Le 24 juillet 2024, à la suite d’un appel d’offres mené par l’Arcom pour renouveler un grand nombre de fréquences TNT installées depuis 2005, le verdict est tombé : alors que deux nouvelles chaînes feront leur apparition, C8 et NRJ12 devront en revanche laisser leur place à partir de mars 2025.
On peut le dire : c’est une mini-révolution pour le PAF. En effet, non seulement on a deux chaînes qui se font remplacer ; mais de plus, ça a engendré d’autres rebondissements en cascade, comme le départ des chaînes payantes de Canal+ (pour plusieurs raisons, dont officiellement la non-reconduction de C8), ainsi que la renumérotation des chaînes.
En revanche, plus subjectivement, cette mini-révolution a beaucoup fait réagir ; en particulier dans le cas de C8, où beaucoup ont été déçus, et où les réactions négatives ont été plus vives. (La pauvre NRJ12, en revanche, n’a pas bénéficié d’autant de soutiens…)
Les exemples ne sont pas difficiles à trouver, mais je peux citer par exemple l’avis de la productrice Alexia Laroche-Joubert à ce sujet (productrice pour laquelle le très peu de respect que j’avais envers elle s’est définitivement envolé suite à ses propos sur l’affaire…), qui évoque plusieurs arguments assez fallacieux, et que je ne manquerai pas de contre-argumenter (c’est d’ailleurs en partie ses propos qui m’ont motivé à écrire cet article). De toute façon, en tant que PDG du groupe Banijay France depuis 2023, dont la société de Cyril Hanouna (H2O Productions) est une filiale (Hanouna étant d’ailleurs l’un des actionnaires de Banijay), je doute quelque peu de sa neutralité.
Cela dit, c’est loin d’être la seule personne à avoir défendu C8. Je la cite en particulier car c’est elle qui m’a donné l’idée de cet article, mais j’aurais aussi pu citer les dirigeants de C8, Françoise Laborde (dont je me dis que je suis bien content qu’elle ne soit plus à l’Arcom, sur ce coup-là…), et bien d’autres.
D’ailleurs, je vais le dire tout de suite : je comprends totalement les choix de l’Arcom de ne pas avoir reconduit les deux chaînes en question, et je les trouve très justifiés. Mon seul regret étant qu’à mes yeux, une troisième chaîne aurait dû connaître le même sort… mais bon, c’est déjà rassurant de voir que le PAF n’est pas gravé dans le marbre. Après tout, on aurait très bien pu rester au statu quo, de peur de ne vouloir rien changer.
Bref, mon but ici est d’expliquer pourquoi, de mon point de vue, la décision de l’Arcom de ne pas reconduire C8 et NRJ12, au profit de deux nouvelles chaînes, était justifiée.
Mais avant de commencer, quelques précisions :
- Pendant tout l’article, je précise que, lorsque je parle de l’arrêt de C8 et NRJ12, je parle de leur non-reconduction sur la TNT, et non d’une décision de fermer purement et simplement les chaînes en question, qui auraient pu continuer à émettre par d’autres moyens. C’est important, car ici, la question concerne la justification du maintien des chaînes sur la TNT, ressource publique en grande partie sous la responsabilité de l’Arcom, et à destination du grand public. Pas l’existence des chaînes elles-mêmes.
- Si je dis comprendre la décision de l’Arcom, je ne me réjouis pas non plus du fait que deux chaînes risquent de mettre la clé sous la porte, quelle qu’en soit mon opinion. C’est évidemment triste pour ceux qui les apprécient, et surtout pour ceux qui y ont travaillé. Toutefois, l’argument du chômage technique ne justifie pas de contredire la décision, j’y reviendrai.
- Bien que j’aie effectivement une image majoritairement négative de C8 en particulier (et pas particulièrement positive de NRJ12), je tiens à souligner que ces chaînes ont quand même su apporter du positif de temps à autre. Outre certains jeux passés par mes soins que j’ai pu apprécier dans une certaine mesure, je pourrais également citer William à midi ou les émissions animalières de C8.
- Enfin, même si ce n’était pas mon intention, je crains de devoir faire un ou deux apartés jugés plus politiques pour expliquer certains de mes arguments. N’y voyez en aucun cas une volonté de ma part de mettre en avant une opinion politique ; mais certains arguments des détracteurs de la décision de l’Arcom me forcent un peu la main…
Le cas C8
On va commencer avec le cas le plus polémique…
Je pense qu’on sera d’accord pour dire que la raison de la non-reconduction de la chaîne était plutôt évidente, et pourrait se résumer à une émission (et son animateur) en particulier : Touche pas à mon poste. Bon, en réalité, l’Arcom a également avancé le manque d’inédits (ce qui m’a un peu surpris, C8 étant pourtant plus généreuse en programmes de flux que les autres chaînes TNT… en particulier NRJ12, sur laquelle on reviendra), comme quoi TPMP n’est pas la seule responsable.
Une émission tristement célèbre pour avoir accumulé polémiques et sanctions pendant plus de 10 ans ; à tel point qu’on trouve beaucoup de médias sur le sujet pour en faire des florilèges (par exemple, les vidéos de Sir Gibsy comme celle-ci ou celle-là – car il y avait clairement matière à en faire plus d’une). Et le pire, c’est qu’elle n’était même pas comme ça à la base. Ceux qui se rappellent de l’époque où c’était une émission hebdomadaire de France 4 davantage inoffensive doivent d’ailleurs beaucoup regretter de voir la façon dont elle a évolué…
Je ne vais pas faire la liste exhaustive de tout ce qui a été reproché à l’émission : mais, dans le lot, on peut citer des dérapages sexistes et homophobes, des insultes publiques, des cas d’humiliation et d’atteinte à la dignité humaine, des fake news et des théories du complot présentées nonchalamment, la surreprésentation de certains courants politiques au détriment des autres…
Notons au passage que tout ça a commencé à apparaître principalement à partir de 2015-2016, lorsque l’actionnaire devenu majoritaire de Vivendi, Vincent Bolloré, a pris le groupe Canal en main. D’ailleurs, sa mainmise ne s’est pas faite ressentir que sur C8, mais également sur feue I>télé (rebaptisée en CNews), causant un départ massif de journalistes ayant dénoncé son ingérence sur l’indépendance éditoriale de la chaîne. C’est donc particulièrement culotté d’avoir pour slogan « La liberté d’expression n’a jamais autant fait parler », quand on a fondé sa chaîne en bafouant les convictions des journalistes qui y travaillaient à la base, et donc en bridant leur liberté à eux…
Et sinon, je pourrais également citer un autre cas d’ingérence décorrélé de TPMP, avec la diffusion le 16 août 2021 du film Unplanned, qui, outre son propos polémique, a également valu une mise en garde de la part du CSA en raison de sa signalétique inappropriée.
