Pyramide. Nous y voici.
Si j’ai voulu consacrer ma cinquantième critique à ce jeu-là, c’est pour plusieurs raisons. D’une part, c’est mon jeu préféré ; et d’autre part, j’ai une histoire très particulière avec celui-ci.
En effet, s’il y a bien un jeu de plateau dans lequel j’ai été davantage baigné depuis ma plus tendre enfance, c’est celui-ci. J’avais assisté à des tournages étant plus jeune ; ma mère avait eu l’occasion de participer au jeu ; mes parents ont joué en club (et ont continué à jouer, même après l’arrêt de l’émission, pas mal de clubs Pyramide ayant continué d’exister par la suite), et ça m’arrivait de les accompagner, voire de participer parfois à des tournois… bref, j’ai fini par développer une forte affection envers ce programme, et à avoir été très attristé par son arrêt.
De fait, s’il y a bien une critique sur laquelle je serai le plus difficilement objectif, ce sera celle-là. Non pas que mes critiques n’aient pas leur part de subjectivité d’habitude, bien sûr ; mais là elle sera sans doute plus importante.
Mais pour le représenter rapidement : Pyramide est une pierre angulaire (ha ha) des années 90, et de la case du midi de France 2 pour être plus précis. Démarré en 1991, il aura occupé cette case jusqu’en 2003, de façon quasi-discontinue, avec toutefois quelques remous en 2002 dont je parlerai plus loin.
Et suite à son arrêt, il aura fallu attendre 2014 pour que le programme soit de « retour ». Mais ce terme mérite des guillemets, tant cette version-là diffère de celle des années 90. D’ailleurs, je ne la traiterai pas ici, j’en parlerai plus en détail la prochaine fois.
Pour l’heure, concentrons-nous sur la version culte.
Le déroulement global de l’émission
A l’instar de Mot de passe, deux binômes composés respectivement par un candidat et un Maître-mot s’affrontent durant une partie, avec l’un qui fera deviner des mots à l’autre à tour de rôle.
Mais contrairement à Mot de passe (et à la version de 2014, qui gère ça plus… bizarrement), les candidats restent avec leur Maître-mot durant toute l’émission. Il y aura une émission retour le lendemain pour que les candidats fassent un échange de Maîtres-mots, donc pas de jaloux.
Et contrairement à Mot de passe où les Maîtres-mots changent à chaque émission, dans Pyramide, ils restent attitrés, jusqu’à ce qu’ils ne souhaitent plus conserver leur poste (… ou jusqu’à ce qu’on les en éjecte temporairement, on y reviendra). Ainsi, en une dizaine d’années, Pyramide aura connu comme Maîtres-mots Noëlle Bréham (1991-1992), Laurent Broomhead (1991-2000), Marie-Ange Nardi (1992-1998), Claire Gautraud (1998-2003), Jérôme Tichit (2000-2003), Pierre Galibert (fin 2001) et Olivier Minne (début 2002) ; ainsi que quelques remplacements occasionnels, comme Laurence Boccolini.
Personnellement, j’ai une préférence pour ce système-là, dans la mesure où ça leur permet de se « professionnaliser » et de former des partenaires de jeu rôdés à l’exercice, là où ça pouvait être plus aléatoire pour Mot de passe (surtout en version Boccolini…). Non pas qu’ils s’en sortaient tous très bien, en revanche, notamment certains lors des débuts (bon, ça peut s’excuser, le jeu étant encore en rodage à ce moment-là) ou de la refonte de 2002 (on en reparlera…). Mais globalement, les meilleurs sont ceux qui sont restés le plus longtemps, et ceux qu’on retient davantage : Marie-Ange Nardi, Laurent Broomhead, Claire Gautraud et Jérôme Tichit.
Parmi les tout premiers Maîtres-mots qui ne sont pas restés longtemps, citons aussi l’astrologue Meredith Duquesne qui avait fait les premières émissions.
Bref. L’émission va se dérouler en quatre manches distinctes (+ un bonus), sur lesquelles je vais me baser pour le reste de ma critique, sauf mention contraire :
- Les énigmes ;
- Le ping-pong (remplacé par le Contre-la-montre fin 2001) ;
- Les noms propres ;
- Un jeu audiotel (qu’on peut plus ou moins considérer comme une manche à part entière, on y reviendra) ;
- La Grande Pyramide.
Ces manches ne sont cependant pas toutes apparues dès le début du jeu, les Noms propres et le jeu audiotel ayant été introduits quelques années plus tard.
Dans l’ensemble, le concept de base sera le même que pour Mot de passe (sauf pour la Grande Pyramide et le Contre-la-montre, sur lesquels je reviendrai en temps voulu), avec l’idée de faire deviner un mot pour un autre. Je vous invite à relire l’article précédent si vous ne connaissez pas, pour ne pas me répéter ici (déjà que cette critique risque d’être très longue).
Mais exploité un peu différemment, et de façon plus poussée.
D’ailleurs, quitte à comparer avec Mot de passe, autant parler rapidement des quelques différences quant à la façon de faire deviner les mots.
Au niveau des interdits, ils sont à peu près les mêmes pour les deux jeux, si ce n’est que Pyramide n’interdit pas les mots qui commencent pareil (et comme vous avez pu le constater quand j’en ai parlé dans l’article précédent, ce n’est clairement pas plus mal).
Par ailleurs, Pyramide dispose d’un système d’indices un peu particulier (sur lequel je reviendrai en détail un peu plus tard) : les incitations. En résumé, cette pratique consiste à dire un mot qui est censé en évoquer un autre, le mot en question étant phonétiquement le début du mot à faire deviner.
Et enfin, à une époque, on pouvait aussi dire des noms d’œuvres ou des patronymes complets à la place d’un seul mot dans Pyramide. Par exemple, si vous vouliez faire deviner « Digne », vous pouviez dire « Alpes-de-Haute-Provence » (Digne étant le chef-lieu de ce département) ; ou encore dire « Indiana Jones » pour « Archéologue ». Là, en revanche, je suis moins fan de l’idée, dans la mesure où on s’écarte un peu trop du principe de base et de sa clarté, qui consiste en un ping-pong verbal avec un mot pour un autre, et qui contribue d’une certaine façon à rendre les règles moins claires (j’y reviendrai). Toutefois, cette règle a fini par être abandonnée en cours de route, ce qui n’était finalement pas plus mal.
