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#044 – A prendre ou à laisser

Faisons un aveu : il m’arrive assez fréquemment que le plaisir que je prends à suivre un jeu ne soit pas proportionnel à son niveau de qualité. Autrement dit, ça m’arrive d’aimer regarder des programmes dont je sais pourtant qu’ils ne volent pas bien haut ; ainsi que de détester des émissions qui sont pourtant tout à fait correctes. Donc si la note que je mets en fin de critique reflète le plus souvent le niveau qualitatif du jeu que je traite (de mon point de vue), elle ne reflète cependant pas toujours mon plaisir de visionnage.
Ainsi, Le mur infernal est un jeu plutôt médiocre en soi, qui repose sur un principe assez répétitif, et qui prend un peu trop à la légère la gestion de son niveau de difficulté ; toutefois, c’est un jeu que j’aime regarder, car en tant que divertissement sans prétention, ça fait bien le café.
A l’inverse, Tout le monde a son mot à dire est un bon jeu en soi, avec une mécanique solide, des manches diversifiées et articulées autour d’une thématique plaisante, et une forte interactivité… mais je prends beaucoup moins de plaisir à suivre cette émission. La façon dont ce jeu cherche à être divertissant avec ses interventions à base de people qui se la ramènent m’horripile, en interférant constamment et intrusivement avec le sérieux de la mécanique ; ce qui rend mon visionnage plus frustrant qu’autre chose, et gâche tout le plaisir que j’aurais pu avoir à suivre ce programme s’il avait été géré différemment.
Bref, j’ai beau reconnaître que TLMASMAD est un meilleur jeu que Le mur infernal, je prends néanmoins plus de plaisir à suivre le second que le premier.

Vu comme ça, A prendre ou à laisser aurait instinctivement plutôt tendance à tomber dans la première catégorie, étant donné que, même si un visionnage de ce jeu me divertit, il repose sur une idée située au ras des pâquerettes.
Et pourtant… il est quand même parvenu à suffisamment bien maîtriser sa formule pour qu’il ne soit pas juste un plaisir coupable pour moi. Voyons comment ce jeu s’y est pris…

Avant toute chose, précisons que je traiterai en très grande majorité la version TF1 du programme, présentée par Arthur durant les années 2000.
Pour les mêmes raisons que pour Le maillon faible, je n’ai pas cherché à regarder la version Courbet sur D8 (même si je reconnais que niveau ambiance, c’était déjà moins casse-gueule) ; quant à la version Hanouna sur C8, je ne suis pas masochiste à ce point-là non plus (même si je ne me priverai pas de la tacler allègrement… enfin, surtout pour souligner les bons points de la version TF1).

Le concept

Sur le plateau, on retrouve vingt-deux candidats (vingt-quatre depuis 2009) représentant les vingt-deux régions françaises (à l’époque où il y en avait 22) + l’Outre-mer et les pays francophones à partir de 2006.
Chacun a une boîte numérotée de 1 à 22 (24 depuis 2006… vous l’avez, à partir de maintenant je vais pas me répéter à chaque fois), qui contiennent des gains différents, allant d’un centime d’euro à 500 000 € (1 000 000 € en 2006).

L’un des candidats est sélectionné via une question préalable et un tirage au sort (je reviendrai sur la question préalable…) et prend place aux côtés de l’animateur en prenant la boîte qui lui a été attribuée.
Il commence alors à ouvrir, une par une, les autres boîtes (enfin, ce sont les candidats qui y sont associés qui les ouvrent) ; et les sommes contenues dans ces boîtes sont rayées des gains éligibles pour le candidat. Son but étant d’éliminer le plus possible les petites sommes (bien sûr, comme il n’a aucune connaissance du contenu des boîtes, c’est du hasard), pour maximiser les chances d’avoir une somme élevée.