Bref. Avec ce que je viens de citer pour TPMP, ça justifiait déjà amplement l’arrêt de l’émission. C’est même un miracle qu’elle ait pu tenir aussi longtemps, alors que ses polémiques sont loin de dater d’hier ; et que l’Arcom a été on ne peut plus patiente avant de réagir plus fermement.
Mais pour certains, ça ne justifie pourtant toujours pas la décision de ne pas reconduire C8.
Pourquoi sanctionner la chaîne, et pas juste l’émission ou l’animateur ?
Parmi les détracteurs de l’arrêt de la chaîne, certains ont avancé l’argument suivant : pourquoi sanctionner C8, si le problème venait juste d’une émission en particulier, qu’on aurait juste pu supprimer ? Après tout, pourquoi des programmes comme Gym Direct ou William à midi, ou encore tous les techniciens n’étant pas liés à des productions d’Hanouna, devraient être des victimes collatérales ?
Déjà, c’est loin d’être la première fois que l’Arcom sanctionne une chaîne à cause de l’un de ses programmes qui aurait dérapé. C’est d’ailleurs plus ou moins la procédure standard, même si on a déjà eu des cas de sanctions plus spécifiques et/ou originales, comme l’interdiction temporaire de diffuser de la publicité dans l’émission. En revanche, ils n’ont normalement aucun pouvoir sur l’animateur ni sur la société de production.
Mais, surtout, parce que c’est le diffuseur qui doit valider ce qu’il montre, et s’assurer qu’il maîtrise l’antenne qu’on lui a confiée. Parce que si Hanouna et son émission ont une forte part de responsabilité, les directeurs de la chaîne sont tout autant responsables d’avoir laissé passer ça.
Et on a eu des précédents de directeurs de chaîne qui ont tapé du poing lorsqu’ils se sont aperçus qu’un de leurs visages était allé trop loin. Ainsi, en 1995, les dirigeants de TF1 se sont séparés de Patrick Sébastien, après les polémiques sur son émission Osons.
Dans le cas de TPMP, en revanche, on remarque surtout une inertie toute particulière à ce niveau-là, avec des dirigeants qui laissent totalement faire Hanouna et ne cherchent pas à le brider.
Je rappelle en effet que les premières grosses polémiques ont commencé à éclater en 2015-2016 ; et que, depuis, il n’y a eu aucun progrès de fait. Et ce, malgré l’accumulation de sanctions auprès de l’Arcom, avec un total cumulé de plus de 7 millions d’euros d’amendes. C’est un record.
Donc si les dirigeants de C8 avaient vraiment été responsables, ils auraient au moins sommé leur animateur-producteur vedette de se calmer, plutôt que d’encaisser des sanctions censées les remettre en question. Mais non, ils ont laissé courir en connaissance de cause.
Et, certes, durant leur audition pour la reconduction de la chaîne en été 2024, ils avaient avancé l’idée de diffuser TPMP en différé, afin de pouvoir couper sur le vif des séquences allant trop loin ; mais c’était plus pour pigeonner l’Arcom qu’autre chose. Car ce n’était pas lors de cette audition qu’il aurait fallu le proposer, mais des années plus tôt. Et quand on voit que ça n’a finalement pas été mis en place suite à l’annonce de l’arrêt de C8, on voit qu’il n’y avait aucune vraie volonté de réellement contrôler l’antenne.
Donc même si on avait juste supprimé l’émission qui fâche… qu’est-ce qui aurait garanti que la situation ne se serait pas reproduite, avec une autre émission, qui aurait pu être validée par les mêmes dirigeants ? À nouveau, d’autres chaînes se sont montrées plus réactives et radicales, en limogeant l’élément perturbateur avant qu’il ne mette définitivement en péril l’image de la chaîne.
Bref, diriger une antenne, c’est avant tout être responsable. Y compris de tous ceux qu’on dirige. Si certaines émissions sont supprimées, si des techniciens sont mis au chômage technique, c’est avant tout la responsabilité des décideurs, parce qu’ils n’ont pas su faire leur travail correctement, et ont montré qu’ils ne savaient pas maîtriser leur antenne. Alors que s’ils avaient su le faire, personne n’aurait été mis au chômage forcé, et on aurait pu continuer à regarder tranquillement William à midi.
Pourquoi s’acharner sur C8 en la supprimant de la TNT, alors qu’ils ont déjà payé leurs amendes ?
Un argument que, pour le coup, je n’avais pas lu ailleurs, avant de consulter l’interview d’Alexia Laroche-Joubert.
En effet, dans son interview, elle a soulevé ceci :
Le principe d’une justice, c’est quand vous avez payé votre condamnation. Vous ne pouvez pas être condamné deux fois. C8 a payé 7 500 000 euros. Ils ont été condamnés et ont payé leur dette.
D’une part, j’y reviendrai à la toute fin : mais je rappelle qu’on s’inscrit ici dans une procédure d’appel d’offres, dont le but n’était initialement pas de sanctionner telle ou telle chaîne, mais de juger de la pertinence des projets présentés, susceptibles eux aussi d’intéresser un certain public.
Et d’autre part, en partant de l’hypothèse que C8 a effectivement pâti de ses différentes sanctions… ben, ça restait mérité.