Cela dit, la mécanique façon Mot de passe ne sera pas la seule à être exploitée durant le jeu, les manches du Contre-la-montre et de la Grande Pyramide étant basées sur une mécanique de Time’s up. Je reviendrai en temps voulu sur ces manches-là.
Pour cette critique, je parlerai donc d’abord plus en détail des manches à la Mot de passe (énigmes, ping-pong, noms propres, jeu audiotel), pour ensuite faire un aparté sur la complexité du jeu, et enfin développer les manches à la Time’s up (Contre-la-montre, Grande Pyramide) avant de conclure.
Les énigmes
Dans cette manche, six intitulés renfermant chacun une énigme sont proposés aux candidats. Tour à tour, ils en choisiront chacun deux.
Non, la réponse de la quatrième énigme n’est pas « Laurent ». Ce serait trop facile sinon…
Une fois l’intitulé choisi, le candidat fait deviner au Maître-mot (ce sera l’inverse la deuxième fois) cinq mots, sur le principe de ping-pong verbal.
En revanche, pour faire deviner ces cinq mots, ils ne pourront pas utiliser autant de tentatives qu’ils ne le souhaitent (à l’instar de la finale de Mot de passe, où les mots ne peuvent être devinés qu’en trois tentatives maximum) ; en effet, chaque tentative leur coûte une « brique », en sachant qu’ils disposent d’un total de 13 briques avant de commencer à faire deviner les mots.
Avant de faire deviner un mot, le candidat annonce le nombre de briques qu’il souhaite utiliser pour le faire deviner. Si son partenaire ne trouve toujours pas le mot alors que le candidat a utilisé toutes ses briques, le mot est perdu. De même si le candidat prononce un mot interdit. En outre, si le partenaire trouve le mot avant que le candidat n’utilise toutes ses briques, les briques « en trop » sont perdues.
Par ailleurs, il n’y a pas de temps limite pour faire deviner les 5 mots, toutefois les candidats ne disposent que de 10 secondes à chaque fois pour proposer un mot, au risque de perdre la brique s’ils restent muets trop longtemps.
Exemple : les 13 carrés représentent les briques ; celles en bleu ont déjà été utilisées, et celles en rouge sont celles pronostiquées pour le mot à faire deviner. Les triangles en-dessous représentent les mots (jaune : trouvé/rouge : en cours/bleu : non trouvé).
Chaque mot trouvé rapporte 1 point.
En outre, si les 5 mots ont été trouvés, et qu’il reste des briques non utilisées parmi les 13 de départ, le binôme de candidats gagne un point supplémentaire par brique vacante (ce qui s’appelle le bonus). Mais attention : si l’un des mots n’a pas été trouvé, il n’y a pas de bonus possible. Donc lorsque ça arrive, les candidats n’ont plus d’intérêt à économiser des briques.
Oui, c’est rageant… ce mot ne nécessitait pas six briques pour le faire deviner, mais comme le troisième mot avait été perdu, elles ont automatiquement dû être utilisées. Dommage, sinon ça aurait permis d’économiser pas mal de points…
Si Mot de passe mettait davantage l’accent sur le stress des candidats et la gestion du temps, Pyramide, quant à lui, joue sur le côté stratégique.
En effet, Mot de passe met une pression temporelle, mais ne limite pas le nombre de mots que les candidats peuvent proposer ; excepté en finale, où ça rajoute une contrainte supplémentaire et pénalisante, mais avec tout de même 3 briques maximum pour chaque mot, ce qui reste raisonnable. Ce qui peut laisser une certaine place à l’improvisation.
Dans Pyramide, en revanche, celui qui fait deviner doit au préalable réfléchir à la méthode qu’il va employer, et dire en conséquence le nombre de mots dont il pense avoir besoin. Au risque, s’il n’est finalement pas suffisant, de perdre non seulement un point, mais également des points bonus potentiels. A contrario, réussir à faire deviner un mot avec moins de briques que prévu reste pénalisant d’une certaine manière, car les briques non utilisées sont perdues (alors qu’elles auraient pu servir à faire deviner les mots suivants, ou être économisées pour avoir du bonus) ; mais ça reste plus léger, car l’important reste tout de même de trouver les cinq mots.
Et parmi ces deux approches, je préfère effectivement le côté stratégique qu’apporte Pyramide (même si celle de Mot de passe ne démérite pas).
Mais ces cinq mots vont également avoir une importance, dans la mesure où ils vont compléter l’énigme qui va être posée juste après, et à laquelle le candidat (ou son Maître-mot, selon celui qui devinait les mots) va devoir répondre. C’est donc important d’en avoir le plus possible, autrement l’énigme sera pleine de trous.
La seule chose que je déplore un peu à ce sujet, c’est que trouver l’énigme ne rapporte qu’un point au binôme, ce qui paraît un peu anecdotique par rapport au capital de points qu’on peut avoir rien qu’en devinant les cinq mots voire en ayant des bonus… mais ça reste mineur. En fait, il faut davantage voir l’énigme elle-même comme un bonus rapide.
D’ailleurs, les rédacteurs se font parfois un peu plaisir avec les intitulés des énigmes, qui deviennent alors des indices subtils pour la réponse attendue, avec parfois un peu de créativité dans la façon de les formuler. Par exemple, pour une énigme dont la réponse était « Le quatre-quarts », l’intitulé était « =1 », ce qui était plutôt bien trouvé.
L’énigme, une fois les cinq mots trouvés… ou pas. Bon, ici, ça va, le sens de l’énigme reste assez compréhensible malgré les mots manquants.