Car, après avoir ouvert un certain nombre de boîtes, il reçoit un appel du Banquier, qui lui propose de racheter sa boîte pour une certaine somme qu’il communique. S’il accepte l’offre, il repart alors avec le montant proposé (et on continue bien sûr à ouvrir les boîtes pour savoir si le candidat a fait une bonne affaire ou non) ; s’il la refuse, il continue à ouvrir des boîtes jusqu’au prochain appel. Attention toutefois : moins il y a de gros montants encore en jeu, moins l’offre du Banquier sera élevée… d’où l’importance d’en éliminer le moins possible en ouvrant les boîtes.
Il arrive d’ailleurs parfois que, suite à un tirage catastrophique, le Banquier propose une offre « troll » (comprendre par là : moins de 20 euros) que le candidat n’a évidemment aucun intérêt à accepter. Ca peut être amusant quand c’est en tout début de jeu et qu’il a le temps de renverser la vapeur… mais ça devient plutôt de l’irrespect quand ça arrive à la fin et qu’il a moins de possibilités d’inverser la tendance. Mais bon, ça reste quand même assez rare.
En outre, durant le mois de décembre 2006 (donc à l’approche de Noël), le Banquier pouvait aussi proposer un cadeau à la place d’un montant. Heureusement, ça restait généralement quelque chose de suffisamment valorisant pour que ça puisse valoir la peine d’être accepté, pas comme les cadeaux aléatoires tantôt intéressants et tantôt stupides de Chacun son tour.

Le Banquier peut également proposer un échange de boîtes, c’est-à-dire que le candidat va échanger sa boîte contre une autre boîte qui n’a pas été ouverte, en espérant alors que (s’il accepte l’échange) la boîte qu’il va récupérer contienne une plus grosse somme.
Notons par ailleurs qu’à partir de 2006, le candidat a la possibilité d’échanger sa boîte avant même de démarrer la partie. Pourquoi pas…


Bon, là, c’est vraiment parce que le candidat a été particulièrement malchanceux que le banquier lui a fait une proposition aussi pourrie. Mais bon, il reste encore les 3/4 de l’émission pour se refaire une santé…

Les appels du Banquier sont assez réguliers et se produisent ; toutefois, ça peut occasionnellement arriver qu’il appelle deux fois de suite, pour faire douter le candidat.
La partie se termine soit lorsque le candidat accepte une offre du Banquier, soit lorsqu’il a ouvert toutes les autres boîtes (on ouvre alors la sienne, qui contient le montant de ce qu’il va gagner).

Avant de continuer, reparlons rapidement de la question de sélection ; car elle permet non seulement de pré-sélectionner le candidat qui va jouer, mais également de déterminer le montant d’une boîte particulière : la boîte Joker.
Cette boîte n’a effectivement pas de montant fixe, celui-ci variant selon les émissions. Pour chaque bonne réponse d’un candidat, son montant grossit de 10 000 €, et elle peut donc atteindre un montant maximum de 220 000 € si tout le monde y répond correctement. Parfois, ça arrive que chaque bonne réponse vale 30 000 € ou 50 000 €… mais sans raison particulière, c’est juste selon l’humeur de la production.