À nouveau, je rappelle que les polémiques remontent à au moins 2015-2016 ; et que depuis, la chaîne ne s’est jamais remise en question quant au contrôle de son antenne pendant près de 10 ans. Et ce, malgré les sanctions monétaires récurrentes. Même avec une amende record de 3,5 millions d’euros, même avec un cumul total de 7,5 millions d’euros d’amendes.
Donc au bout d’un moment, si les sanctions pécuniaires, aussi élevées soient-elles, ne suffisent plus, parce que la chaîne (et la société de production d’Hanouna) est toujours prête à les éponger, comment l’Arcom est supposé leur faire comprendre autrement que leur comportement est irresponsable, si ce n’est prendre une décision plus radicale ?
Personnellement, j’ai fréquenté des forums avec des règles de modération claires, qui stipulent qu’en cas d’entorse aux règles, les membres peuvent se faire sanctionner, et ce de façon graduelle. On commence par des avertissements ; si ça ne suffit pas, on bannit le membre temporairement ; et si ça ne suffit toujours pas, on bannit le membre définitivement. Et si on en vient là, c’est parce que le membre n’a jamais su se remettre en question, malgré des sanctions moins fortes. Et on ne pourra pas dire qu’il n’a pas été prévenu.
Bref, pour citer Delphine Ernotte, qui avait très bien résumé la situation :
Quand vous passez votre temps à griller des feux rouges, on vous retire votre permis de conduire.
Et les salariés mis au chômage ?
À nouveau, je reprécise que je ne me réjouis aucunement du fait que des personnes vont se retrouver au chômage du jour au lendemain. Ce qui est également valable pour NRJ12 ; même si là encore, on en parle beaucoup moins…
Toutefois, est-ce une raison suffisante pour maintenir le statu quo ? Non.
À nouveau, le rôle d’un patron, c’est d’être responsable des salariés qu’il engage. Et je le redis, mais les principaux responsables de la fermeture de C8, ce sont ses dirigeants. Donc la responsabilité des employés mis au chômage est essentiellement la leur.
Si vous travaillez pour une société qui vient à être liquidée judiciairement car elle a été délibérément mal gérée, la faute incombe principalement à ceux qui l’ont mal gérée, pas à l’autorité qui ne fait qu’appliquer la loi.
Et à ce niveau-là, je trouve que ce sont justement les responsables qui s’en sortent le mieux.
Non seulement du côté des dirigeants de Canal, dont les emplois ne sont pas directement mis en péril, contrairement aux autres employés ; mais aussi du côté de Cyril Hanouna, qui s’est finalement vu parachuter chez le groupe M6 après la fermeture de C8. Pour quelqu’un qui est tout aussi responsable que les dirigeants de C8 de la mise au chômage de nombreux employés (dont certains de sa société de production), il s’en sort extrêmement bien, non ?
Personnellement, le fait que les responsables s’en sortent aussi bien me scandalise beaucoup plus que la mise au chômage de ceux qui n’ont fait que subir leur incompétence.
D’ailleurs, si on revient en 2015, lorsque Vincent Bolloré a fait sa mainmise éditoriale sur les chaînes du groupe Canal ; à cause de la grève d’I>télé, et des positions inflexibles de la direction, des journalistes et des employés ont été poussés vers la porte. Ça ne vous a pas ému, ça ?
Non, faire appliquer des règles basiques n’est pas une décision politique
Même si j’essaie ici justement de décorréler l’aspect politique de la décision de l’Arcom, et que mon but n’est pas de prendre parti ; si vous n’avez pas envie de me lire en train de parler politique, sautez directement au paragraphe suivant.
Autre argument avancé par certains détracteurs de la décision de l’Arcom : l’aspect “politique” de la suppression de C8.
En effet, ce n’est pas pour rien que, parmi les réactions de la sphère politique, ceux qui ont le plus applaudi cette décision étaient marqués à gauche, et ceux qui l’ont vilipendée étaient marqués à l’extrême droite. Ce qui n’est finalement guère étonnant, vu les penchants politiques assumés de Vincent Bolloré et la surreprésentation de ce courant politique dans l’émission.
D’ailleurs, pour revenir un peu en arrière, quelques mois avant les auditions de l’été 2024, les dirigeants de C8 et Cyril Hanouna avaient été auditionnés par l’Assemblée Nationale pour une commission d’enquête, suite aux débordements de la chaîne (ainsi que de CNews) ; et le rapporteur de la commission était Aurélien Saintoul, député affilié à l’ex-NUPES (donc la gauche). Cette commission s’est conclue par une demande à l’Arcom de contrôler davantage les chaînes. L’extrême droite avait d’ailleurs riposté avec une commission d’enquête sur l’émission Quotidien, mais celle-ci n’aura pas abouti (en même temps, même en n’étant pas un fervent défenseur de cette émission, je pense que niveau polémiques et avertissements/sanctions, elle est encore à des années-lumière de TPMP…).
Donc bon, déjà, au vu de la conclusion de la commission, on peut dire que l’Arcom a juste fait le travail qu’on lui a demandé, parce qu’il a estimé que les débordements étaient devenus trop nombreux ; et s’il ne l’avait pas fait, on le lui aurait reproché. Donc, dans les deux cas, il y aurait forcément eu des mécontents…
Mais surtout : je rappelle que la commission concernait également CNews ; qui, elle, n’a pas été supprimée de la TNT. Ce qui a là encore suscité quelques mécontentements du côté gauche au passage ; comme quoi, on ne peut pas dire que la décision de l’Arcom les ait entièrement satisfaits non plus.
Et je ne suis pas dans la tête des dirigeants de l’Arcom ; mais je pense que si les motivations derrière la suppression de C8 avaient vraiment été politiques, il n’y aurait eu aucune raison pour que CNews ne soit pas supprimée elle aussi, vu qu’elle est tout autant marquée à l’extrême droite, et a eu au passage ses quelques condamnations pour manquements à ses obligations elle aussi (certes largement moins nombreuses que C8, mais tout de même).
