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#002 – Motus

Ah, Motus. C’est un jeu que j’aime sincèrement, dont j’ai toujours déploré l’horaire de diffusion qui faisait que je ne pensais que très rarement à le regarder en direct, et dont j’ai dernièrement déploré l’arrêt suite à l’une des décisions les plus stupides que la direction des programmes de France TV n’ait jamais faite, sous un prétexte on ne peut plus fallacieux ; soit disant, il y a trop de jeux quotidiens sur France TV… et c’est pour ça qu’un an après la suppression de Motus, France 2 a diffusé Mot de passe et Un mot peut en cacher un autre à ce même horaire ! Bon, ok, ça reste une bonne chose de quand même avoir des jeux à cet horaire (… du moins jusqu’à ce que France 2 se contente juste de rediffuser Tout le monde a son mot à dire à la place…), mais bonjour l’hypocrisie.
Pardon, pardon, je m’égare. Toutefois, nonobstant ce côté très iconique du programme, il n’est pas sans défauts assez notoires. Relativement compensés par ce que ce jeu réussit, certes, mais qui me frustrent quand même assez quand j’y repense… on va s’y pencher.

Le concept

Ai-je vraiment besoin de présenter ce concept ? … bon, c’est quand même un peu mon job, on va faire un petit effort.
Le principe du Motus consiste donc à trouver un mot d’un nombre de lettres donné, commençant par une lettre donnée (elle aussi) en un nombre maximum de tentatives (6 pour être plus précis). Pour chaque tentative, on vous indique les lettres bien placées, dans un carré rouge ; celles présentes dans le mot, mais mal placées, dans un cercle jaune ; et celles absentes du mot, sans changement dans la forme. Avec ces indications, l’équipe doit en déduire le mot à trouver.
Proposer un mot qui n’existe pas, qui est trop court/trop long, ou ne pas réussir à le trouver au bout des six tentatives, fait passer la main à l’équipe adverse, qui bénéficie par la même occasion d’une lettre bien placée supplémentaire.


Allez, là, vous avez tous les éléments pour trouver le mot à deviner.

Alors, ce n’est pas le seul élément caractéristique du jeu, mais pour moi, c’est très certainement l’aspect le plus symbolique et le mieux réussi de cette émission : son concept de base.
Certes, les jeux basés sur le vocabulaire, les mots et les lettres existent et sont relativement nombreux, mais celui-ci est le seul à proposer cette mécanique-là précisément.
Une mécanique bien pensée, dans la mesure où elle est très accessible, intemporelle, et qui fait qu’on peut s’intéresser à ce jeu à tout âge. Par ailleurs, c’est une mécanique qui pousse au fur et à mesure à chercher des stratégies pour trouver des mots, donc dans laquelle on peut chercher à se perfectionner. La plus connue qui a fini par être employée quasi-systématiquement étant de dicter en premier un mot avec un maximum de voyelles différentes.

En outre, j’aime tout particulièrement le fait que ce jeu mette en valeur la langue française, et d’une façon aussi ludique de surcroît. Je pense que c’est un très bon jeu pour jouer sur le vocabulaire, et pour s’adresser par ailleurs à un public très large, y compris très jeune, là où des jeux de culture générale pure auraient plus de difficultés.
D’ailleurs, jeune ou pas, le spectateur peut toujours y apprendre des choses, notamment des mots de vocabulaire qu’il ne connaissait pas forcément. Ce qu’on retrouve d’ailleurs avec certains mots d’ouverture : en effet, est-ce que beaucoup de monde saurait ce qu’est une « coudraie » si ce mot n’avait pas été autant employé dans Motus ?
Bref, s’il y a bien une bonne raison pour laquelle ce jeu était de service public, c’était clairement celle-ci.

La première manche

Bien sûr, ce concept est exploité d’une façon particulière.
Deux binômes s’affrontent. Le premier tente de trouver un mot : s’il le trouve, il remporte 50 points (sauf le dernier mot, qui en vaudra 100) ; s’il ne le trouve pas ou fait une erreur, la main passe à l’adversaire, qui va tenter de trouver le mot à son tour.
Le binôme qui trouve le mot doit ensuite piocher des boules dans une urne : chacun de ses membres pioche un numéro, qui figure sur une grille numérotée, et leur but est, au fur et à mesure, d’avoir une ligne complète de numéros (horizontalement, verticalement ou en diagonale), pour obtenir 100 points supplémentaires, et réinitialiser les grilles. En revanche, il doit faire attention à ne pas piocher l’une des trois boules noires, qui fera passer la main à l’autre binôme.


Un exemple de grille de nombres, en début de partie.