(En revanche, si vous ne connaissez pas Bourbaki, bon courage pour trouver la réponse…)
Notons toutefois que dans les premières émissions, il n’y avait pas d’énigme, et que les mots à faire deviner étaient tout simplement des indices pour la réponse recherchée (un peu comme le mot-code de Fort Boyard). Je trouve personnellement plus créative l’idée d’avoir inclus ces mots dans une énigme, ce qui permet au passage de ne pas avoir forcément cinq mots qui soient sémantiquement liés, et donc plus de diversité dans ce qu’on peut proposer. En outre, il n’y avait que quatre thèmes, qui étaient donc tous joués. Pas beaucoup de choix donc…
Bon, ça faisait un peu amateur, ces écrans qui n’affichaient pas l’intitulé du thème en entier…
Le ping-pong
Si les candidats jouaient chacun dans leur coin pendant les énigmes, la manche 2 va en revanche apporter un peu plus d’interactivité.
Pour résumer le principe de cette manche de façon rapide : c’est les mots décisifs de Mot de passe, avec 5 mots à trouver, auxquels on a greffé la mécanique des 13 briques des énigmes (mais toujours avec la main qui passe entre chaque binôme pour chaque mot). Je vous renvoie à ma critique précédente à ce sujet pour plus de détails.
Bon, ici, cette manche n’a clairement pas autant d’importance que dans Mot de passe, étant donné qu’elle ne va pas déterminer quel candidat va aller en finale, et qu’elle permet juste de remporter quelques points supplémentaires. Ce n’est pas plus mal, honnêtement, je trouvais que Mot de passe accordait un peu trop d’importance à ce principe, en dépit de ses défauts ; ici, l’enjeu est moindre, donc ça passe mieux.
Mais surtout, c’est certainement la manche qui va demander aux candidats de devoir trouver les mots les plus sophistiqués de l’émission, avec donc potentiellement pas mal de briques pouvant être utilisées pour chaque mot à deviner (maximum 5, si on dépasse on passe au mot suivant).
Alors, la sophistication des mots à faire deviner, c’est subjectif, même si on se doute que c’est plus facile de faire deviner le mot « chat » que le mot « miscellanées ». Mais pour le coup, ce ne sont pas les rédacteurs du jeu qui vont décider de la complexité des mots à trouver.
En effet, la spécificité de cette manche (outre le ping-pong entre les deux binômes), c’est le fait que les 5 mots à trouver proviennent d’une liste élaborée par un spectateur. L’un des candidats choisit au préalable s’il souhaite la liste de « Mironton » ou de « Barjabulle » (ne me demandez pas pourquoi ils ont choisi ces noms-là en particulier, même si je reconnais que ça donne une certaine identité au jeu), noms désignant deux spectateurs présents dans le public, qui ont proposé une liste de 5 mots.
Et ce qui va les motiver à proposer des mots difficiles, c’est le fait que si les candidats ne parviennent pas à trouver les cinq mots, ils remportent un cadeau (en revanche, s’ils y parviennent, c’est l’auteur de la liste non choisie qui remporte le cadeau). Voilà, c’est comme ça qu’on fait interagir des spectateurs avec des candidats, NSTDS, pas avec des vidéos pompeuses répétées 12 fois dans l’émission !
Bon, visuellement parlant, c’est la même interface que pour les énigmes, puisqu’il y a toujours 13 briques et 5 mots à trouver.
Néanmoins, cette manche aura été la seule à ne pas avoir survécu à la refonte de 2002. Ce qui est un peu dommage, même si sa remplaçante (sur laquelle je reviendrai) ne s’en sort pas trop mal.
Les noms propres
Si Mot de passe mélange allègrement noms communs et noms propres, Pyramide préfère leur consacrer une manche à part (du moins dans cette version, le revival de 2014 les mélangera aussi). Pourquoi pas. Je ne sais pas si c’est par habitude, mais personnellement, je préfère séparer les noms communs des noms propres, comme la lexicographie française a souvent tendance à le faire.
Manche qui n’existait d’ailleurs pas aux débuts du jeu, et qui n’a été rajoutée qu’après. Ce qui n’était pas plus mal, car elle a permis de resserrer un peu le rythme de l’émission, en lui rajoutant du contenu tout en ayant la même durée.
A nouveau, on va proposer six thèmes aux candidats, qui devront choisir en alternance comme pour les autres manches. Mais cette fois-ci, il n’y en aura que deux de joués (un par binôme), avec le candidat qui fera deviner à son Maître-mot.
En outre, cette fois-ci, on laisse moins de surprise aux candidats, puisqu’on explique ce qu’ils vont devoir trouver avant qu’ils ne fassent leur choix : des villes italiennes, des chanteurs du Splendid, des grands explorateurs…
Chaque thème comportera 4 noms propres à faire deviner, avec pour chacun un maximum de… ça dépend de l’année. Au départ, c’était 5 briques ; mais au fil des années, ce nombre s’est réduit à seulement 4, puis finalement 3. Cette diminution n’était pas spécialement une mauvaise chose, car je n’ai pas souvenir que les 5 briques aient déjà été utilisées.
Comme pour QPUC, pas besoin cependant de donner le nom complet, le patronyme suffit.
Mais cette manche disposera d’une petite originalité supplémentaire.
En effet, quand un binôme a la main, celui qui doit faire deviner le mot annonce le nombre de briques qu’il souhaite utiliser. Mais l’autre binôme peut faire une enchère, en annonçant un nombre de briques strictement inférieur à celui proposé ; si c’est le cas, il prend alors la main, et c’est lui qui doit faire deviner ce mot dans le nombre de briques qu’il a annoncé.
Attention toutefois : quand un binôme ne trouve pas le nom à faire deviner, il ne remporte pas de point, et la main passe à l’adversaire… qui marque le point qu’il aurait dû remporter ! Ou deux points, si une enchère a été tentée en une seule brique, et que le mot n’a pas été trouvé.
A nouveau, on a affaire à un principe axé sur les briques plutôt créatif là encore, avec ce système d’enchères qui permet de rajouter un peu d’interactivité entre les binômes.
Toutefois, si je devais reprocher quelque chose à cette manche, ce serait le fait que c’est celle qui tend le plus vers de la culture générale quasi-pure.