Et puis vous pouvez m’expliquer pourquoi, si la décision de (non-)reconduction des chaînes avait vraiment été politique, NRJ12 a eu droit elle aussi à un arrêt, alors qu’elle n’était pas du tout concernée par ces histoires et n’a jamais fait valoir de quelconques valeurs politiques ?
En fait, on pourrait limite y voir une façon de ménager la chèvre et le chou de la part de l’Arcom, justement pour qu’on ne l’accuse pas d’un quelconque favoritisme politique.
En outre, à l’instar d’autres hautes autorités, il me semble qu’un certain devoir de neutralité est idéalement exigé ; donc insinuer qu’il y a forcément un aspect politique derrière les décisions prises par ce genre de responsables, je trouve ça quand même assez insultant d’insinuer qu’ils font leur travail en se basant sur des convictions personnelles plutôt que sur leur déontologie.
Et, certes, l’Arcom est formé par des membres nommés par de hauts responsables politiques, mais fait néanmoins l’effort de former ce collège à partir de divers horizons. Ainsi, le collège de l’Arcom est composé de neuf membres, dont :
- Le président est directement nommé par le président de la République ;
- Trois membres sont nommés par le président de l’Assemblée Nationale ;
- Trois membres sont nommés par le président du Sénat ;
- Un membre est nommé par le vice-président du Conseil d’État ;
- Un membre est nommé par le premier président de la Cour de cassation.
En outre, les différentes responsabilités de l’entité restent réparties entre les différents membre du collège ainsi formé (source).
Donc, même si ce système reste politisé dans une certaine mesure, il fait néanmoins l’effort d’inclure du pluralisme dans ses prises de décision, en se basant sur un collège issu de différents horizons, n’ayant pas tous nécessairement les mêmes sensibilités politiques.
Et au passage, en se penchant sur les sensibilités politiques des personnes que je viens de citer, ayant nommé les membres de l’Arcom : au moment de la décision, en moyenne, les responsables ayant nommé les membres de l’Arcom étaient surtout issus du centre/centre-droite (le président de la République et la présidente de l’Assemblée Nationale étant du centre/centre-droite, le président du Sénat étant de droite, le vice-président du Conseil d’État issu de la gauche, et le président de la Cour de cassation n’ayant pas de tendance politique).
Donc même l’argument de la « décision politique » ne tient pas, puisque la gauche n’y est quasiment pour rien dans la décision de l’Arcom !
Mais même en retirant le côté “surreprésentation de l’extrême droite” de la liste des tares de TPMP, je rappelle qu’il reste encore beaucoup de choses condamnables à son sujet, sans qu’on n’ait besoin de les connoter “extrême droite” pour autant.
Les dérapages sexistes et homophobes, l’atteinte à la dignité humaine, la propagation de fake news et de théories du complot, les insultes publiques (qui, au passage, auraient été tout autant sanctionnables si elles avaient été prononcées envers des élus d’extrême droite qu’envers Louis Boyard ou Anne Hidalgo… mais c’est juste que TPMP n’a jamais insulté d’élus de ce bord-là, donc forcément…) : tout ça est blâmable et sanctionnable, et on n’a pas du tout besoin d’être rattaché à la politique pour le justifier.
En fait, c’est même pire que ça, par rapport au courant politique concerné. Parce que, d’une certaine façon, ça veut dire qu’il ne voit pas le problème avec ce que diffuse la chaîne ; et donc cautionne tous ces débordements, voire les revendique. De fait, est-ce vraiment étonnant que le courant politique en question soit autant critiqué et controversé ?
Parenthèse sur le cas TV6
Mais si vous voulez un vrai exemple de chaîne fermée pour des raisons politiques : parlons de TV6.
Cette chaîne, originellement diffusée sur le canal 6, fut créée le 1er mars 1986, et diffusait une programmation à base de musique. Mais alors que la chaîne gagnait en popularité, elle fut brusquement interrompue durant son existence un an après sa création, et ferma le 28 février 1987, au profit du projet « Métropole Télévision », devenu la M6 qu’on connaît aujourd’hui.
Pourquoi ? Bon, déjà, à l’époque, l’Arcom n’existait tout simplement pas (même du temps où il s’appelait encore CSA, vu que cette entité n’a été fondée qu’en 1989) ; mais de plus, les procédures d’attribution de chaînes n’étaient pas du tout les mêmes, et se faisaient plus directement à un niveau politique. Et c’est principalement à ce niveau-là qu’on a vu apparaître des chaînes privées durant cette décennie ; y compris TF1, jusqu’alors publique, qui doit sa privatisation en 1987 au tout nouveau gouvernement Jacques Chirac formé en 1986, instaurant alors une alternance politique au niveau législatif.
Et si j’en parle, c’est parce que cette alternance a également joué un rôle dans la disparition de TV6. En effet, c’est ce gouvernement-là qui a acté la fin de la chaîne, en ne renouvelant pas la concession d’un an initialement signée, et en privilégiant un autre projet à la place (au passage porté par l’un des amis du nouveau Premier Ministre…). À nouveau, pas de CSA/Arcom à l’époque, c’était plus direct.
Bref, si vous vous plaigniez du système de l’Arcom, dites-vous que c’était encore pire à l’époque.
Et au passage, n’oublions pas non plus que durant les années 80, c’était quasiment impossible pour une chaîne hertzienne de continuer à exister sans canal analogique. Le câble et le satellite ne se sont développés en France qu’à partir des années 90 ; et tout ce qui est numérique (TNT, box Internet…) encore plus tard.
Donc, pour TV6, l’arrêt de la fréquence était réellement un arrêt de mort, et réellement plus brutal que celui de C8, qui aurait très bien pu continuer à émettre ailleurs que sur la TNT.
Franchement, même en n’ayant pas connu TV6, je comprends beaucoup plus l’émoi que sa disparition a pu susciter à l’époque. Non seulement la décision de sa fermeture était bien plus politisée ; mais de plus, elle ne disposait pratiquement d’aucun autre moyen pour continuer à exister.