Et bien que cette mécanique soit très symbolique, notamment avec la fameuse boule noire et son jingle redouté des candidats… je suis légèrement plus dubitatif sur cette approche-là.
Dans l’idée, le fait d’avoir une grille à compléter pour gagner plus de points est plutôt une bonne chose, car ça récompense la performance sur le « long terme » ; et l’ajout des boules noires permet de favoriser la rotation des binômes.
Mais le revers de la médaille, c’est que ça donne aussi une importance un peu trop grande au hasard, et peut aussi conforter la chance ou la malchance d’un binôme à ce niveau-là.
Donc finalement, c’est une approche un peu plus « touché-coulé ».


« Oh. Oh oh oh oh. » dans 3… 2… 1…

Par ailleurs, j’ai également un léger problème avec le rythme de la première manche.
C’était peut-être à force d’avoir joué avec le CD-ROM du jeu à l’époque, mais j’avais été frappé par le nombre de mots joués à temps équivalent entre le CD-ROM et le jeu TV… et constater que la première manche de l’émission me paraissait moins rythmée, notamment à cause du blabla qu’on pouvait avoir entre les tirages. Bon, ça conforte le ton « feel good » de ce jeu matinal, notamment avec un animateur humble pour lequel c’est toujours un plaisir de le voir, et j’ai déjà vu pire à ce niveau là (la première manche de Tout le monde veut prendre sa place, par exemple…), mais je n’aurais pas été contre des enchaînements légèrement plus fluides.

Cependant, j’ai un problème plus important avec cette mécanique de « ping-pong » basée sur les mots à trouver et les tirages de boules…
Problème : la façon dont la main passe…

A l’instar de La roue de la fortuneMotus a une mécanique où un joueur (ici, un binôme) joue à la fois, et continue à jouer tant qu’il ne commet pas d’erreur ni n’a de malchance au tirage (pour LRDLF, c’est une case Passe ou Banqueroute, pour Motus c’est une boule noire). Et cette mécanique est loin d’être sans défaut.

Déjà, oublions les boules noires et concentrons-nous uniquement sur les phases de réflexion.
Le premier binôme joue, et deux scenarii peuvent se produire : soit il ne trouve pas le mot, soit il le trouve (oui, je sais, c’était un raisonnement pas évident). Mais après (toujours si on exclut le tirage de boules), ce scénario se répète. Puis il se répète encore une fois, etc. jusqu’à ce que la première manche se termine.
On peut représenter ça sur un graphe :

Bon, le schéma est simplifié pour ne pas le surcharger, et je n’ai pas représenté les tirages de boules dessus ; mais en fait, ça ne change pas grand-chose (remplacez juste un mot sur deux par un tirage de boules, l’issue restera la même par rapport à celle d’un mot trouvé ou non).
On peut apercevoir sur ce graphe un chemin entièrement en vert, qui correspond à un sans-faute de la part du binôme qui avait la main dès le début. Et même si ça reste un cas théorique, il n’a rien d’irréaliste ; d’autant plus qu’au fil du temps, les candidats peuvent s’entraîner et recourir à des stratégies rôdées qui leur assurent de trouver tous les mots.
Et même sans aller jusqu’à des cas « extrêmes » comme celui-ci, on peut également se dire que perdre la main peut se payer très cher si l’autre binôme décide de ne pas la rendre de sitôt… un peu sévère, comme sanction.

D’où (probablement) l’idée du tirage de boules afin que la main ait l’occasion de passer un peu plus souvent.
On pourrait se dire qu’introduire un facteur chance est en quelque sorte un moyen de contrebalancer une mécanique défaillante, et c’est effectivement le cas… mais d’une part, ça ne change rien spécialement par rapport au graphe que j’ai représenté ci-dessus ; et d’autre part, ça reste néanmoins un moyen assez injuste de le faire.
Certes, contrairement au niveau de réflexion, les candidats n’ont aucun moyen de maîtriser leur chance, et le scénario « parfait » décrit ci-dessus a ainsi moins de chances d’arriver… mais d’un autre côté, ça reste quand même assez râlant de voir un bon niveau sanctionné juste par de la malchance.


Alors, je reconnais que ces messieurs de l’équipe bleue ont un excellent niveau, vu leur score aussi élevé.
Sauf que comme ils ont gardé la main quasiment tout au long de la partie, les candidats jaunes n’ont quasiment pas eu l’occasion de pouvoir en placer une. C’est gênant… et ça illustre bien le problème numéro 1 que j’ai avec ce jeu.