En effet, si les références culturelles peuvent servir durant le reste du jeu, ici elles sont d’autant plus importantes ; d’autant plus quand on peut carrément citer le titre d’une œuvre (pour les saisons où c’était possible) pour faire deviner le nom de son auteur, par exemple.
Ce n’est pas un défaut trop dérangeant, car la manche reste solide en soi ; mais on tend un peu à s’écarter de l’idée de base de jouer principalement sur le vocabulaire.
En outre, sur ce genre de thème, on peut très facilement tout faire une seule brique, en citant juste le nom du pays à chaque fois… ça rend inutile le concept d’enchère.
A l’issue de cette troisième manche, le binôme qui a le plus de points va en finale.
En cas d’égalité, un nom propre décisif est proposé ; celui-ci devra être deviné selon le modèle du Ping-pong, avec les binômes qui jouent en alternance.
Le jeu audiotel
Eh oui, même le jeu audiotel mérite que j’en parle, pour une fois !
Oui, d’habitude, ce n’est pas un aspect très intéressant. Ca permet d’apporter un petit peu d’interactivité avec les spectateurs ; mais la plupart du temps, c’est surtout un prétexte pour leur faire appeler un numéro surtaxé, quitte à les prendre pour des pigeons, en les appâtant avec une question anormalement simple totalement assumée. Ce qui fait d’autant plus tache dans des jeux réputés pour leur sérieux comme QPUC…
Certes, on a quelques jeux qui sont davantage recherchés à ce niveau-là, comme LGDN qui propose une véritable énigme en fin d’émission, Le numéro gagnant qui va à fond dans son idée en demandant aux spectateurs d’avoir des numéros précis dans leur numéro de téléphone ; ou encore L’or à l’appel, où c’est carrément le but du jeu. Mais c’est plus souvent l’exception que la règle.
Dans le cas de Pyramide, on va plus loin que ça, puisque le jeu audiotel a un impact sur la finale qui va suivre.
En effet, un spectateur tiré au sort va tenter de faire deviner deux mots en un maximum de quatre briques aux Maîtres-mots (de son choix). Si les deux mots sont trouvés, le spectateur peut partager le gain du candidat s’il remporte sa finale, et le candidat bénéficie d’un bonus de 10 secondes pour sa Grande Pyramide.
Le téléspectateur a encore trois briques pour faire deviner ce mot à l’un des Maîtres-mots. Ca devrait le faire.
J’adore l’idée d’avoir un jeu audiotel qui soit davantage interactif, comme c’est le cas ici. Non seulement on a le téléspectateur qui intervient en « direct » dans l’émission ; mais de plus, il a un impact sur le déroulement de la partie. Un impact certes limité, puisque ça reste un bonus (un bonus qui peut quand même faire la différence sur la performance finale, cela dit !) ; mais un impact quand même. Chose assez rare dans un jeu TV pour être soulignée ! Oui, certes, ce n’est pas le seul jeu à proposer de l’interactivité de cette manière, puisque QVGDM propose un joker téléphonique et Le coffre une finale téléspectateur ; mais c’est différent, dans la mesure où ce n’est pas dans le cadre d’un jeu audiotel à proprement parler.
Au passage, ici, ça ne me dérange pas que le gain potentiel soit partagé avec le téléspectateur. D’une part, le pourcentage n’atteint pas 50% ; et d’autre part, la contribution à sa réussite est potentiellement réelle (là où dans APOAL et compagnie, c’est juste quelqu’un qui a eu du bol d’avoir été tiré au sort, et rien d’autre), donc on peut considérer ça comme du partage de dividende mérité.
En outre, ça fait que Pyramide ne dispose donc pas que d’une seule manche « interactive » avec son public, mais de deux, si l’on compte Mironton/Barjabulle, avec là encore les spectateurs qui participent eux-mêmes à leur manière au déroulement du jeu. De quoi enfoncer encore plus NSTDS à ce niveau-là !
Néanmoins, si j’ai quelque chose à reprocher… pourquoi ce sont les Maîtres-mots qui jouent avec le téléspectateur ? Pourquoi pas le candidat finaliste, qui est le plus directement concerné par ce bonus potentiel ?
Heureusement, la version 2002 ira davantage dans le bon sens à ce niveau-là, en faisant deviner les mots au candidat et non plus aux Maîtres-mots.
En outre, le jeu audiotel n’en est plus vraiment un, car à la place d’un téléspectateur, c’est un membre du public tiré au sort qui va participer.
Et enfin, c’est également un peu plus souple, car on accorde cette fois-ci 5 secondes au candidat par mot trouvé, au lieu des 10 secondes pour les 2 mots non négociables. Bonne idée.
La complexité du jeu…
Avant de passer aux manches que je n’ai pas encore traitées, revenons sur l’une des remarques qui étaient couramment faites à Pyramide : la complexité de son principe.
En fait, pour certains, c’est même cet aspect-là qu’ils ont principalement retenu de cette émission, en ne comprenant pas pourquoi quand un candidat dit « chameau », l’autre répond « bifteck », et en ironisant même via des sketches et parodies (amusants, je le reconnais) sur le fait que ce jeu semblait nébuleux.
Je suis même tombé sur un Chuck Norris fact qui était « Chuck Norris comprend les règles de Pyramide« … n’exagérons rien non plus, car même si ce n’est pas aussi trivial que de comprendre les règles d’un Trouvez l’intrus, ça reste quand même largement plus accessible au commun des mortels que de compter jusqu’à l’infini deux fois.
Mais je comprends tout à fait d’où ça vient ; et je suis même d’accord pour dire que de tous les jeux français que je connaisse, c’est sans doute le plus difficile d’accès pour un néophyte.
Cette difficulté d’accès s’explique pour plusieurs raisons.
Premièrement : comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce jeu est, en France, l’adaptation non pas d’un, mais de deux formats distincts, qui sont Password (peu ou prou notre Mot de passe) et Pyramid. Et bien que ces formats aient pour point commun le fait de jouer sur les mots pour en faire deviner d’autres, les moyens de le faire diffèrent dans chaque jeu.