Et soi dit en passant : même en admettant que C8 ait vraiment été fermée pour des raisons politiques, le cas de TV6 montre que ce n’était finalement pas la première chaîne de l’histoire du PAF à avoir été fermée pour de telles raisons. Contrairement à ce que certains prétendent, et qui devraient davantage s’intéresser à l’histoire de la télévision avant de faire des affirmations aussi péremptoires.
“C’est de la censure !” / “C’est un déni de démocratie !”
En fait, l’”argument” de la décision politique est surtout avancé par ceux qui ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre, ou font exprès de ne pas comprendre que la modération des contenus est une nécessité. Ou prônent une certaine tendance à l’anarchie. Ou d’une certaine forme de la “liberté d’expression”…
Reprenons l’interview d’Alexia Laroche-Joubert :
Vous parlez d’un déni de démocratie. […] Vous enlevez à un public, je ne parle même pas de TPMP, je parle d’une chaîne de télévision qui est la première de la TNT, vous retirez une chaîne à un public. Donc ça, pour moi, c’est un déni de démocratie.
Déjà, je trouve ça assez condescendant pour NRJ12, parce qu’elle insinue plus ou moins que C8 méritait davantage de rester au vu de son statut de “première chaîne TNT”… et à aucun moment, elle ne prend la défense de NRJ12, dont le public est certes plus restreint, mais existe quand même.
Au passage, je sais que cet argument est facile ; mais si une chaîne TNT gratuite venait à faire d’excellentes audiences en diffusant des contenus légalement répréhensibles toute la journée (comme des œuvres pornographiques à des heures où la chaîne peut être regardée par un public non majeur), ce n’est pas parce que l’audience serait excellente que ça rendrait la chaîne intouchable pour autant.
Là, à nouveau, insinuer qu’on devrait quand même laisser la chaîne continuer au nom d’une soi-disant “démocratie”, c’est vraiment passer l’éponge sur toutes ses dérives, voire les cautionner. Même pour ceux qui apprécient C8 ou TPMP pour autre chose que leurs polémiques et qui les regardent juste sans prise de tête, ça n’empêche pas de garder un esprit critique et de se dire que, quand on fait une bêtise, il faut quand même être puni pour ça.
Et puis, surtout : en quoi le fait que la chaîne soit appréciée par un certain public justifie qu’elle devienne intouchable ? En quoi c’est un déni de démocratie de sanctionner une chaîne en particulier, parmi tant d’autres qui véhiculent déjà des opinions diverses et variées ?
Justement, on est loin du temps de l’ORTF, on a quand même désormais le choix entre plein de chaînes, voire pléthore de médias en comptant les stations de radio ou les plateformes de streaming. Tout le monde a largement de quoi trouver son compte parmi l’offre existante, et ce n’est pas le retrait d’une chaîne de la TNT, pour des raisons justifiées, qui va mettre péril en la demeure. Et insinuer que tous les autres médias se ressemblent trait pour trait serait fort de café, on voit des opinions diverses être exprimées dans des médias divers. C’est juste que certains médias savent où se trouve la limite entre liberté d’expression et contenus haineux ou non véridiques…
Et ce qui permet cette liberté médiatique, c’est aussi le fait qu’on soit à une époque où les différentes technologies, ainsi que des législations allant dans ce sens, ont permis de pouvoir s’exprimer plus facilement.
Mais le problème avec ça, c’est qu’il faut tout de même réguler ce que les gens disent ; car, pour paraphraser un certain personnage de comics, un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Donc, oui, vous avez tout à fait le droit de vous exprimer publiquement ; mais faites tout de même attention à ce que vous dites, parce que vous en êtes responsable…
Bref, il faut une modération et une charte. Ce qui est un compromis largement plus acceptable que de ne pas pouvoir s’exprimer du tout.
Reprenons notre exemple des forums en ligne : quand vous vous inscrivez, vous vous engagez à suivre une charte de bonne conduite, qui vous demande de respecter vos interlocuteurs, de ne pas faire de dérapages, d’insultes, de discrimination, d’incitation à la haine, etc. et de reconnaître qu’en cas de dérapage de votre part, les modérateurs peuvent vous sanctionner. Avec des sanctions pouvant aller d’un simple avertissement à un bannissement définitif, si vraiment vous avez accumulé les mauvaises conduites.
Si ces règles sont là, ce n’est pas pour appliquer une idéologie quelconque, mais pour garantir le bon déroulement de la vie du forum, et des échanges sereins, et ce pour tous les contributeurs, ainsi que pour les lecteurs.
Pour les chaînes de télévision, c’est la même chose, si ce n’est que la “charte” prend la forme d’une convention signée auprès de l’Arcom, que les diffuseurs s’engagent à respecter. Donc si un diffuseur ne la respecte pas, c’est normal qu’on le sanctionne ; et s’il récidive continûment, c’est normal qu’on applique la sanction la plus forte. Et il me paraît clairement impensable que la convention de C8 fût aussi laxiste…
Pour prendre un autre exemple, citons le Code de la route.
Oui, c’est peut-être ennuyeux de respecter certaines règles, dont vous ne comprenez pas forcément l’intérêt au premier abord ; mais si on a défini ces règles, c’est pour une raison précise, à savoir rendre la conduite plus sûre et plus accessible.
Autrement, si on avait une anarchie automobile, avec une absence totale de règles de circulation, la conduite deviendrait beaucoup trop dangereuse, non seulement pour les conducteurs, mais également pour les piétons ; et à un tel stade, si on veut éviter l’hécatombe, il faudrait alors soit totalement la supprimer, soit n’autoriser que les personnes suffisamment responsables à conduire.
Donc, oui, c’est justement le fait de réguler la conduite automobile qui permet de la rendre accessible au plus grand nombre.
Bref, c’est très facile pour les diffuseurs de venir se plaindre qu’ils se font censurer, alors qu’ils savent très bien eux-mêmes ce qu’ils font.