Oui, c’est un peu paradoxal que je me plaigne d’un côté que la mécanique de jeu favorise trop les bons candidats, et que de l’autre elle les défavorise injustement…
Mais là où je veux en venir, c’est que cette mécanique de jeu semble pensée avant tout pour des joueurs de niveau moyen, où les défauts des règles sont moins flagrants. Elle est en revanche beaucoup moins adaptée à un niveau de jeu élevé, car elle ne peut pas départager proprement deux binômes expérimentés. Or, en 29 ans d’existence, les candidats ont eu le temps d’apprivoiser le concept, de s’entraîner, et de devenir de vrais pros pour certains…
C’est le même type de reproche que je peux faire à la version maestro de N’oubliez pas les paroles, où un maestro talentueux peut ne jamais laisser de fenêtre au challenger pour le battre, car la mécanique fait en sorte de potentiellement lui donner de l’avance : le défaut est moins flagrant avec des candidats de niveau moyen et peu susceptibles de boucler la même chanson, mais il devient flagrant quand on a un grand maestro capable de faire un sans-faute complet.
C’est un problème légèrement moins embêtant dans Motus, car contrebalancé par les tirages de boules… mais qui reste quand même présent et très frustrant.

Peu de variations sur le concept ?

Et ce point précédent rajoute un peu d’eau à mon moulin concernant celui, moins grave, sur lequel je vais me pencher ici.
En 29 ans d’existence, ce jeu n’a quasiment pas connu d’évolution notoire dans sa mécanique, à l’exception du format initial de la Super Partie qui a rapidement été abandonné au profit de celui qu’on connaît à présent (j’y reviendrai).
Pour le reste, les modifications auront été un peu plus mineures. La plus évidente reste l’augmentation du nombre de lettres des mots à trouver, passant de 5 (oui, seulement !) en 1990 jusqu’à 10 lettres, pour finalement laisser le choix (entre 7 et 10 lettres) aux premiers candidats (avec quelques variations, comme un tirage au sort entre 2005 et 2009).
En dehors, on peut citer la boule magique introduite en 2012 (qui permet d’annuler une boule noire) ; et, pour la Super Partie, la modulation du temps de jeu en fonction du nombre de lettres, ainsi que l’introduction du bonus du onzième mot.


Bon, heureusement qu’on a rapidement augmenté le nombre de lettres des mots à deviner, parce qu’avec seulement 5 lettres on en fait le tour un peu vite.

Ca reste des ajustements agréables, qui ne sont clairement pas négligeables, et qui étaient de toute façon nécessaires.
Toutefois… ça montre aussi un peu pour moi que ce jeu n’a pas beaucoup osé évoluer de façon conséquente. Certes, ce n’est pas du tout un impératif pour un jeu de garder sa mécanique de base sans la révolutionner… mais ça aurait pu être l’occasion non seulement de moderniser le principe, mais également de corriger les défauts de la mécanique du jeu.
Qu’on soit bien clairs : je ne trouve pas ce jeu « vieillot » dans son concept. Trouver des mots en fonction de lettres bien ou mal placées, c’est un concept intemporel, et on en a eu la preuve avec les jeux de type « Wordle » ou « Sutom » qui trouvent leur public et font parler d’eux même au début des années 2020 (ce qui montre qu’il n’y a que les promoteurs du jeunisme exacerbé de France TV qui pensent le contraire…).
Mais ça n’aurait pas été de refus de faire évoluer davantage la structure globale du jeu pour moi, qui est un peu trop restée dans les années 90. Autant un jeu comme Questions pour un champion n’a pas eu besoin de faire évoluer sa mécanique (qui date quand même des années 80) dans les grandes lignes, car elle tient toujours aussi bien la route ; autant ici, on aurait pu davantage s’amuser avec cette mécanique.
C’est d’ailleurs en pensant à l’évolution de Des chiffres et des lettres que j’ai trouvé dommage que Motus n’ait pas osé aller aussi loin. Dans sa version de 2016 notamment, DCDL a su pour moi pleinement s’amuser avec son concept de base, pour en proposer des nouvelles règles et des variations qui brisent la monotonie qui a pu s’accumuler depuis son existence (ajout de duels aux concepts variés, ajout d’une finale chronométrée…), tout en restant fidèle à ses principes. Là où Motus n’a pas cherché à aller beaucoup plus loin, alors que les possibilités étaient là.

Bref, autant je maintiens que ce jeu n’a pas un concept démodé, autant je trouve qu’il aurait quand même pu évoluer un peu plus.