Et concernant la question… c’est variable. Bon, il s’agira toujours d’un QCM à 3 propositions de réponse ; mais son niveau de difficulté, j’ai envie de dire que c’est selon l’humeur.
Dans mon souvenir, lorsque je regardais surtout en 2006, je me rappelais de questions qui n’avaient rien à envier aux premières posées dans QVGDM, c’est-à-dire des questions avec des réponses stupides pour que la bonne réponse paraisse évidente en comparaison. Donc autant dire, aucun intérêt, puisque la boîte vaudra presque toujours 220 000 €, et que tous les candidats seront éligibles pour participer à l’émission du jour (sauf ceux qui arrivent quand même à se planter… eh, on est sur TF1, ne l’oublions pas…).
Néanmoins… il y a quand même parfois des émissions où la question est moins stupide (surtout durant la première saison), et donc moins anodine. On a même parfois quelques catastrophes, avec seulement une poignée de candidats, voire un seul, qui répond correctement, avec donc une boîte Joker au montant assez « faible » en sus (enfin, « faible »… selon les standards du jeu, car 10 000 €, pour France 3, ce serait une fortune). Je dirais bien que c’est parce que comme on est sur TF1, le niveau est bas, et qu’il suffit d’une question un tant soit peu intéressante pour que ce soit l’hécatombe… mais honnêtement, il m’est déjà arrivé de ne pas connaître la réponse à certaines de ces questions « sérieuses » (dont les mauvaises réponses n’étaient pas idiotes), donc je ne me moquerai pas autant non plus.
Bref, cette phase de sélection et de calcul du montant du Joker est clairement plus intéressante lorsque la question n’est pas juste une blague. Dommage qu’au fil du temps, ça le soit davantage devenu…
Sinon, si vous voulez savoir ce qu’il se passe lorsque personne ne répond correctement… eh bien, on fait comme si de rien n’était et on pose juste une nouvelle question.

Notons toutefois que cette question de sélection disparaît, de même que la boîte Joker, à partir de 2006. Le candidat qui va jouer est simplement sélectionné par tirage au sort, et toutes les boîtes ont un montant fixe.
Bon, honnêtement, vu que cette question avait de moins en moins d’intérêt au fil du temps, on ne va pas la considérer comme une grosse perte…


Au passage, si vous vous posez la question, les nouvelles silhouettes censées représenter l’Outre-mer et les pays francophones ne correspondent à rien du tout… on aurait pu l’adapter selon les candidats présents, mais apparemment c’était trop de boulot.

L’un des concepts les moins vendeurs au monde…

Oui, on ne va pas se mentir : les candidats passent leur temps à ouvrir des boîtes, et le spectateur passe son temps à les regarder ouvrir des boîtes. Dit comme ça, on se demande quel diffuseur aurait été suffisamment inconscient pour accepter un concept pareil… surtout pour en faire une émission d’access prime-time.
Je sais qu’on était sur TF1, à une époque où ils ne cherchaient pas particulièrement à donner une plus-value intellectuelle à leurs jeux ; mais même dans des concepts traités de façon très superficielle comme La roue de la fortune, on pouvait quand même avoir un peu de matière à réflexion via les énigmes. Oui, techniquement, ici, on a de la matière à réflexion via la question de sélection au départ (du moins quand elle était encore présente… et qu’elle n’était pas stupide…), mais bon, franchement, c’est léger.
C’est d’ailleurs principalement pour cette raison-là que je craignais de me replonger dans le jeu, et que je me disais que ça n’allait rester qu’un bon souvenir de mon adolescence sans plus. Même si je n’ai rien contre des concepts plus légers et que je ne cherche pas à regarder la crème de la crème, ça me semblait quand même un peu trop borderline selon mes critères habituels de juste suivre une succession de boîtes qui s’ouvrent avec des candidats qui s’amusent entre eux, car j’aime pouvoir interagir avec un jeu TV, et pas simplement suivre de façon passive. Or, ce concept n’est pas fait pour interagir avec son public, on ne peut que constater ce qui s’y passe (à moins de s’amuser à prévoir les offres du banquier ou de deviner le montant dans la boîte du candidat), et ça reste relativement répétitif comme principe.


Là, par exemple, on ne la sent pas trop, la plus-value intellectuelle…

Mais bon, ça ne semblait pas non plus être un critère trop problématique pour les diffuseurs ni pour les spectateurs, en particulier pour les jeux Française des Jeux.
Prenez le Millionnaire, par exemple : basiquement, le concept, c’est juste de voir un candidat tourner une roue et remporter la somme associée à la case sur laquelle elle s’arrête. Pas de quoi pavoiser… l’EuroMillionnaire aura essayé d’étendre un peu plus le concept avec plusieurs roues, mais ça n’ira pas beaucoup plus loin.
Mais ce qui rendait le concept addictif, ce n’était pas uniquement cette roue qui tourne. C’était tout l’enrobage qui allait avec : le côté un peu cérémonial, l’animateur qui discutait avec les candidats, le public… et il en sera de même pour APOAL.