Dans Password, c’est un ping-pong entre les membres du binôme, où l’un dit un mot (et un seul), et où l’autre répond par un mot (et un seul). On retrouve cette mécanique dans les énigmes, le ping-pong, les noms propres et le jeu audiotel.
Dans Pyramid, c’est une mécanique de première manche de Time’s up, où celui qui fait deviner peut dire tout ce qu’il veut (sauf le mot à faire deviner), et où son binôme peut donner autant de propositions qu’il veut. Cette mécanique se retrouve dans la Grande Pyramide, et plus tardivement lors de l’apparition du Contre-la-montre.
De ce fait, même si cette double adaptation enrichit notre version, elle peut la rendre également plus complexe, avec deux mécaniques à assimiler au lieu d’une seule. D’ailleurs, Mot de passe peut sembler effectivement plus propre, en se contentant du ping-pong avec un mot pour un autre.
Deuxièmement : les règles de chaque manche, aussi bien prises individuellement que dans leur ensemble, sont consistantes, et ne se résument pas sur un quart de Post-it.
Dans l’ensemble : pour faire deviner les mots, il ne faut pas dire de mots-composés, pas de traductions, pas de marques (pour la TV, bien sûr), pas de mots de la même racine, etc. ainsi que le système de briques.
Plus spécifiquement : les mots à trouver dans les énigmes, le ping-pong entre binômes dans la manche du même nom, le système d’enchères de la manche des noms propres… sans oublier la mécanique plus spécifique du Contre-la-montre et de la Grande Pyramide.
Là où le visionnage d’une émission suffit pour la plupart des jeux pour en comprendre les règles dans les grandes lignes, il faudra sans doute regarder plusieurs émissions pour pleinement comprendre Pyramide dans sa globalité.
Troisièmement : au fur et à mesure, les candidats et maîtres-mots ont fini par développer des automatismes, pour faire deviner certains mots plus rapidement. Ainsi, pour faire deviner « Faire », il faudra dire « Agir » ; pour faire deviner « Fidèle », il faudra dire « Lassie » ; pour faire deviner « Jeu », il faudra dire « Pyramide » (oui, c’est un peu autoréférencé, ici), etc.
Et parmi ces automatismes, on trouve le système des incitations, qui a de quoi dérouter quelqu’un qui regarde la première fois.
Le principe d’une incitation est le suivant : lorsqu’un candidat fait deviner un mot, il prend au minimum deux briques ; pour sa première brique (et éventuellement la deuxième), il tente de faire deviner le mot normalement ; puis, à la brique suivante, il dit un mot qui est censé évoquer une syllabe du mot à deviner (généralement le début du mot).
Par exemple, pour faire deviner le mot « Délit », le candidat peut d’abord dire un synonyme, comme « Infraction » ; puis, ensuite, dire « Cube ». « Cube » est une incitation pour « Dé » ; celui qui doit deviner le mot comprend alors que le mot à trouver commence par « Dé », et fait le rapprochement avec les mots précédents : un synonyme d' »Infraction » qui commence par « Dé ». Il trouve ainsi le mot « Délit ».
Au départ, c’est un système pas très intuitif : en effet, quand on n’a pas l’habitude de jouer comme ça, on a l’impression d’avoir un mot qui sort de nulle part, en rapport avec rien de ce que l’autre joueur a déjà donné. Mais quand on joue à un certain niveau, c’est très pratique.
Ah, et cerise sur le gâteau : cette pratique n’était pas autorisée avant la troisième brique (ça a été un peu assoupli vers la fin, en les autorisant finalement à la deuxième). Pas fan de l’idée, dans la mesure où ça rend l’invalidation de certains mots très subjective. Je comprends qu’on cherche à encourager la recherche sémantique avant de donner un coup de pouce supplémentaire, mais ça ne se mêle pas très bien à l’objectivité des règles.
Ici, pour faire comprendre que le mot commence par le son « San », on peut dire « Avec ».
Et enfin, quatrièmement : avec le fil du temps, les candidats et les maîtres-mots sont devenus davantage rôdés et bons dans l’exercice, faisant en sorte que le jeu devienne lui aussi un peu plus difficile par la même occasion, pour s’adapter à la hausse de niveau, mettant sur la touche ceux qui prennent le jeu en cours de route, et qui se sentent largués en regardant des candidats rôdés jouant à la quasi-perfection (bon, j’exagère un peu).
Mais ça, c’est le lot de pas mal de jeux TV présents depuis un bon moment, pour lesquels les candidats ont eu le temps d’apprivoiser le principe et de se spécialiser. Pour Motus, il a fallu s’habituer à des mots de plus en plus longs, jusqu’à devoir gérer une certaine polyvalence sur le nombre de lettres selon l’émission ; pour DCDL, les temps de réflexion sur les tirages ont été réduits et le nombre de lettres a lui aussi augmenté (même si, en contrepartie, l’usage de l’informatique a également simplifié un peu la tâche pour les candidats) ; pour NOPLP, le répertoire de chansons jouées s’accroît au fur et à mesure, notamment au niveau des mêmes chansons qui nécessitent d’être connues sur le bout des doigts, et des finales proposant des titres souvent moins connus sur lesquels les candidats ne vont pas très souvent au-delà de 1 000 €.
Pyramide n’a pas échappé à cette tendance de fond, même si son cas est un peu à part des autres jeux cités : en effet, ce ne sont pas les règles qui se sont complexifiées au fil du temps, ni le stock d’éléments de jeu qui s’est élargi ; mais plutôt les automatismes évoqués dans mon troisième point qui se sont développés, et qui finissaient par devenir nécessaires pour jouer de manière efficiente.
Je peux également rajouter le fait que, durant un temps, les titres d’œuvres étaient également acceptés, pour ne finalement plus l’être au bout de quelques années. Quand on rattrape de vieilles émissions, on peut s’étonner que des candidats disent « La vie est un long fleuve tranquille » sans problème dans certaines, mais que dans d’autres ils se fassent biper… mais bon, ça, j’en ai déjà parlé plus haut.
Bref, tous ces éléments font que Pyramide n’est pas un jeu instantanément accessible, ce que je comprends, et que je peux considérer comme un défaut pour un public occasionnel.