Car je rappelle qu’ils ont signé (et donc accepté) une convention auprès de l’Arcom, et que celle-ci détaille très nettement leurs droits et leurs devoirs, dont celui de maîtriser leur antenne. Venir se plaindre alors qu’ils savent très bien qu’ils n’ont pas respecté leur convention, c’est de la mauvaise foi pure et simple, et un moyen d’émouvoir leur public en les faisant réagir dans leur sens, sans les faire réfléchir.
Et c’est une stratégie qui devient malheureusement de plus en plus répandue pour véhiculer des opinions controversées, en faisant semblant de s’indigner qu’on les “censure”, alors que ceux qui sont derrière savent très bien qu’ils jouent avec les règles, et espèrent toucher la corde sensible de leur public de façon fallacieuse pour les amener dans leur sens.
Donc, s’il vous plaît, ne vous laissez pas porter par vos émotions au quart de tour, et faites un effort de réflexion pour vous demander si ceux qui hurlent à la “censure” sont vraiment légitimes pour le faire.
J’en reparlerai d’ailleurs encore un peu plus loin ; mais pour le moment, passons à l’autre cas.
Le cas NRJ12
Parlons à présent de NRJ12 ; et heureusement, ça devrait être beaucoup plus rapide et moins polémique.
Déjà, parce que la suppression de la chaîne a ému beaucoup moins de monde (en fait, c’est surtout Jean-Paul Baudecroux, le patron du groupe qu’on a entendu se prononcer là-dessus) ; mais aussi parce que ses “torts” sont d’une toute autre nature.
Bon, “torts” est un bien grand mot, certes. Même si la chaîne n’était clairement pas réputée pour sa qualité de programmation (surtout quand on pense à des programmes comme Les Anges de la télé-réalité…), elle était quand même très loin d’atteindre les sommets de TPMP en la matière ; et, de toute façon, ça m’étonnerait fort que l’Arcom ait justifié sa décision de cette façon, NRJ12 n’étant ni pire ni meilleure que d’autres chaînes à ce niveau-là.
En fait, le problème vient plutôt du manque de ressources de la chaîne, et de son manque de plus-value et d’inédit.
Bon, certes, là encore, reprocher ça uniquement à NRJ12, ce serait fort de café. Après tout, on a également raillé la TNT de façon générale pour sa programmation low-cost, le manque de diversité de ses programmes, avec des chaînes meublées à grands coups de séries ou de programmes diffusés pendant plus de quatre heures… y compris d’ailleurs des chaînes autrement plus ambitieuses comme C8 (qui adorait meubler ses jours fériés à grands coups de bêtisiers toute la journée) ou TMC (qui peine à exister en dehors de Quotidien et des prime-time).
À ce niveau-là, on peut quand même noter quelques progrès ça et là ; en particulier depuis le lancement de D8 en 2012, qui aura motivé certaines chaînes à muscler leur access. Certes, ça ne meuble pas l’intégralité de l’antenne convenablement (en particulier les heures creuses, pour des raisons économiques évidentes), mais c’est toujours ça de pris.
En revanche, certaines chaînes continuent à se démarquer encore et toujours par leur manque d’ambition et/ou de nouveauté. Les premiers exemples me venant à l’esprit étant TF1 Séries Films et 6ter, les chaînes de trop des groupes TF1 et M6, dont les nouveautés et inédits proposés en un an doivent se compter sur les doigts d’une main ; et qui auraient à mon sens clairement mérité de ne pas être reconduites, si elles avaient été concernées par l’appel d’offres (mais pour ça, il faudra attendre l’expiration de leurs conventions en 2027).
NRJ12 est… plus ou moins dans ce cas. En effet, depuis sa création en 2005, elle a connu des hauts et des bas ; mais depuis quelques années, ce sont surtout les bas qu’elle tend à tutoyer.
Revenons rapidement sur l’histoire de la chaîne. À son lancement en 2005, elle misait majoritairement sur les programmes musicaux, les séries et les mangas ; et à partir de 2007, elle s’est lancée dans la production de ses propres magazines et émissions de télé-réalité. Ce qui lui aura permis de connaître ses années les plus prospères (dont le pic aura été un certain “Non mais allô quoi”…) ; et ce n’est sans doute pas pour rien que l’image de NRJ12 qui vient immédiatement en tête pour certains, c’est une image de télé-poubelle, vu le côté peu valorisant de ce genre de programmes.
Cependant, la chaîne en était consciente ; et même si ça fonctionnait plutôt bien, ça restait quand même risqué sur le long terme de miser plus spécifiquement sur un auditoire qui avait vocation à grandir, et à naturellement se désintéresser de ce genre de programmes une fois passé le cap de l’adolescence.
Aussi, en 2015, elle a essayé de devenir un peu plus généraliste, et de renouveler ses programmes et ses incarnations pour essayer de monter en gamme (par exemple, avec le remake de l’Académie des 9). Ça aura malheureusement été un fiasco, et la chaîne sera revenue à ses fondamentaux seulement quelques mois plus tard. Et autant je respecte tout de même la tentative, autant l’erreur à mon sens a été de ne pas avoir laissé plus de temps à ces nouveautés pour s’installer. Car la chaîne était déjà estampillée “télé-poubelle” avant cette tentative, et ne pouvait donc pas espérer changer d’image du jour au lendemain.
Finalement, NRJ12 est très vite revenue à ce qui fonctionnait le mieux… mais le mal était déjà fait. Entre la tentative ratée de reconversion de 2015, et l’usure naturelle du genre de programmes qu’elle mettait en avant, l’audience n’aura finalement fait que baisser de plus en plus, et les rentrées publicitaires avec. Malgré d’autres nouveautés en matière de magazines ou de séries, rien n’y fait, et la chaîne ne parvient pas à enrayer son déclin.
Si bien qu’au bout d’un moment, avec ses 0,9% de parts de marché sur toute l’année 2024 (soit moins que Chérie 25, l’autre chaîne du groupe, à 1,3%, en étant pourtant encore moins bien placée dans la numérotation TNT…), la chaîne n’avait malheureusement plus grand-chose à investir pour renouveler sa programmation ; et ce n’était pas une fournée de 40 numéros de The Song, noyée dans un océan de rediffusions, qui allait changer la donne.