… sauvé par son ambiance !

Et fallait-il que ce point soit bien réussi par ce jeu, car s’il ne l’avait pas été, il aurait facilement été beaucoup plus foireux.
Bon, avant toute chose, je précise que ça ne rendait pas le jeu automatiquement super, et que je comprends tout à fait pourquoi certains ne l’aimeraient pas, si ce qu’ils recherchent en premier lieu, c’est un concept qui les intéresse et qui va plus loin que d’ouvrir des boîtes au hasard (d’ailleurs, d’habitude, je fais partie de cette catégorie de gens…).
Mais je vais expliquer pourquoi, dans ce cas précis, ça a pu fonctionner chez moi (et pourquoi ça n’a pas fonctionné quand Hanouna a tenté de relancer le programme…).

Première chose : les intervenants.
Par là, j’entends principalement l’animateur et les candidats ; auxquels on peut rajouter l’huissier de justice qui a réparti les gains dans les boîtes, ainsi que le Banquier.
Concernant l’huissier (Me Jean-Louis Hauguel), on nous le présente en début d’émission, pour qu’il nous certifie que c’est bien lui qui a placé les gains dans les boîtes, et que lui seul, ainsi que le Banquier, sait ce qu’il y a dedans. Il n’intervient cependant quasiment plus après cette explication.
Concernant le Banquier, celui-ci n’est au départ que virtuellement présent. Durant les premières saisons, ses interventions n’iront pas plus loin qu’une sonnerie de téléphone, et des « héhéhé » rajoutés en post-prod ; et seul Arthur (et parfois le candidat) est apte à pouvoir lui parler et à l’écouter. Ca suffit à en faire un personnage avec une certaine « présence », qui contribue à l’ambiance du jeu. Notons cependant qu’à partir de 2006, il devient cette fois-ci « visible » par tout le monde, par écran interposé et via une silhouette le montrant de dos. J’aime bien ce genre de détail, avec l’antagoniste qui fait ressentir sa présence sans qu’on ne voie son visage ; ça fait un peu Docteur Gang dans Inspecteur Gadget, ou Professeur Z dans District Z.


Bien sûr, on n’en voit jamais le visage.

Concernant l’animateur, à savoir Arthur… bon, là, ce sera clairement du « Chacun ses goûts », étant donné qu’il est réputé pour être assez clivant.
Toutefois, sans en être particulièrement fan (disons que comme Nagui, son parcours professionnel est assez touché/coulé à ce niveau-là), je trouve toutefois qu’il tient très bien la boutique, qu’il sait meubler l’émission comme il le faut, et qu’il a des bonnes interactions avec le candidat ou avec le banquier. On sent un peu le côté « comédien » du personnage (même si je ne me hasarderai clairement pas à dire si c’est un bon humoriste ou non…), qui rend très bien dans ce contexte.
Enfin, ça n’empêche toutefois pas de le trouver un peu bof dans certains cas de figure… je pense notamment à certaines répliques assez répétitives à la longue, que ce soit pour décrire les candidates, ou pour les poncifs sur le fait que les sommes proposées par le banquier, ça fait quand même déjà pas mal d’argent ; et enfin, même si c’est un peu à imputer à l’ambiance que le jeu cherchait à mettre en place, le discours de fin d’émission sur un fond musical de la bande originale du film Le dernier des Mohicans, qui faisait aussi office de suspense de fin, avait un côté assez kitsch. Bref, son « talent » avait quand même ses limites.