La Super Partie

Comme je l’ai dit un peu plus haut, la Super Partie que tout le monde connaît n’est pas apparue dès le début du jeu, et au départ on avait un format très différent. En effet, celui-ci se rapprochait davantage de la première manche, avec une alternance de mots à trouver et de tirages de boules ; en revanche, les candidats pouvaient se concerter, et le tout avait un chronomètre total de 7 minutes. Le but était que les candidats trouvent 5 mots dans le temps imparti, sachant que plus ils utilisaient de tentatives pour les trouver, plus ils devaient piocher des boules ; ce qui était handicapant, car cette fois-ci, le but était de ne surtout pas faire Motus, au risque de perdre.
Bon, c’est un résumé un peu grossier, car c’était un peu plus complexe en réalité, et je vous invite à regarder une finale d’émission de 1990 pour vous faire une idée plus précise ; mais après visionnage, on comprend pourquoi ce format n’a pas fait long feu. En effet, il était un peu complexe à comprendre, faisait un peu trop intervenir le hasard, et rendait la finale particulièrement ardue à remporter.


Et au passage, cette animation avec les smileys après chaque boule piochée était flippante.

D’où l’introduction d’un format plus simple, où cette fois-ci il n’y a plus de tirages, et où on se concentre sur les mots à trouver.
Le binôme a un temps défini pour trouver au minimum 10 mots (toujours avec le même nombre de lettres qu’au début de la partie) en maximum 6 tentatives ; mais cette fois-ci, leurs membres peuvent se concerter et n’attendent pas un tour précis pour jouer. En outre, les candidats ont également droit à au moins une autre lettre bien placée dans le mot en plus de la première pour les aider. Les erreurs ne sont pas éliminatoires, elles sont juste l’occasion manquée de pouvoir tester un autre mot.
Si les 10 mots sont trouvés, le binôme gagne le montant de la cagnotte ; et s’il reste un peu de temps, il peut même tenter un onzième mot, qui lui rapportera encore un peu plus d’argent s’il est trouvé.


C’est toujours râlant quand il manque juste une lettre et qu’on doit énumérer toutes les possibilités jusqu’à la bonne, n’est-ce pas ?

C’est une mécanique efficace pour la finale, et à mon sens la meilleure partie du jeu : en effet, celle-ci est davantage rythmée, est plutôt porteuse de suspense quand le niveau est bon ; et, se jouant avec un seul binôme, elle ne souffre pas du problème de rotation que j’ai décrit plus haut.
Le seul petit reproche que je pourrais lui faire est peut-être son côté « tout ou rien », puisqu’il faut a minima que le binôme trouve 10 mots pour pouvoir gagner quelque chose ; d’autant plus que le timing assez serré laisse finalement peu de place aux erreurs. En règle générale, si un binôme ne trouve pas l’un des mots, c’est assez rare qu’il parvienne à remporter cette finale, d’autant plus que passés les 10 mots joués (qu’ils aient tous été trouvés ou non), le onzième est plus difficile à trouver (puisqu’il correspond normalement au onzième mot « bonus » en cas de sans faute).
C’est un peu dommage, ce système n’aurait pas été incompatible avec des « paliers », qui auraient permis au binôme de remporter des sommes intermédiaires, sans avoir besoin de faire un sans-faute. Et ça n’aurait pas rendu les sans-fautes moins impressionnants.

Total : 13/20

Motus est un jeu que j’ai beau affectionner d’une certaine manière, je dois quand même me rendre à l’évidence sur le fait que malgré une certaine longévité, celui-ci n’ait jamais cherché à corriger un défaut assez important, en profitant de son statut de jeu matinal feel good pour rester dans son jus d’une certaine manière. Ça reste un point malheureusement un peu trop crispant pour que je puisse considérer ce jeu comme l’un des meilleurs, et c’est dommage compte tenu de tout le respect que j’ai pour lui en dehors de cette maladresse de mécanique.
Néanmoins, j’ai quand même beaucoup de respect et d’affection par rapport à son ambiance, à son concept de base, et par rapport à ce qu’il a pu apporter au PAF. Moi aussi, je suis attristé qu’il ait dû rendre l’antenne au bout de 29 ans de (majoritairement) bons et loyaux services, pour des raisons discutables ; mais je suis quand même très satisfait du souvenir qu’il a pu laisser collectivement, et de l’héritage qu’il a laissé. Un jeu qui n’a pas usurpé son statut de jeu culte.

Et pour la prochaine fois, on traitera un jeu qui… n’aura rien à voir, mis à part le fait que son nom rime. Parce que pourquoi pas, après tout.

garsiminium

Enchanté, moi c'est garsim. Bienvenue sur mon blog, où je parle de différents sujets, légers comme moins légers.

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