Et ça, l’Arcom n’a pas manqué de le souligner, lors de l’audition de la chaîne pour son renouvellement. Car non seulement la chaîne ne présentait quasiment plus de plus-value en matière de programmation ; mais de plus, les résultats négatifs de la chaîne se sont accumulés.
En effet, rendez-vous compte que, même pendant son “âge d’or” de 2007-2015, NRJ12 n’a jamais été rentable depuis sa création… et ce n’est clairement pas en passant sous le seuil du pourcent d’audience qu’elle y parviendra.
Au passage, je n’en ai d’ailleurs pas parlé pour C8 ; mais, depuis sa création en 2005 (périodes Direct 8 et D8 incluses), la chaîne aura quand même accumulé plus de 736 millions d’euros de pertes. Donc même de ce point de vue-là, ça aurait pu être un motif pour ne pas reconduire C8…
Bref, même si c’est triste à dire, si NRJ12 a fini par mourir, c’est tout simplement parce qu’elle n’était plus viable ; et j’ai presque envie de dire que ça rendait finalement davantage service à la chaîne d’arrêter les frais.
De fait, ça rend assez pathétiques les réactions de Jean-Paul Baudecroux au sujet de l’annonce de l’arrêt de la chaîne ; alors qu’il avait pourtant déjà été plus ou moins prévenu par l’Arcom pendant l’audition de l’été 2024… donc pourquoi il semble s’étonner que sa chaîne n’ait pas été reconduite, et va jusqu’à saisir le Conseil d’État pour contester la décision ? Tout comme les dirigeants de C8, n’allez pas me faire croire qu’il n’était pas au courant que sa chaîne était en danger, pour des raisons qu’il connaissait pourtant déjà…
En fait, quelque part, j’ai l’impression qu’il est davantage dans l’émotion de voir s’arrêter l’un des projets qui semblaient lui tenir le plus à cœur.
Car on sent qu’il tenait à avoir sa chaîne TNT, et à ce que son empire audiovisuel ne se cantonne pas qu’à la radio. Tentative qu’il avait d’ailleurs déjà essayé d’accomplir quelques décennies plus tôt… avec une certaine TV6, dont on a parlé plus haut, et dont il était l’un des porteurs du projet (en collaboration avec Publicis et Gaumont).
Peut-être est-ce ce sentiment d’histoire qui se répète qui a rendu la décision encore plus amère pour NRJ12, qu’on pouvait alors voir presque comme une revanche sur l’arrêt brutal de TV6… néanmoins, ça reste vraiment deux cas à part l’un de l’autre.
Pour rappel, dans le premier cas, on avait une chaîne en pleine ascension, dont la décision de suppression avait été prise plus brutalement, et qui n’avait pas d’autre moyen d’exister ; ce qui rendait d’autant plus compréhensible l’émoi que ça pouvait susciter. Dans le cas de NRJ12, en revanche, la chaîne avait perdu en popularité depuis plusieurs années, et devenait de moins en moins solide économiquement (mais comme je le disais plus haut, l’a-t-elle jamais été ?) ; et, honnêtement, je pense que même sans la décision de l’Arcom, elle aurait fini par mettre la clé sous la porte dans un futur plus ou moins proche pour ces raisons-là.
N’oublions pas l’appel d’offres et les nouvelles chaînes…
Enfin, ce qui m’ennuie également beaucoup avec toute cette histoire, c’est qu’à force de s’attarder sur le retrait de C8 et de NRJ12, on en oublie presque qu’à la base, l’idée n’était pas de « sanctionner » les chaînes en question.
Non, pour rappel, si des auditions et un appel d’offres ont été faits pendant l’été 2024, c’était parce que la convention des chaînes apparues en 2005 arrivait à son terme (20 ans) ; et que les fréquences étaient remises en jeu dans un cadre légal.
Autrement dit : les fréquences TNT n’appartiennent pas aux chaînes, mais sont une ressource publique, qu’elles ne font qu’emprunter. Et les conventions qu’elles signent auprès de l’Arcom ne garantissent en rien un droit de diffusion à vie.
En outre, le principe est non seulement de jauger les chaînes sortantes, pour voir s’il est intéressant de maintenir leur diffusion ; mais également de faire émerger de nouveaux projets, qui n’auraient probablement pas eu la chance autrement d’avoir une exposition sur la TNT.
Quant à simplement ajouter de nouvelles chaînes sans supprimer les anciennes : le nombre de fréquences disponibles n’est pas infini ; et même s’il l’était, le marché publicitaire des chaînes gratuites ne l’est pas non plus. Certains jugent même d’ailleurs (à raison selon moi) que la multiplicité des chaînes gratuites tend justement à réduire les recettes publicitaires et les ambitions des diffuseurs, par rapport à l’époque de l’analogique où le marché était plus concentré.
Donc je trouve que c’est même plutôt rassurant de voir que c’est possible d’attribuer des fréquences à des nouveaux entrants. Ça confirme que la procédure des appels d’offres a un intérêt.
Autrement, si on devait automatiquement renouveler l’existant sans se poser de questions, pourquoi de nouveaux acteurs voudraient-ils tenter leur chance, en sachant que c’est perdu d’avance parce que l’Arcom renouvellera aveuglément toutes les conventions existantes ?
D’ailleurs, je trouve même encore plus rassurant de voir entrer sur la TNT des acteurs qui n’avaient pas encore de chaînes dessus, ce qui accroît encore davantage la diversité des médias qui y sont représentés. Alors que j’aurais clairement râlé si on avait laissé TF1 ou M6 avoir une énième chaîne supplémentaire, vu qu’ils n’exploitent déjà pas actuellement le plein potentiel de ce qu’ils ont déjà (à nouveau, coucou TF1 Séries Films et 6ter), et que ça n’aurait donc pas approfondi la diversité télévisuelle.