D’ailleurs, puisque je parle du fond musical, parlons-en tout de suite : l’émission se lâche totalement à ce niveau-là. On entend beaucoup de musiques, notamment des musiques joyeuses dès qu’un candidat élimine une petite somme ; mais quand c’est une grosse somme qui passe à la trappe, on sort les violons. On a également quelques musiques d’attente ça et là qui accompagnent les moments où le candidat réfléchit à accepter une offre du Banquier ou non.
Concernant cette gestion musicale… sans mauvais jeu de mots, c’est à prendre ou à laisser. Ca fait partie intégrante de l’émission, et je reconnais que ça paraîtrait plus vide et moins ambiancé si ça n’y était pas… mais je reconnais que pour certains, ça peut être aussi très kitsch.
Après, à ce niveau-là, c’est un peu comme l’ambiance de NOPLP version maestro : soit on arrive à être pris dans le délire et on accroche bien (tout en étant conscient du côté un peu stupide que ça pouvait avoir), soit on trouve ça juste con… donc bon, c’est à vous de voir.


Mais parlons plus en détail d’une catégorie d’intervenants en particulier : les candidats.
Ils sont 22 sur le plateau, ils reviennent d’une émission à l’autre (jusqu’à avoir joué à leur tour), et à chaque émission celui qui a joué la veille est remplacé par un nouveau.

Et… pour une fois, je ne vais pas me plaindre des critères de casting de TF1 (bon, sauf pour leurs réponses stupides à la question de sélection…), car ils ont quand même pas mal d’importance dans l’ambiance recherchée par le programme.
En fait, j’irais même jusqu’à dire que ce jeu a eu un petit côté « précurseur » concernant la starification des candidats (en ne comptant évidemment pas la télé-réalité). Et ce, sans recourir à un système de champion illimité comme le font 90% des autres jeux (trop facile). Bon, certes, il y a peu de chances qu’on se souvienne d’eux 2 ans plus tard, mais ils arrivent quand même à marquer sur le coup.
Et même si leur personnalité y est très souvent pour quelque chose, la mécanique du jeu reste tout de même importante pour mettre cet aspect-là en valeur.

Car si on arrive à s’attacher aux candidats, c’est pour plusieurs raisons.
Premièrement : l’esprit de bande. Dès leur arrivée, on commence à faire connaissance, puis à force de revenir le lendemain, leurs visages deviennent davantage familiers… jusqu’à ce qu’ils participent, et connaissent leur épilogue au sein de l’émission.
Deuxièmement : le jeu individuel. Ce jeu se focalise sur un seul candidat et sur les choix qu’il est amené à faire, durant une trentaine de minutes. En outre, la mécanique globale étant assez simpliste, ça permet aussi de consacrer plus de temps aux interactions avec le candidat. On n’est pas distrait par autre chose, on a pleinement le temps de s’identifier, voire de développer une certaine empathie envers lui ; et d’être content pour lui s’il gagne le gros lot, ou triste pour lui s’il ne repart qu’avec un centime d’euro.
Bon, il y a quand même un peu de pathos ça et là, notamment sur certains candidats qui n’ont pas eu une vie facile… mais ça va encore, on n’est pas non plus dans Confessions intimes.

Bref, les candidats ont clairement leur importance, en donnant un côté davantage intimiste, en développant un certain esprit de bande, et en donnant au programme l’envie d’être suivi en dépit de son manque d’interactivité avec le spectateur.
Je pense même d’ailleurs que ça doit être l’un des meilleurs jeux mettant en avant un esprit de bande de candidats. Ce n’est clairement pas Chacun son tour qui réussit le mieux cet aspect-là…