Cela étant, gardez bien à l’esprit que ce que je considère comme un défaut ici, c’est le manque d’accessibilité immédiate du concept, et non pas la complexité de celui-ci.
… ne me dérange pas
Car personnellement, et comme j’ai probablement déjà eu l’occasion de le dire : le fait qu’un jeu repose sur une mécanique complexe, qui nécessite un temps d’adaptation, ne me dérange pas.
Dans ma vie, il m’est déjà arrivé de jouer à des jeux de société largement plus complexes qu’un Trivial Pursuit, basés sur la stratégie, et avec des règles et des mécanismes très sophistiqués, qui pouvaient parfois prendre jusqu’à une bonne demi-heure d’explications pour les comprendre comme il faut. Si vous en voulez quelques-uns, je peux vous citer (liste loin d’être exhaustive) Underwater cities, Iki, Cyclades, Seize the bean, Brass Birmingham, Istanbul… des jeux dont j’ai le souvenir d’une explication un peu fastidieuse avant de démarrer la partie.
Mais pourtant, une fois dans la partie, et après un léger rodage, ça passait très bien ; et même mieux, ça devenait très fun de pouvoir élaborer différentes stratégies en fonction des règles et des événements qui surgissaient pendant la partie. Bref, ça valait la peine de passer un peu de temps à s’immerger au préalable.
Et, certes, les jeux TV n’ont pas à être aussi sophistiqués que des jeux de société orientés stratégie destinés principalement à des connaisseurs du genre ; mais j’aime quand un jeu TV prend en considération le fait qu’une partie du public peut être davantage exigeante dans ce qu’elle regarde. Ca me conforte dans l’idée que ce média peut, quand il le veut, faire autre chose que juste vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola, et peut avoir parmi son public des gens qui ne le débranchent pas dès qu’ils allument leur poste. Que le jeu TV n’est pas qu’un sous-genre pour divertir sans prise de tête.
Ca ne veut évidemment pas dire que les jeux moins exigeants ne valent pas la peine d’être vus (après tout, j’ai déjà traité pas mal de jeux, pour la quasi-totalité moins complexes que Pyramide, dont un grand nombre que j’ai jugé intéressants à plus ou moins fort degré, et que je recommande), mais qu’il peut y avoir une place pour des jeux davantage destinés aux initiés.
Mais bon, cette complexité ayant été jugée en partie coupable de la baisse des audiences au début des années 2000, les producteurs et diffuseurs auront souhaité la minimiser. Avec des résultats… contrastés.
La tentative de refonte de 2002 : mauvaise ?
Donc, début 2002, France 2 était déçue des audiences en déclin de l’émission, et avait voulu tenter une nouvelle version de celle-ci, se voulant davantage… accessible.
Ainsi, on a eu quelques ajustements au niveau de la mécanique (que j’ai déjà décrits plus haut), comme le Contre-la-montre qui remplace le Ping-pong, Mironton et Barjabulle qui disparaissent, ou le jeu audiotel qui est un peu plus souple ; mais aussi un nouveau plateau, un nouvel habillage, une nouvelle animatrice (Marie-Ange Nardi), de nouveaux Maîtres-mots (Olivier Minne et Pierre Galibert), un nouveau créneau horaire en fin d’après-midi, et quelques détails ça et là comme la voix-off qui devient une voix-in (c’est cependant toujours Néfertiti qui s’en charge).
Bon, en réalité, certains de ces changements avaient déjà commencé l’année précédente, comme l’apparition du Contre-la-Montre en septembre 2001, ou Pierre Galibert qui avait déjà commencé à remplacer Claire Gautraud peu de temps avant.
Mais si vous avez lu la page Wikipédia du programme, ou des articles qui en parlaient, vous avez probablement dû lire que les téléspectateurs de l’époque avaient rejeté en bloc cette nouvelle version, qu’ils trouvaient insultante par rapport au matériau de base. A tel point d’ailleurs qu’ils ont rétropédalé sur certains éléments, notamment en rappelant Claire Gautraud et Jérôme Tichit aux Maîtres-mots et Patrice Laffont à l’animation, et en faisant revenir Pyramide à midi (certes aidée par le bide monumental du Juste Euro censé la remplacer).
Du coup, la question est : est-ce que cette version avait des raisons d’être aussi mal-aimée ?
Concernant les changements de mécanique : personnellement, ça va. En fait, le principal changement à ce niveau-là, c’est le remplacement du Ping-pong par le Contre-la-montre, que je détaillerai dans le paragraphe suivant (spoiler : ça passe) ; et on a également un changement mineur avec le jeu audiotel dont j’ai déjà parlé plus haut.
Pour tout ce qui est habillage et plateau de jeu… bon, je ne me suis pas trop attardé dessus jusqu’ici, car il y en a eu plusieurs, et donner mon avis détaillé sur chacun d’entre eux me prendrait encore plusieurs paragraphes. Dans l’ensemble, habillage de 2002 compris, je trouve surtout qu’ils étaient bien adaptés à leurs époques, notamment les années 90. Pour 2002, on a également une petite réinstrumentation du générique, qui passe bien. Après, comme pour pas mal de jeux de l’époque, refaire exactement les mêmes en 2023 serait plutôt ridicule ; mais ça, c’est le lot de pas mal d’émissions.
Cela dit, j’aime bien ce nouvel habillage pour les énigmes, qui montre clairement les briques déjà utilisées, celles en cours d’utilisation, le nombre de points et le nombre de mots trouvés.
Et, cerise sur le gâteau, on distingue enfin les deux binômes avec deux couleurs différentes. Avec même le souci du détail de jouer sur la symétrie pour le second binôme !
Concernant les incarnations du jeu, en revanche… du peu que j’en ai vu, là, oui, je comprends tout à fait pourquoi une partie du public était autant outrée.
Bon, pour Marie-Ange Nardi, je n’ai rien à dire de particulier (d’autant plus qu’elle avait déjà un pied dans le jeu, puisqu’elle était Maître-mot auparavant) ; mais pour les Maîtres-mots… en fait, ils traduisaient bien le principal problème de cette nouvelle direction artistique : on a tenté de rendre le jeu moins « exigeant » pour en faire quelque chose de plus accessible… mais pas de la bonne manière.