À l’heure actuelle où les deux nouveaux entrants retenus (Réels TV – devenu entre temps CMI TV puis T18 – et OFTV) ne sont pas encore entrés en fonction, c’est évidemment difficile de jauger s’ils en valaient la peine ou non. Tout ce qu’on a à disposition pour se faire une idée, ce sont les auditions auprès de l’Arcom, définissant les ambitions des projets.
Toutefois, ils ont quand même été choisis pour des raisons précises, parce que leur dossier semblait vraiment sérieux (surtout comparé à d’autres qui étaient parfois un peu lunaires…), et que l’Arcom a estimé qu’ils pouvaient apporter une certaine plus-value à la TNT. Donc attendons de voir.
Au passage, pour tous ceux qui considèrent l’arrêt de C8 comme une entrave à la pluralité : pour rappel, Réels TV/CMITV/T18 et OFTV sont des projets portés par des entités (respectivement le groupe CMI et la société Ouest France) qui ne disposent actuellement d’aucun canal sur la TNT.
Contrairement à C8, qui appartient au groupe Canal, disposant de 7 fréquences sur la TNT, soit le nombre maximal de fréquences autorisé pour un groupe (le fait qu’elles soient gratuites ou payantes ne faisant aucune différence légalement) ; et même après l’arrêt de C8 et le retrait de ses chaînes payantes, le groupe Canal disposera toujours de deux canaux gratuits.
Donc, non, la suppression de C8 ne met aucunement en péril la « liberté d’expression » que le groupe Canal sera toujours libre d’exercer sur ses canaux restants. C’est même à ce niveau-là que je peux encore comprendre (dans une certaine mesure) pourquoi l’Arcom n’a pas écarté CNews, justement pour leur laisser une fenêtre. Et même au-delà de la TNT, quand on voit jusqu’où s’étend l’empire médiatique de Bolloré (Europe 1, le JDD, etc.), il n’est clairement pas à plaindre au niveau de la représentativité.
Par conséquent, même en écartant les charges émises contre C8, le fait d’avoir deux nouveaux acteurs au lieu d’une chaîne dont le groupe est déjà très représenté permet justement de renforcer ce pluralisme sur la TNT, et non de le menacer comme le prétendent les défenseurs d’une « liberté d’expression » ressortie à toutes les sauces.
Et surtout très relative en ce qui concerne les médias de certains actionnaires.
Car, au contraire, c’est la concentration des médias au sein de certains actionnaires en particulier qui met en péril le pluralisme ; et ce, d’autant plus dans le cas des médias rachetés par Bolloré. On rappelle entre autres la grève historique de feu I>télé en 2015-2016 pour protester contre son ingérence dans la ligne éditoriale de la chaîne…
Et alors que la mainmise éditoriale de Bolloré sur des médias pré-existants était très critiquée dans l’opinion à l’époque ; à présent, on la défend sans réserve ? Sous prétexte que les médias en question ont finalement trouvé leur public ? C’est très hypocrite…
Et pour finir, revenons une dernière fois sur l’argument des suppressions d’emplois (et je vais me permettre de citer une dernière fois Alexia Laroche-Joubert) :
En revanche, il y a énormément de sociétés et un plan social de 200 personnes qui vont être virées à cause de cette décision et qui ne retrouveront pas de travail. La télévision est un peu en situation de crise.
Déjà, comme je le disais plus haut, le plan social de C8 est entièrement de la responsabilité de ses dirigeants, qui n’auraient pas eu à en venir là s’ils avaient su mieux gérer leur chaîne ; donc arrêtons d’accuser l’Arcom à ce niveau-là.
Mais aussi : certes, des emplois seront supprimés d’une part ; mais d’autres emplois seront également créés d’autre part, vu que les nouvelles chaînes prévues n’existent pas encore, et qu’il faudra donc du monde pour les lancer et les faire tourner, avec des embauches à la clé. Dans le cas de Ouest-France, ça permettra même de créer des emplois dans une autre zone géographique que la région parisienne.
Car, à nouveau, il ne faut pas regarder l’affaire uniquement via le prisme de l’arrêt de C8 et NRJ12, mais dans le contexte de l’appel d’offres et des potentiels nouveaux entrants.
Donc, non, ce n’est pas la décision de l’Arcom qui va mettre un tant soit peu la télévision “en situation de crise”. Au contraire, ça montre que le média reste dynamique et prêt à se renouveler.
Bref. C’était un aparté assez long, et j’espère qu’il n’a pas été trop indigeste à lire ; mais je tenais vraiment à être le plus complet possible.
En fait, c’est surtout parce que ces chaînes (enfin, C8 en particulier… pauvre NRJ12…) ont été défendues avec autant d’opiniâtreté, que je souhaitais balayer le plus d’arguments possible.
Car même si l’événement est historique et a déchaîné les passions, ça reste une décision justifiée ; et il ne faut pas se laisser emporter par l’émotion. Il faut surtout se forger sa propre analyse des faits, afin de comprendre pourquoi ça a été décidé. Et, personnellement, même en me mettant dans la peau des détracteurs de cette décision, j’aurais eu beaucoup de mal à justifier en quoi j’aurais eu « raison », sans être contredit facilement par quelqu’un qui aurait fait ce travail d’analyse.
Vraiment, ce n’est pas parce que je n’aime pas C8 que j’ai fait ça (au contraire, avant son rachat par Bolloré, je trouvais D8 très prometteuse, et j’aurais souhaité qu’elle continue dans la même voie qu’à ses débuts), mais parce que je ne pouvais pas laisser passer autant d’arguments dont beaucoup relevaient finalement plus de la mauvaise foi qu’autre chose.
Franchement, quand je vois jusqu’où certains sont prêts à aller pour défendre leur cas (on a même eu des menaces de mort envers l’Arcom…), y compris du côté des responsables eux-mêmes ou de figures politiques influentes (certains suggérant même de supprimer l’Arcom… on leur rappelle le cas de TV6 ?) ; c’est très grave de voir à quel point les gens peuvent se déresponsabiliser et ne plus rien assumer.