Cela dit, malgré cette bonne gestion des différents intervenants, ce qui m’a vraiment fait revoir ce jeu et son ambiance à la hausse, c’est très clairement sa gestion du rythme.
Pour moi, c’est même presque le meilleur point de l’émission, car en dépit du concept qui ne vole pas bien haut, on ne s’ennuie pas. Contrairement à un Que le meilleur gagne (vous le sentiez venir, hein ?) où les moments de flottement du déroulement se font cruellement ressentir et rendent le jeu très chiant à regarder, ici, on est conscient qu’il faut que ça tourne. Alors qu’on aurait pu craindre justement que le concept ne soit meublé à outrance avec du blabla, pour mettre à l’honneur Arthur et les candidats, ce jeu n’en abuse pas.
Ce qui fait que l’émission est finalement très fluide à regarder : en effet, ce jeu sait aller vite quand il le faut, enchaîner les ouvertures de boîtes quand il le faut, donner de l’importance aux candidats quand il le faut (et sans nuire à son rythme), et ralentir la cadence quand il le faut également, notamment sur la fin. Oui, même si je me suis un peu moqué du speech pompeux qu’Arthur fait sur le/la candidat(e) qui joue avant l’ouverture de la dernière boîte, ça reste quand même une manière de gérer le rythme assez bien pensée.
Sincèrement, cette gestion du rythme était vraiment au poil, et ne m’aurait pas fait garder un aussi bon souvenir de cette émission si elle avait été moins bien faite.

D’ailleurs, histoire de casser des briques sur la version C8, c’est très clairement un aspect que cette version-là avait royalement raté ; et qui, à mon avis, expliquait en grande partie pourquoi cette version n’avait pas su prendre (même sans prendre en compte l’aversion que je peux avoir pour Hanouna…).
Oui, cette chaîne avait eu l’idée un peu originale de proposer un jeu en direct, ce qui était osé pour un jeu d’access (même si déjà fait avec L’or à l’appel dans les années 90) ; mais finalement, ça n’aura pas été à son avantage. Mine de rien, les émissions enregistrées, ça a aussi du bon, pour permettre de couper les moments de flottement et gérer le rythme d’une façon plus fluide.
Et ce qui aidait encore moins, c’est le fait que non seulement Hanouna n’a jamais su gérer le rythme ni la durée de ses émissions correctement (il suffit de voir les débordements d’horaires récurrents de Touche pas à mon poste… ah, ça a ses avantages, d’être sur une chaîne dont la direction se fiche complètement du respect de ses horaires, voire encourage carrément son animateur vedette à s’en tamponner le coquillard…) ; mais de plus, l’émission s’étirait sur plus d’une heure !!! Avec des ouvertures de boîte très espacées, des happenings dont on se fiche complètement pour meubler… au bout d’un moment, il faut arrêter de se moquer du monde, et savoir gérer son antenne plus sérieusement, même pour un concept léger comme celui-là !

Mais bon, voyons le bon côté des choses : en étant complètement ratée, cette version C8 aura au moins eu le mérite de montrer en quoi la version TF1 réussissait à fonctionner. Bref.

L’importance des flambeurs et des gains en jeu

Néanmoins, c’est un concept qui a tout de même ses limites.
C’est un peu l’inconvénient de la mécanique basée exclusivement sur du hasard et de l’échange d’argent : d’une part, il faut qu’on ait des scenarii intéressants pour continuer à susciter l’attention du spectateur jusqu’au bout ; et d’autre part, il faut également des candidats joueurs.
En ce qui concerne les scenarii : en effet, si on a, parmi les dernières boîtes, uniquement des montants relativement élevés, la tension retombe. Même si voir un candidat repartir avec 50 000 € est moins impressionnant que de le voir repartir avec 500 000 €, ça reste tout de même un gain suffisamment honnête pour qu’on ait poussé un soupir de soulagement bien plus tôt. A contrario, s’il ne reste plus que des sommes bleues, voir le candidat limiter la casse le plus possible pour repartir avec 100 € au lieu d’un centime n’est pas aussi prenant non plus. Ce qui faisait qu’on avait tout de même assez souvent des situations de « grand écart » sur la fin, avec deux boîtes restantes dont le montant était bas pour l’une et plutôt élevé pour l’autre, avec soit un échange de boîte proposé par le banquier, soit une somme intermédiaire. Mais bon, je n’irai pas crier particulièrement au trucage à ce niveau-là, car statistiquement, ça reste quand même plausible ; et le banquier peut toujours influencer d’une certaine façon le déroulement pour arriver à ses fins.
Et puis bon, avons aussi que, tout simplement, avec des sommes élevées en jeu, il y a de quoi générer un suspense naturel vers la fin. C’est comme au Millionnaire, c’est l’excitation de pouvoir potentiellement tomber sur le million après le suspense d’une roue qui tourne qui suscite de l’excitation.

