouté d’autres nouveautés, ou un peu remanié la structure.
Et après avoir parlé de l’époque où Patrice Laffont avait animé le programme, nous parlerons la prochaine fois de la période où il en est devenu le producteur…