Remplacer le Ping-pong par le Contre-la-montre, ça, je veux bien. Mettre des Maîtres-mots délibérément moins rôdés à l’exercice, en revanche… ça passe moins bien. Vous essayez peut-être de donner l’image d’un jeu qui sait reconnaître qu’il a des règles un peu compliquées ; mais quand je regarde un programme, je n’attends pas de lui qu’il tourne son concept en autodérision. Sinon, ça me donne juste l’impression d’un jeu produit totalement à la légère (et le Fort Boyard des années 2010 peut en témoigner, c’est particulièrement horripilant).
Mention spéciale à Olivier Minne, qui n’était vraiment pas bon dans l’exercice ; et qui en plus d’avoir un niveau assez basique, avait cette fâcheuse manie de régulièrement penser tout haut lors de ses réflexions. Ah, et n’oublions pas les quelques réflexions un peu grivoises ça et là, aussi… merci, mais si j’ai envie d’en voir, il y a déjà Les z’amours pour ça juste avant. Et dire qu’ils l’ont choisi pour animer le remake de 2014… on en reparlera.
Bref, à mon avis, l’énervement du public envers cette nouvelle version était plutôt justifié, à cause de ce dernier point ; et le rétropédalage qui a suivi a visé juste, selon moi. Le jeu est tout de suite redevenu plus agréable avec le retour de Claire Gautraud et Jérôme Tichit.
Mais bon, nonobstant ce faux pas, je n’en veux pas non plus à cette version 2002, qui est tout de même loin de n’avoir introduit que du négatif, et qui a surtout su rapidement corriger les points qui n’allaient vraiment pas. Ca me manque un peu, d’ailleurs, cette époque où le public un peu exigeant était écouté… quand on voit que 20 ans plus tard, malgré les protestations, DCDL est juste envoyé au casse-pipe sans aucun respect…
Bon, assez parlé des considérations globales sur la complexité du jeu et son état d’esprit, revenons au déroulement et aux règles, en parlant cette fois-ci des manches « à la Time’s up« .
Le Contre-la-montre
Et donc, l’une des conséquences de la refonte du jeu en 2002, c’est la disparition du Ping-pong au profit d’un autre format, plus accessible : le Contre-la-montre. Qui, en réalité, est apparu quelques mois plus tôt ; mais on sentait que la production cherchait déjà à aller dans cette direction-là.
Pour cette manche-là, exit le principe des briques, et bonjour la mécanique à la Time’s up.
… oui, là, pas grand-chose à dire ; comme pour les énigmes et les noms propres, on propose le choix entre six thèmes (sans dévoiler ce qu’il y a derrière avant de choisir).
En fait, pour décrire le principe de cette manche, c’est presque exactement comme la première manche du Time’s up finalement, puisque le candidat ou le Maître-mot disposera de 30 secondes pour faire deviner le plus de mots possible à son partenaire (idéalement un maximum de 7 mots).
Si ce n’est qu’au préalable, celui qui va devoir deviner devra choisir un thème parmi les 6 proposés (comme pour les énigmes), et que les 7 mots à deviner seront liés à ce thème. Thème qui n’est explicité qu’après avoir été choisi : comme pour les énigmes, on peut avoir des titres un peu malicieux (par exemple, un thème « Silence, ça tourne ! » peut ne pas avoir de rapport avec le cinéma comme on l’aurait pensé en premier lieu, mais avec la géométrie).
En outre, comme pour les énigmes, il y aura 4 thèmes joués (2 par binôme, en alternant les binômes et en alternant celui qui fait deviner).
Tout comme la refonte de 2002, cette manche n’avait pas trop fait l’unanimité parmi les puristes.
Dans un sens, je comprends pourquoi : en effet, en comparaison du Ping-pong (qui était probablement la manche la plus difficile de la première version), c’est une manche dont le principe est beaucoup plus simple et accessible ; et, par conséquent, ça faisait un peu baisser le niveau global du jeu. Par ailleurs, le Ping-pong paraissait également plus créatif et plus recherché en comparaison, à l’image des autres manches basées sur les briques.
Mais bon, personnellement, cette manche ne me dérange pas. Certes, elle est plus facile à remporter qu’un Ping-pong ; mais celui-ci avait quand même ses quelques petits problèmes déjà décrits dans ma critique sur Mot de passe, et n’était pas une manche parfaite. Le Contre-la-montre ne souffre, lui, d’aucun défaut structurel notable.
En outre, cette manche a également l’avantage de rééquilibrer un peu les différents mécanismes que le jeu met en valeur ; en effet, dans les années 90, il n’y avait que la Grande Pyramide qui exploitait la mécanique de Time’s up, vs. 3 autres manches (+ le jeu audiotel) qui mettaient en avant le concept de briques. Avec le Contre-la-montre, on se retrouve (à peu près) sur un format de 2 manches « briques » et 2 manches « time’s up », ce qui donne moins l’impression que la Grande Pyramide sort de nulle part par rapport au reste.
Et puis 7 mots en 30 secondes, ce n’est pas forcément de la tarte non plus. D’ailleurs, je m’avance un peu, mais dans le revival de Pyramide en 2014, la production avait simplifié cette manche encore davantage, avec seulement 5 mots à trouver dans le même temps imparti… on en reparlera dans l’article suivant.
Sinon, l’une des six listes est la liste Joker ; si elle est choisie, Mironton ou Barjabulle (ou… je ne sais qui à partir de 2002) remporte un cadeau. Mouais, on garde certes le cadeau, mais on perd en interactivité par rapport au Ping-pong, dommage.
La Grande Pyramide
Enfin, on y arrive. Je reconnais qu’on a vu pas mal de choses se dérouler avant cette finale ; heureusement, le principe de celle-ci est plus simple et digeste à comprendre. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle sera plus simple pour le candidat et son Maître-mot !
Notez l’effet de manche avec ces fauteuils qui se rapprochent pour inaugurer cette manche lors des premières saisons… Volte-Face n’avait rien inventé en fait !