Et en ce qui concerne les candidats : s’ils sont trop raisonnables et prompts à accepter la première offre du banquier, les trois quarts restants de l’émission seront bien moins palpitants, même en continuant à jouer uniquement pour le fun. Je pense toutefois que, durant un bon nombre d’années, le jeu a bien réussi son casting à ce niveau-là.
Là où ça a posé un peu problème, ça a été sur la fin de vie du jeu (sur TF1). La crise financière étant passée par là, les candidats sont devenus plus raisonnables et ont plus volontiers accepté les offres du banquier plutôt que d’être joueurs et de vouloir aller jusqu’au bout. Ce qui est très raisonnable de leur part, et qui contrebalance quelque peu le côté douteux du concept… mais qui, à côté de ça, réduit l’intérêt de visionnage.
Et je pense que c’est ce qui aura coûté à ce jeu sa place sur l’antenne de TF1 à la longue… soit dit en passant, après l’arrêt de APOAL, les jeux laissant le choix au candidat d’arrêter ou de continuer se seront raréfiés : QVGDM finira par être réservé au prime time avec des people jouant pour des associations ; Au pied du mur (le remake de 1 contre 100) inclura une règle pour que le candidat ne parte pas quand il veut mais seulement dans des cas précis ; et Money Drop, qui aurait aussi pu intégrer une règle pour que les candidats arrêtent quand ils veulent, ne l’aura pas fait (à la place, on se contentera d’une finale « tout ou rien » complètement foireuse… on en reparlera en temps voulu…).

Toutefois (et c’est encore un point que TF1 aura compris, et C8 non…), l’échelle des gains jouait nettement en la faveur du programme.
TF1 de l’époque oblige, les gains potentiels pouvaient monter très haut (250 000 € au départ, puis 500 000 €, puis même un million d’euros). Et tant mieux, car APOAL fait partie de ces jeux dont l’intérêt dépend grandement de l’enjeu qu’on lui donne. Avouez que si le gain maximal avait été de 1000 € comme pour un jeu de l’après-midi de France 3, on aurait moins eu envie de regarder en se disant qu’il n’y avait clairement pas de quoi pavoiser… et d’ailleurs, de façon générale, à moins de faire ça dans un contexte sans prise de tête et juste pour l’amusement, participer à une loterie a davantage d’intérêt quand le gain potentiel est élevé. Avec un gain moindre, ça peut toujours rester amusant d’y participer… mais de juste en regarder une, beaucoup moins.

Et c’est l’une des raisons pour lesquelles, lors de sa diffusion sur D8/C8, le jeu est devenu un peu moins intéressant (en plus de la gestion calamiteuse du rythme). Bon, certes, 100 000 € de gains potentiels (enfin, pas tout à fait, à cause du point suivant…) pour la version Courbet, ça restait encore honorable, mais on sentait tout de même la réduction de budget. Enfin, ça restait quand même mieux géré que ce qui a été fait par la suite…
Car même si la version Hanouna montait plus haut en matière de gain maximal (250 000 € + cagnotte qui grimpe à chaque émission où elle n’est pas remportée)… non seulement l’échelle de gains restait assez déséquilibrée, mais de plus, les trucages pour éviter que le gain maximal ne tombe étaient trop évidents. Eh oui, il ne faut jamais promettre ce qu’on ne peut pas se permettre… visiblement, C8 n’avait pas retenu la leçon de Still standing.


Sinon, détail qui a son importance : c’est ENCORE un jeu où les gains affichés ne sont pas remportés en totalité par le candidat, mais partagés avec un spectateur… enfin, je dis « encore », mais il me semble que ça a été l’un des premiers à le faire, donc bon… même si ça n’enlève toujours pas le fait que je trouve ça toujours un peu malhonnête, même en le précisant explicitement (vous connaissez mon avis à ce sujet, depuis le temps).
Et c’est d’ailleurs d’autant plus ridicule quand certains « gains » ne sont pas franchement éligibles à ça, en particulier les plus faibles… vous m’expliquez comment on fait pour partager un centime d’euro, par exemple ? Vous avez réussi à convaincre l’Union Européenne de descendre jusqu’aux millièmes pour leur système monétaire, afin de pouvoir faire gagner 0,005 euro au candidat ? Et pour les objets, vous les coupez en deux ? … bon, je ne les ai pas vu couper les objets en deux, donc je ne saurais pas dire s’ils le faisaient réellement, mais j’espère que non (car ça aurait été non seulement inutile, mais en plus d’une stupidité absolue, bonjour le gaspillage…). Le seul intérêt à ce niveau-là, c’était de faire des blagues du type « Ce serait un peu dommage de ne gagner qu’un demi-tabouret, car ce serait une situation un peu bancale » (si, si, ça a vraiment été dit…). Bon, en vrai, ils ne coupaient rien du tout, ils donnaient juste plus ou moins l’équivalent monétaire au spectateur.
Au passage, ils sont très indécis sur la transparence à ce sujet ; car autant on précise bien parfois à l’oral que le montant est partagé ; autant d’autres fois, Arthur oublie de le mentionner, et dit à un gagnant à 500 000 € qu’il a gagné un demi-million (alors qu’en vrai, non, il n’en gagne qu’un quart…).

Une demi-bouilloire, mais bien sûr.
Le pire, c’est que dans d’autres cas, ils remplacent pourtant l’objet par une valeur monétaire… j’imagine que c’est selon l’humeur de la production là encore…

Total : 10/20

Dans d’autres circonstances, A prendre ou à laisser est un jeu qui aurait très facilement pu me déplaire. Pensez donc qu’avec un concept qui fait aussi peu rêver sur le papier que d’ouvrir une vingtaine de boîtes jusqu’à la dernière, proposé dans une ambiance à la TF1… dit comme ça, c’était la garantie d’avoir un jeu qui aurait facilement pu atterrir dans le flop 15 des pires jeux que j’aie jamais vus.
Et pourtant… cette émission est un petit miracle à elle seule. Au lieu d’être rébarbative, elle est prenante, pour peu qu’on arrive à y accrocher. La gestion du rythme, des enjeux et de l’esprit de bande sont telles qu’avec la maîtrise de ces ingrédients, on réussit à faire d’une mécanique aussi peu intéressante quelque chose qui arrive à happer l’intérêt du spectateur. Retirez ne serait-ce qu’un seul de ces ingrédients, et on court tout droit à la catastrophe, comme l’a montré C8…
Ca ne rend cependant pas ce programme excellent (loin s’en faut), le concept restant tout de même ce qu’il est, et ne méritant franchement pas d’être valorisé plus que ça (d’où la note qui reste moyenne) ; mais ça reste tout de même une belle prouesse de sa part d’avoir réussi à marquer les mémoires en partant d’aussi loin.

Dommage que le concept du jeu de la prochaine fois n’ait pas réussi à marquer les mémoires, en revanche, car il l’aurait quand même davantage mérité…

garsiminium

Enchanté, moi c'est garsim. Bienvenue sur mon blog, où je parle de différents sujets, légers comme moins légers.

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