Pour faire simple : cette manche reprend le concept du Contre-la-montre, mais cette fois-ci étendu à des locutions, expressions, dictons, etc. Par exemple : « Cordon ombilical », « Rouge sang », « Prendre la mouche »…
Pour les faire deviner, le candidat peut tenter soit de faire deviner les mots un par un (par exemple, pour « Rouge sang », dire « C’est la couleur du coquelicot » puis « Hémoglobine »), soit l’expression en entier (par exemple, pour « Cordon ombilical », dire « Les bébés qui naissent sont attachés à leur mère par un… »).
Le candidat devra ainsi faire deviner à son Maître-mot six expressions/locutions dans le temps imparti, à savoir une minute (à laquelle s’ajoute le bonus potentiellement obtenu dans le jeu audiotel). S’il y parvient, il remporte alors la cagnotte mise en jeu.
Le chronomètre est matérialisé par la pyramide qui se remplit en une minute. Si le candidat a du bonus grâce à l’audiotel, on la voit ensuite se vider en dix secondes.
Si le reste du jeu pouvait potentiellement manquer d’un peu de pep’s lié à la gestion de son rythme (et encore, ça va je trouve), cette finale rattrape plutôt bien le coup, en mettant davantage l’accent sur le stress pour le candidat, et l’enjeu plutôt élevé.
Néanmoins, je reconnais que le côté « tout ou rien » peut être un peu frustrant… même s’il n’a pas toujours eu lieu. En effet, dans les premières émissions, le candidat pouvait gagner de l’argent pour chaque expression trouvée, ce qui me semblait un peu plus juste.
Bon, d’un autre côté, dans les premières émissions, c’était également le Maître-mot qui faisait deviner les expressions au candidat… et heureusement que les rôles ont fini par être inversés, ce qui me semble plus logique, pour des raisons que je détaillerai dans l’article suivant.
Dans la première version de la manche, on voit sur les écrans l’argent gagné pour chaque mot une fois remporté.
Quelques pensées vagabondes avant de conclure
Courage, le bout de cet article va bientôt se pointer. Mais parlons d’abord de quelques éléments que je n’ai pas eu l’occasion de caser ailleurs.
Avec pour commencer quelque chose que j’aurais pu citer au sujet de la complexité, car c’était un peu tordu : la gestion des scores et la rotation des candidats.
En fait, comme on a un système d’aller/retour pour que les candidats puissent jouer avec les deux Maîtres-mots (ce qui n’est pas plus mal, c’est plus équitable), on a deux émissions qui s’enchaînent avec les mêmes candidats… sauf si l’écart de points entre les deux est trop important, ou sauf si la Grande Pyramide a été gagnée dans la première émission. Mais comme apparemment les candidats peuvent affronter deux adversaires différents (tant qu’ils n’ont pas gagné de Grande Pyramide), on peut encore les revoir après… et tout ça, c’est si j’ai bien compris comment ça marchait.
Je ne sais pas, on aurait peut-être pu simplifier un peu plus le processus, mais bon.
Ne vous étonnez pas si les scores paraissent anormalement élevés : comme les scores des deux émissions sont cumulatifs, on repart du score obtenu à la fin de la première…
Et enfin, je ne pouvais pas ne pas parler de la multiplicité des interlocuteurs présents dans l’émission.
Outre l’animateur et les Maîtres-mots, nous avons également Néfertiti, voix-off (devenue voix-in en 2002) qui ouvre l’émission, et qui peut intervenir notamment pour signaler qu’un mot est interdit, ou pour présenter les cadeaux des sponsors. Ainsi que Pépita, qui se chargeait d’apporter les cadeaux et de faire le tirage au sort du spectateur qui allait participer au jeu audiotel.
Et même si on n’aurait plus certains rôles comme celui de Pépita aujourd’hui, je trouvais que cette diversité dans les acteurs était très plaisante, et apportait beaucoup de vie et de convivialité au jeu, d’autant plus avec la complicité entre ceux-ci. Pour moi, ils restaient indissociables de cette formule.
Total : 18/20
A l’image de ce que j’ai pu écrire à son sujet, et en espérant lui avoir rendu justice, Pyramide est un jeu très riche, mais aussi assez complexe. Ce qui n’est pas un défaut, pour moi ; mais je suis conscient que ça peut rebuter une partie du public, à cause de ce petit manque d’accessibilité, d’autant plus avec les nouveautés, les modulations de règles, ou les automatismes tels les incitations, venus se greffer au concept au fil du temps.
Mais c’est finalement toutes les possibilités offertes par ce format qui en font un jeu vraiment digne d’intérêt et aussi poussé. J’adore la diversité qu’il a à offrir, à partir de deux concepts de base, qui mettent en avant la richesse du vocabulaire, mêlée à un processus de réflexion, avec une pointe de culture générale.
J’arrive à pardonner assez facilement les quelques défauts que je peux déceler ça et là, comme la règle des titres d’œuvres acceptés, le petit problème du Ping-pong, la Grande Pyramide devenue tout ou rien… car, par rapport à ce que ce programme a à offrir, ça reste relativement mineur. Ce ne sont certes pas des défauts totalement anodins, mais ils ne m’empêchent pas de profiter de tout ce qu’il a à proposer.
Et tout cela fait assez facilement de Pyramide l’un de mes jeux préférés… voire même mon préféré tout court. Ce n’est clairement pas le plus « parfait » que je connaisse (notamment par rapport à un QPUC techniquement irréprochable) ; mais ce qu’il réussit, il le réussit vraiment bien.
Mais bon, le PAF ayant évolué au fil des années, et les goûts du public aussi, il ne pouvait pas être éternel… et à ce niveau-là, je comprends qu’un Mot de passe, moins riche mais plus accessible, ait fini par recevoir les faveurs du public dans les années 2010.
Cependant, à ma grande surprise, Pyramide fut de retour durant cette période-là lui aussi ! De quoi renouer avec la richesse du concept originel ? … non. On en est même assez loin. Mais on verra ça plus en détail la prochaine fois…